Introduction
Même si les premiers éléments du réseau des parcs nationaux du Canada se trouvaient dans les régions des montagnes Rocheuses et des monts Selkirk dans l'Ouest canadien, des mesures avaient été prises au début du XXe siècle pour étendre ce réseau jusqu'aux provinces de l'Est. Les premiers parcs avaient en grande partie été créés dans les régions des Rocheuses et des Prairies parce qu'il y avait là de vastes étendues de terres publiques non exploitées qu'administraient les différents services du ministère de l'Intérieur. De plus, la loi sur les parcs qui a été en vigueur de 1911 à 1930, facilitait l'aménagement de nouveaux parcs. Pour créer ceux-ci, il ne fallait qu'une chaude recommandation au gouverneur en conseil de la part du ministre de l'Intérieur qu'appuyaient ses collègues du Cabinet. Cependant, après l'adoption de la Loi sur les parcs nationaux en 1930, les avantages des futurs parcs firent l'objet de discussions parlementaires, car toute nouvelle addition au réseau des parcs exigeait la modification de la Loi sur les parcs nationaux ou une loi distincte.
Les premiers parcs nationaux de l'Est du Canada, soit ceux des Îles du Saint-Laurent, de la pointe Pelée et des Îles de la baie Géorgienne, ont été établis grâce à l'achat de terres tenues par fidéicommis pour les Indiens ou, dans le cas de la pointe Pelée, grâce à l'ancien terrain de l'amirauté, que gérait le ministère de l'Intérieur. Cependant, après 1930, le droit de propriété de la plupart des terres publiques inaliénées, lesquelles relevaient auparavant du ministère, a été rendu aux provinces et il fallut alors élaborer de nouvelles procédures. Au cours des 40 années qui ont suivi, la collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux permit la création d'autres parcs nationaux. Le choix des emplacements des nouveaux parcs se faisait après des inspections conjointes. Par la suite, la province intéressée cédait au gouvernement fédéral en vertu de la législation pertinente, le plein droit de propriété du terrain choisi. En retour, le gouvernement fédéral assumait les coûts d'aménagement et d'entretien du nouveau parc.
Les pages suivantes donnent un aperçu de l'histoire des parcs nationaux créés dans l'Est du Canada entre 1904 et 1971. Si on compare les parcs de l'Est avec ceux de l'Ouest, un seul, soit le parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, s'étend sur plus de 550 km2. Il n'y a, à l'intérieur des parcs de l'Est, aucun lotissement urbain ou grand centre d'accueil dans lesquels sont habituellement rassemblés les services municipaux et touristiques. Les détails de l'aménagement dont se chargeait l'administration des parcs nationaux et des entreprises privées sont donc traités ici avec plus d'ampleur que dans les chapitres précédents.
Le parc national des Îles-du-Saint-Laurent
Le cours pittoresque du fleuve Saint-Laurent qui s'étend entre le lac Ontario et Brockville constitue l'un des plus beaux exemples de décor fluvial en Amérique du Nord. Tout au long de cette partie de ce magnifique cours d'eau intérieur sont parsemées plus de 1 700 îles dont certaines ne sont que des rochers et des îlots alors que d'autres couvrent une superficie de plusieurs kilomètres carrés. Pins, chênes, érables et bouleaux dominent les falaises de gneiss et de granit ou descendent vers la rive et projettent dans les eaux turquoises leurs ombres colorées. Connue des premiers explorateurs sous le nom des « Mille Îles », cette région est un lieu de vacances et un terrain de jeu estival depuis plus d'un siècle. La frontière trace une ligne sinueuse à travers ce magnifique archipel situé entre le Canada et les États-Unis. À peine visible, cette ligne de démarcation ne nuit nullement à la beauté des lieux, et les habitants des deux pays se partagent depuis longtemps la splendeur du fleuve et les possibilités de sports et de divertissements de plein air qu'offre cet endroit.
Premiers parcs des îles
Au Canada, les Mille Îles ont été à une époque des terres indiennes. Après leur cession par les Indiens en vertu d'un traité, le gouvernement canadien les a tenues par fidéicommis. À la fin du XIXe siècle, un bon nombre des plus grandes îles avaient été vendues comme terrains pour résidences d'été, lesquelles ressemblaient souvent à des châteaux. Des centres touristiques avec grands hôtels avaient été graduellement aménagés sur les rives qui appartenaient à des particuliers. Heureusement, au début de ce siècle, certaines des plus grandes îles n'avaient pas été cédées à des fins privées et elles forment aujourd'hui le noyau du parc national des Îles-du-Saint-Laurent. C'est en 1904 qu'ont été tentées les premières démarches en vue de la création du parc, lorsque neuf îles faisant face aux cantons de Leeds, Landsdowne et Yonge ont été réservées pour l'aménagement d'un parc. Elles devaient être mises en vente, mais grâce aux protestations énergiques des résidants auprès du gouvernement fédéral afin qu'il les garde à des fins publiques, elles sont restées la propriété du gouvernement. Le 20 septembre 1904, l'administration et le contrôle sont officiellement passés des mains du directeur général des Affaires indiennes à celles du ministre de l'Intérieur en vue de l'aménagement d'un parc.1
Pour les îles Aubrey, Mermaid, Beau Rivage, Camelot, Endymion et Gordon, près de Gananoque, Georgian et Constance, près d'Ivy Lea, et Adélaïde, près de Mallorytown Landing, le ministère de l'Intérieur a versé la valeur minimale attribuée aux îles, soit 9 150 $, et l'argent a été remis à la bande Mississauga d'Alnwick. Plus tôt, en juin 1904, cinq membres de la famille Mallory, dont le nom est rappelé par le village de Mallorytown, avaient donné au gouvernement canadien, en vue de l'aménagement d'un parc, une petite île et un terrain voisin d'environ 1,6 ha, situé sur la rive, à Mallorytown Landing.2 En 1905, l'achat de l'île Stovin, ou Picnic, à l'ouest de Brockville, et d'un lopin de deux hectares, à l'extrémité ouest de l'île Grenadier, juste à l'est de Rockport, venait agrandir le parc. Ces terres faisaient également partie de terres indiennes tenues par fidéicommis par le ministère des Affaires indiennes.3
Le ministère de l'Intérieur a sans contredit fait une bonne affaire lorsqu'il a, au début, acheté les neuf îles puisque le ministère des Affaires indiennes avait déjà entrepris leur aménagement. En avril 1904, un contrat avait été passé avec J.D. Warwick, de Brockville, pour la construction de pavillons, de quais pour bateaux à vapeur et autres embarcations ainsi que pour la fourniture de tables, bancs et foyers pour usage en plein air, le tout à l'intention des personnes venant aux îles. Au premier contrat, qui comportait des améliorations à apporter au lopin de terre donné par la famille Mallory, on a ajouté d'autres points. L'entrepreneur a reçu 16 482 $ à la fin des travaux.4 Les îles aménagées ont alors été confiées à la garde d'un habitant de Gananoque qui recevait un salaire de 10 $ par mois.
Transfert de l'administration
Au début de 1908 les parcs des îles et d'autres éléments représentatifs du réseau des parcs nationaux sont confiés au Service forestier du ministère de l'Intérieur. Le directeur de ce service inspecte les parcs en juin de cette même année et révèle que certains des pavillons avaient été mal conçus et qu'ils s'étaient écroulés ou avaient perdu leur toit au cours des violentes tempêtes soufflant sur le fleuve. Le ministère des Travaux publics effectue les réparations nécessaires, ce qui permet aux pavillons de répondre aux besoins essentiels du public pendant de nombreuses années. En 1911, la nouvelle Direction des parcs fédéraux prend en charge la gestion des parcs des îles et met sur pied un service destiné à assurer régulièrement leur entretien. On engage des gardes saisonniers pour les plus grandes îles ou pour des groupes d'îles, et des employés de la Direction commencent à se rendre périodiquement sur les lieux afin d'y faire une inspection. Ce n'est qu'en décembre 1914 que les 12 îles sont officiellement constituées en parc national en vertu de la Loi des réserves forestières et des parcs fédéraux.5
Agrandissement du parc
Le parc des îles s'agrandit en 1919 lors de l'acquisition de l'île Canada, ou Doran, qui constitue une région pittoresque de huit hectares situées en face de la ville de Morrisburg, en vue d'en faire un parc national. L'île faisait partie de la réserve indienne de Saint-Régis, et le bail à long terme accordé par les chefs indiens était échu. Un arrêté en conseil pris en vertu de la Loi sur les Indiens autorise l'achat de l'île moyennant le paiement d'une somme à fixer par évaluation. On devait s'apercevoir plus tard que l'île ne pouvait être expropriée pour être transformée en parc aux termes de la Loi sur les Indiens, et il a fallu modifier la Loi des réserves forestières et des parcs fédéraux afin de permettre l'acquisition des terres indiennes sous ce régime. La loi fut adoptée en juin 1919.6 Après l'exécution des procédures d'expropriation conformément à la nouvelle loi, l'île est nommée parc de l'île Broder, en l'honneur d'Andrew Broder qui fut député de la circonscription de Grenville-Dundas à la Chambre des communes pendant de nombreuses années.7
Le lopin de 2 ha attenant à la propriété du phare située à l'extrémité occidentale de l'île Grenadier est agrandi en janvier 1924 par l'addition d'un autre terrain de 2 ha provenant de la réserve du phare et cédé par le ministère de la Marine et des Pêcheries au ministère de l'Intérieur en vue de créer un parc. Le nouveau terrain de 4 ha est appelé parc de l'île Grenadier.8 En juillet 1924, le parc fait une autre acquisition valable. Il s'agit de l'île Cedar, située dans le fleuve Saint-Laurent, en face du fort Henry, à 2 km à l'est de la ville de Kingston, île qui, après sa cession au Canada par le gouvernement impérial en 1870, avait relevé pendant de nombreuses années du ministère de la Défense nationale. La décision de confier la responsabilité de l'île au ministère de l'Intérieur en 1924 conduit à la création d'un parc attrayant à l'extrémité occidentale du réseau des parcs. Ce nouveau parc comprend les ruines d'une tour Martello qui constitue un exemple intéressant des premières constructions de défense érigées en 1846 afin de servir d'avant-poste au fort Henry.9 Ces acquisitions, qui portent à 14 le nombre de parcs des îles, ont été les dernières à être incluses dans le parc national des Îles-du-Saint-Laurent avant l'adoption de la Loi sur les parcs nationaux en 1930.
Historique
Le fleuve Saint-Laurent est étroitement lié à l'histoire des débuts du Canada. Après la première remontée du fleuve par Jacques Cartier en 1535 jusqu'à l'emplacement actuel de Montréal, le Saint-Laurent est progressivement devenu une voie navigable vers l'ouest, qu'ont empruntée les premiers explorateurs, commerçants de fourrures et missionnaires, et ensuite les colons et les marchands. Les autochtones vivant le long du cours supérieur du fleuve se composaient à l'origine principalement de membres du groupe des Iroquois, étant donné que la rive sud du Saint-Laurent constituait la limite septentrionale du territoire occupé par les Agniers, les Onneîouts et les Onontagués. Les Hurons occupaient le nord et le nord-ouest du fleuve et, encore plus au nord, vivaient les Algonquins. Les Indiens appelaient la région des îles « Manitoana » ou Jardin du Grand Esprit, et le souvenir de leur passage dans les îles a donné naissance à de nombreuses légendes.
La partie du fleuve Saint-Laurent qui abrite les Mille Îles a été témoin de la lutte entre les Anglais et les Français pour la possession de l'Amérique du Nord, qui prit fin en 1763, de la révolution américaine, de la guerre de 1812-1814 et de la rébellion de 1837-1838, qui se termina peu de temps après qu'une tentative d'invasion du Canada à partir d'Ogdensburg fut repoussée. Les noms de plusieurs îles du parc national rappellent la guerre de 1812-1814, et ont été choisis par le capitaine William Fitzwilliam Owen à la suite d'une étude qu'il avait menée sur le Saint-Laurent après la fin des hostilités.10 Les îles Endymion, Camelot et Mermaid portent les noms de chaloupes canonnières qui naviguaient sur les Grands lacs; l'île Gordon a été nommée en l'honneur du commandant James A. Gordon, l'île Stovin, en mémoire du général de brigade Richard Stovin et l'île Grenadier porte le nom du célèbre régiment britannique.
Les Mille Îles ont également servi de cadre à l'histoire du « chenal perdu » Lost Channel dont il est question dans le célèbre roman de J. Fenimore Cooper, The Pathfinder. Le nom de ce passage entre les îles tire son origine d'un incident qui est survenu en 1760 pendant la guerre de Sept Ans. Sur le chemin d'Oswego à Montréal, des effectifs de l'armée britannique commandés par Lord Amherst et transportés sur deux navires, l'Onandaga et le Mohawk étaient tombés dans une embuscade préparée dans les îles par un groupe de Français et d'Indiens. Au cours de l'échauffouréc, l'équipage d'une des chaloupes de l'Onandaga fut désorienté par les innombrables chenaux et la chaloupe disparut.11
Premiers visiteurs
Il semble qu'un missionnaire jésuite, le père Poncet, ait été le premier Européen à visiter les îles du Saint-Laurent en 1633.12 En juillet 1673, le comte de Frontenac, nommé gouverneur de la Nouvelle-France en 1672, remonte le Saint-Laurent à partir de Lachine avec une flotte de 120 canots et deux bateaux plats transportant 400 hommes à leur bord, dont quelques Indiens. Sa mission était d'établir à l'embouchure de la rivière Cataraqui une forteresse, qui sera appelée plus tard fort Frontenac et qui est aujourd'hui la ville de Kingston, en Ontario. Frontenac nous a laissé une description imagée de son voyage sur le cours supérieur du Saint-Laurent.
Le quatre (juillet), nous poursuivons notre voyage et apercevons la plus jolie région que l'on puisse imaginer : le fleuve est parsemé d'îles, toutes couvertes de chênes et d'autres espèces d'arbres, et le terrain est fertile. Les deux rives du fleuve ne sont pas moins pittoresques, et leurs arbres très élevés se détachent nettement sur le ciel et forment d'aussi belles futaies que celles qu'on peut voir en France.13
Les îles situées entre les villes de Kingston et Brockville ont été cédées par les Indiens Mississauga d'Alnwick en vertu du traité n°77 du 19 juin 1856. Des terres du groupe des Mille Îles ont été vendues pour la première fois le 18 mai 1868. Les premiers plans d'arpentage établis sous l'égide de la Direction des affaires indiennes datent du 30 avril 1893, et ils résultent de travaux d'arpentage effectués par Unwin et McNaughton en 1874 et Beatty en 1892. La description des îles qui forment actuellement le parc national est fondée principalement sur des plans d'arpentage datés du 23 janvier 1912.
Après avoir été proclamées parcs nationaux, les îles du gouvernement fédéral situées dans le fleuve Saint-Laurent ont offert pendant près de 40 ans aux estivants des installations de pique-nique, de natation et de camping. Peu à peu, les premiers quais devenus trop vieux ont été remplacés, et certains des premiers pavillons ont été transformés en abris-cuisines plus pratiques. D'après les estimations des gardes des îles, le nombre de visiteurs a rarement dépassé 15 000 personnes jusqu'en 1948. Des fonctionnaires de la Direction des parcs nationaux à Ottawa s'occupaient de la surveillance générale des îles ainsi que des gardes à temps partiel, et ils agissaient en qualité de directeurs intérimaires.
Le pont des îles du Saint-Laurent
L'ouverture du pont international des Mille Îles près de Ivy Lea le 18 août 1938 a été un événement marquant dans l'histoire des parcs des îles du Saint-Laurent. Les allocutions d'inauguration ont été prononcées par l'honorable W.L. Mackenzie King, premier ministre du Canada, et Franklin D. Roosevelt, président des États-Unis. La société responsable de la construction et de l'entretien du pont avait été constituée en 1934 et, par la suite, un arrêté en conseil du gouvernement fédéral lui avait permis d'ériger les piliers soutenant le pont sur les îles Georgina et Constance.14 Un accord de location, qui est entré en vigueur le 1er avril 1938, autorisait l'utilisation des terrains des parcs tant qu'existerait le pont.
L'emplacement du nouveau pont a été choisi de façon à relier Collins Landing dans l'état de New York et Ivy Lea, en Ontario. Au Canada, on pouvait y accéder par une nouvelle route provinciale, portant à l'origine le numéro 401 et aujourd'hui le numéro 28, qui suivait le fleuve Saint-Laurent à partir d'un endroit situé à l'ouest de Brockville jusqu'à Gananoque. L'emprise traversait la région du parc national à Mallorytown Landing, et la construction du pont à cet endroit a été facilitée par un échange de terrains entre le Canada et la province en 1939, ce qui eut pour effet d'agrandir la partie du parc donnant sur le fleuve.
Nomination d'un directeur
L'augmentation de la circulation des automobiles sur la route panoramique a rapidement entraîné un accroissement du nombre de visiteurs, particulièrement à Mallorytown Landing. En 1949, un contremaître est nommé afin de surveiller les travaux d'entretien dans les îles du parc situées aux alentours. En août 1952, J.C. Browne, directeur du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne et de la Pointe-Pelée, est également nommé directeur des parcs des Îles-du-Saint-Laurent. Des inspections ultérieures effectuées dans le parc révèlent que la pratique courante d'embaucher des gardes à temps partiel dans les îles n'est pas efficace et, en 1954, les parcs sont confiés à la surveillance directe d'un garde résidant dont le bureau est situé à Mallorytown Landing. Un garde expérimenté venant du parc national de Prince-Albert, Frank Jervis, occupe le nouveau poste.
En 1953, environ 1 ha de terres agricoles bordant le parc au nord de la route provinciale n° 401 a été acheté en vue de faciliter l'agrandissement des installations réservées au camping et aux pique-niques. Ce terrain a fourni un emplacement pour la construction, en 1954, d'un immeuble servant à la fois de résidence et de bureau au nouveau garde. L'année suivante, un immeuble abritant un magasin et un atelier vient s'ajouter aux installations du parc. Le garde du parc agit alors en qualité de directeur régional, et avec l'aide d'employés saisonniers, il entreprend un programme d'aménagement et d'expansion destiné à répondre à l'utilisation croissante des parcs des îles. De nouveaux bateaux de patrouille et un grand chaland en acier sont utilisés pour procéder régulièrement à la collecte des ordures dans les parcs des îles, de nombreux nouveaux quais et des abris-cuisines sont érigés, des cabines de bain sont construites dans les îles possédant les attractions naturelles appropriées, et les terrains de pique-nique sont agrandis et améliorés par l'installation de foyers pour usage en plein air, de tables et de bancs. En 1960, la construction d'un hangar à bateaux à trois quais à Mallorytown Landing facilite la réparation et l'entretien des bateaux du parc. Le 1er janvier 1968, le titre de garde en chef du parc est changé en celui de directeur du parc.
L'île Broder est retirée du parc
La création de l'Administration de la voie maritime du Saint-Laurent par une loi du Parlement canadien en 1951 et une loi correspondante du Congrès des États-Unis en 1954 a donné lieu à l'aménagement d'une voie internationale en eau profonde et apporté des changements notables à la géographie de la vallée du Saint-Laurent. Les îles du parc national canadien situées dans le cours supérieur du fleuve n'ont pas été touchées, mais l'île Broder, qui constitue la région la plus orientale du parc, allait subir une importante transformation. On savait déjà, dès 1940, que l'île, située dans le secteur des rapides internationaux de la future voie navigable, devrait être entièrement ou partiellement submergée dans le cadre de tout projet international d'aménagement hydro-électrique. Des agents du Service des parcs nationaux se sont rendus dans l'île pour entreprendre une étude afin de déterminer les installations qui pourraient être préservées et, en mars 1955, on a rédigé un projet de loi visant à retirer l'île du réseau des parcs nationaux. Cette mesure est appliquée en vertu d'une modification de la Loi sur les parcs nationaux. Un matériel mobile important est transporté ailleurs, mais des installations dont la valeur de remplacement est supérieure à 20 000 $ doivent être abandonnées. On tente en vain d'obtenir une autre île en échange. En 1957, la Commission ontarienne de l'énergie hydro-électrique offre de rendre ce qui reste de l'île Broder après avoir entrepris des travaux de remblayage et d'embellissement. L'offre est rejetée, étant donné que l'île a été coupée en deux par l'aménagement de la nouvelle voie navigable et que la végétation naturelle a été entièrement détruite. On obtient par la suite de la Commission un règlement en espèces et on cède le droit de propriété sur l'île Broder, en 1959, par un arrêté en conseil, en vertu de la Loi sur l'aménagement de l'énergie des rapides internationaux.15
Nécessité d'acquérir de nouveaux terrains
La perte de cette île et l'utilisation sans cesse croissante des parcs existants confirment le besoin d'acquérir d'autres terrains le long du fleuve entre Brockville et Kingston en vue de l'aménagement d'un parc. En 1956 se présente l'occasion d'acheter une parcelle de terrain agricole de 34 ha située à Mallorytown Landing, au nord de la route provinciale n° 401. L'acquisition du droit de propriété en 1957 permet l'agrandissement du secteur de l'administration centrale. Cette acquisition élimine également le risque de l'établissement d'une exploitation commerciale aux abords immédiats du parc. En 1958, on achète une autre propriété à Mallorytown comprenant deux lots situés au bord du fleuve et destinés à la construction de chalets, qui avaient été exclus du don initial fait par la famille Mallory en 1904. Un autre lot est acquis en 1970.
Malgré l'agrandissement de la superficie destinée à l'aménagement d'installations sur la terre ferme, qui résultait de l'achat de terres à Mallorytown Landing, les parcs des îles qui possédaient des terrains de pique-nique et de camping continuaient à subir une utilisation excessive. Cette situation était attribuable à une augmentation incroyable du nombre de bateaux privés qui dépassait la capacité des quais et des zones d'amarrage et restreignait l'espace dans les régions préférées des visiteurs. En 1960, un comptage exact effectué par les employés du parc révélait que jusqu'à 500 bateaux utilisaient les quais du parc chaque semaine. Les pratiques déloyales des propriétaires de bateaux privés qui essayaient d'accaparer les espaces libres aux quais gênaient les capitaines des bateaux servant aux excursions des villes voisines. L'adoption de règlements qui limitaient à 48 heures la durée de l'amarrage a quelque peu amélioré la situation. L'installation de bouées supplémentaires d'amarrage a facilité le mouillage dans les zones encombrées situées au large, et certaines parties des quais du parc ont été réservées aux bateaux servant aux excursions.
Il était difficile d'acheter des terrains adéquats puisque la plupart des plus grandes îles, sauf celles qui avaient été consacrées à l'aménagement d'un parc ou d'autres installations destinées au public, avaient été vendues des années auparavant. Par conséquent, les îles qui répondaient aux normes admises et dont l'emplacement était convenable ne pouvaient être achetées que sur le marché à des prix à fixer après évaluation. Un groupe de 82 îlots et rochers disséminés entre les îles et qui constituaient le reste des terres indiennes non distribuées administrées par fidéicommis par le ministère des Affaires indiennes, faisait toutefois exception à la règle. Même si ces îlots n'avaient pas une grande valeur pittoresque ou récréative, bon nombre d'entre eux étaient situés près des îles du parc, et leur achat en 1965 a mis fin à toute possibilité qu'ils soient vendus à des particuliers et mis en valeur par l'entreprise privée au détriment du parc national.
Achat d'îles
En 1966, on achète un terrain de 85 ha situé dans la partie centrale de l'île Grenadier. D'autres lopins de la même île, totalisant quelque 50,6 ha, seront achetés en 1968, 1969 et 1970. Un petit archipel voisin, comprenant les îles Squaw, Car et Shoe, est acheté en 1967. Ces additions permettent l'élaboration d'un projet visant à créer un centre de villégiature dans l'île Grenadier, qui comportera des installations pour la natation, les pique-niques et le camping. D'autres superficies appréciables acquises entre 1967 et 1970 pour l'établissement d'un parc comprennent trois grandes îles accessibles à partir de Gananoque. Il s'agit de l'île Thwartway, ou Leek, d'une superficie de 36 ha, de l'île Mulcaster comprenant 5 ha, et de la majeure partie de l'île McDonald comportant 14 ha. L'achat en 1960 de l'île Milton ou Pitcairn, à l'est du port de Kingston, établissait un nouvel avant-poste à l'ouest dans le réseau des parcs des îles.
La demande sans cesse croissante d'installations récréatives et la popularité des installations de pique-nique, de camping et de canotage a incité la Direction des lieux et des parcs historiques nationaux à entreprendre, en 1966, une étude de reconnaissance sur les possibilités courantes et futures du parc. À partir de ces études, un plan d'aménagement provisoire a été dressé afin d'assurer l'aménagement méthodique des parcs des îles du Saint-Laurent. Le plan prévoyait l'aménagement sur la terre ferme d'un centre pour les visiteurs venus en automobile et la création d'aires d'utilisation intensive dans l'île Grenadier et dans une autre grande île qu'on comptait acheter. Il proposait également l'aménagement de sentiers d'excursion, de bassins, de terrains de pique-nique et de plages dans les grandes îles. D'autres îles devaient demeurer à l'état sauvage afin de rehausser la beauté du milieu naturel. On a déjà commencé la construction du centre d'accueil dans l'île Grenadier, et l'achat de nouvelles îles permettra de réaliser d'autres projets d'aménagement.
Références
1. Arrêté en conseil C.P. 1725, 20 septembre 1904.
2. Dossier St. L. 2 de la Direction des parcs nationaux (documents).
3. Arrêté en conseil C.P. 1927, 3 novembre 1905.
4. Dossier St. L. 2 de la Direction des parcs nationaux, vol. I.
5. Arrêté en conseil C.P. 3081, 10 décembre 1914.
6. Statuts du Canada, 9-10 George V, chapitre 17, 6 juin 1919.
7. Arrêté en conseil C.P. 2428, 3 décembre 1919.
8. Arrêté en conseil C.P. 122, 25 janvier 1924.
9. Arrêté en conseil C.P. 1194, 11 juillet 1924.
10. Encyclopedia Canadiana, vol. 10, p. 77.
11. Haddock, J.A., The Picturesque St. Lawrence River, Weed-Parsons Publishing Company, Albany, N.Y., 1896.
12. Encyclopedia Canadiana, vol. 10, p. 76.
13. LeSueur, W.D., Count Frontenac, (Makers of Canada), Morang and Company, Toronto, 1906.
14. Arrêté en conseil C.P. 937, 20 avril 1936.
15. Arrêté en conseil C.P. 1959-356, 25 mars 1959.
Le parc national de la Pointe-Pelée
S'avançant à l'extrémité occidentale du lac Erié, vers le sud comme un long doigt, la pointe Pelée abrite l'un des plus petits parcs nationaux, qui possède toutefois un caractère inhabituel. Elle a la forme d'un énorme triangle inversé d'une longueur de 10 km et d'une largeur de 5 km à la base. Ses côtés sont formés de vastes plages créées par le vent et les vagues, dont les extrémités se terminent par une mince langue de sable qui change de position et de forme au gré des courants et des vents. En raison de sa situation géographique et de son climat, l'extrémité sud du parc abrite des arbres, plantes et oiseaux que l'on trouve habituellement dans les régions plus méridionales. La partie nord du parc est surtout formée de terrains marécageux comprenant de grands étangs où le gibier d'eau, les rats musqués et de nombreuses autres espèces aquatiques viennent vivre et se nourrir. Situé sur l'une des principales voies qu'empruntent les oiseaux lors de leur migration au printemps et à l'automne, le parc offre des possibilités inégalées pour l'étude et l'observation des oiseaux. L'aménagement d'installations a facilité l'accès aux attraits naturels uniques du parc qui suscitent l'intérêt d'un grand nombre de visiteurs pendant les mois d'été. Le parc s'étend sur une superficie d'environ 15,5 km2, ou 1554 ha, dont moins de 445 ha sont constitués de terre ferme, le reste étant formé de marécages et d'étangs.
Histoire de la pointe
La pointe doit son nom probablement à la longue langue de sable dépourvue d'arbres qui forme son extrémité.1 Elle était connue des premiers explorateurs qui empruntaient souvent le portage traversant les plages et les marais au début de la navigation sur le lac Erié. En 1927, la Direction des parcs nationaux a érigé à l'extrémité occidentale du portage, un monument de pierre orné d'une plaque de bronze pour rappeler les événements associés à la pointe Pelée.2 Au cours de leurs explorations célèbres de 1669 et 1670, les sulpiciens Dollier et Galinée s'arrêtèrent pour camper sur le côté oriental de l'île en avril 1670, et une tempête nocturne emporta une partie de leurs bagages. Au cours du complot, ou de la bataille de Pontiac, un détachement des Royal Americans and Queens Rangers sous les ordres du lieutenant Abraham Cuyler subit de sérieuses pertes lorsqu'il fut attaqué par surprise par les Indiens Wyandot le 28 mai 1763. Pendant la guerre de 1812-1814, une expédition britannique dirigée par le général Isaac Brock débarque sur la pointe le 12 août 1812, soit quatre jours avant la prise de Détroit et de l'armée du général Hull. La plaque rappelle également la bataille de la pointe Pelée livrée le 3 mars 1838 pendant la rébellion du Haut-Canada.
Établissement d'une réserve navale
Les deux tiers de la partie sud de la pointe Pelée avaient servi à l'établissement de la réserve navale de la pointe Pelée au cours de la première moitié du XIXe siècle, lors de la création de plusieurs autres réserves dans les Grands lacs. Il est fort probable que la pointe n'a jamais servi à des opérations navales puisque le 2 décembre 1871, l'amirauté britannique a cédé la réserve au gouvernement canadien. Quatre ans plus tard, on a estimé qu'elle n'était pas nécessaire aux opérations navales et, le 28 mars 1875, la réserve a été confiée au ministère de l'Intérieur afin qu'il l'administre en vertu de la Loi des terres de l'Artillerie et de l'Amirauté.3 Les Indiens Chippewa, qui vivaient principalement de la pêche et de la chasse, ont probablement été les premiers humains à habiter la pointe. Ils cultivaient aussi du mais sur de petits terrains défrichés. En 1842, la bande comptait environ 250 membres, mais en 1856, le nombre d'Indiens était tombé à moins de 60. Les membres de la bande étaient plutôt nomades et un grand nombre d'entre eux allèrent s'établir dans l'île Walpole, dans le lac Saint-Clair, en 1847.4
Premier levé gouvernemental
Des squatters blancs, pêcheurs pour la plupart, ont été parmi les premiers à venir s'installer dans la pointe aux environs de 1830. Bien qu'un inspecteur du ministère de l'Intérieur eût déclaré en 1881 que la terre n'avait aucune valeur agricole, les squatters y cultivaient cependant des légumes et avaient planté de petits vergers. Une des clauses de la cession de la réserve navale au Canada en 1871 stipulait que dans le cadre de l'administration des terres publiques, les droits des squatters devaient être respectés. Dès 1881, l'établissement d'une petite colonie dans la pointe et l'abattage d'arbres sans autorisation par les squatters deviennent un sujet de préoccupation pour le ministère de l'Intérieur. La même année, Peter Conover, de Leamington, est nommé garde de la réserve et des démarches sont entreprises pour accorder aux squatters un droit de propriété sur leurs biens.5 En 1882, Alex Baird, A.P., effectue un levé de la réserve sur l'ordre de l'arpenteur général.
Malheureusement, les particularités du plan du relevé étaient insuffisantes pour permettre l'établissement de concessions de terrains et, en 1889, George McPhillips, A.F., procède à un deuxième levé de terrains occupés par des squatters. Son plan a servi de fondement à tous les levés ultérieurs faits dans la réserve navale. Après examen et justification des revendications des squatters, on accorde, en 1892 et 1893, des droits de propriété aux occupants de 20 parcelles ou lots individuels. En fait, les squatters ont obtenu une propriété gratuite puisque les seuls frais exigés furent le partage du prix du levé qui revenait à 1,70 $ l'acre (0,40 hectare).6
Octroi d'un bail à un club de chasse
Après avoir pris en main l'administration de la réserve navale, le ministère de l'Intérieur a fait preuve de faiblesse en autorisant l'exploitation systématique des ressources naturelles. En 1873, les commissaires de l'amirauté avaient consenti à octroyer une concession de terres dans la réserve « pour la protection du gibier ». Ce n'est qu'en mai 1884 que des mesures sont prises en vue de l'utilisation de cette concession lorsque l'on offre d'adjuger le droit de louer 1291 ha de terrain situés dans la réserve, à l'exclusion des possessions des squatters. C'est un groupe de sportifs de Leamington et St. Catharines qui acquiert ce droit. Le groupe constitue alors un club, le « South Essex Gun Club », qui obtient un bail de 21 ans prenant effet le 6 avril 1885, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 400 $.7 L'utilisation exclusive de la majeure partie de la réserve navale « pour la conservation et la protection du gibier uniquement » rencontre l'opposition des habitants permanents qui, dans une pétition, prétendent qu'il y a ingérence dans leurs droits. Leurs objections ont toutefois été rejetées, et le bail est resté en vigueur jusqu'en 1902 lors de sa résiliation pour défaut de paiement du loyer.8
Exploitation des ressources naturelles
En 1893, de denses forêts de cèdres, ou genévriers rouges, de la réserve navale risquent d'être détruites lorsqu'un habitant de Leamington, Everett Wigle, obtient la permission de couper et d'enlever tous les cèdres de la réserve qui ont un tronc de 127 mm ou plus de diamètre pour fabriquer des poteaux de clôture. Un arrêté en conseil avait autorisé cette mesure en se fondant sur la présomption que si l'on faisait la coupe des plus grands arbres on les remplacerait par des milliers de petits arbres.9 Bien que l'arrêté prévoie l'enlèvement des broussailles et la conservation d'un nombre suffisant de grands arbres pour former un abrivent dans la pointe, le ministère reçoit de violentes protestations non seulement de la part des habitants et des membres du club de chasse, mais également des officiers de la marine marchande qui naviguent sur le lac Erié. Toutefois, lorsque la concession est annulée en mars 1894, Wiggle a déjà fabriqué 11 400 poteaux et débité un grand nombre de noyers noirs trop vieux ou pourris.
Bien que l'utilisation illimitée des terres de la réserve, à l'exception des possessions des squatters, n'ait été autorisée par l'Amirauté qu'en 1911, le ministère de l'Intérieur avait accordé d'autres concessions. Pendant la durée du bail du club de chasse, on avait refusé des demandes visant à obtenir le droit d'explorer le terrain pour y chercher du gaz naturel et du pétrole. Lors de l'expiration du bail du club en 1902, on accorde une concession autorisant le forage pendant une durée de trois ans, mais aucun travail n'est entrepris pendant cette période. Quatre concessions distinctes sont accordées entre 1910 et 1913 pour enlever du sable de la réserve.10 L'une d'elles couvrant une superficie de 16,5 ha à l'extrémité de la pointe, est annulée en 1915 lorsque le terrain est cédé au Service naval canadien, à la demande de ce dernier qui désire y établir un poste de sauvetage. Les autres concessions restent en vigueur jusqu'à la création du parc national en 1918.
Études scientifiques
Avant la fin du siècle, les possibilités inhabituelles d'étudier les oiseaux et la flore commencent à retenir l'attention des naturalistes et notamment de deux ornithologues réputés, W.E. Saunders de London, Ontario, et P.A. Taverner, d'Ottawa. Des groupes de conservation s'intéressent aussi à la préservation de l'habitat des oiseaux aquatiques. Dans son rapport annuel de 1915, la Commission de conservation à Ottawa publie un compte rendu de Taverner qui recommande la création d'un parc national à la pointe Pelée.11 Taverner, qui travaille comme zoologiste pour le Musée national du Canada, effectue des observations dans la réserve navale depuis 1905. Son rapport décrit également la variété de faune et de flore qu'on y trouve.
La pointe Pelée est l'extrémité la plus méridionale du Canada, tant sur le plan biologique que géographique, et c'est pourquoi on peut y voir une faune et une flore du sud que l'on ne retrouve nulle part ailleurs au Canada de façon aussi prononcée. On peut y observer, parmi d'autres espèces d'arbres et de plantes, le corrossol, la raquette fragile, le sassafras officinal, le sycomore, le noyer noir, le micocoulier occidental, le kochier à balais et le mûrier rouge, ainsi que d'autres espèces qui ne poussent que dans le Sud. Parmi les oiseaux migrateurs ou vivant en permanence sur la pointe, citons le cardinal, le troglodyte de Caroline, la fauvette polyglotte, le gobe-mouche gris bleu et la fauvette à ailes dorées. La pointe Pelée est un endroit d'une beauté extraordinaire qui présente de nombreuses caractéristiques rappelant fortement le paysage des Bermudes.
Le document attire également l'attention sur l'importante érosion de la pointe qui, selon Taverner, est causée par des dragues qui enlèvent au large de la côte du sable destiné à être utilisé aux États-Unis. Entre 1905 et 1913, Taverner a vu la longueur de la pointe diminuer d'au moins 800 m. Il précise qu'en 1913 seulement, on a retiré assez de sable pour recouvrir 6 ha d'une couche de 61 cm.
Création du parc national
En décembre 1916, le gouvernement du Canada établit une commission consultative interministérielle de la protection de la faune, formée de représentants de la Commission de conservation, du ministère des Affaires indiennes, du Musée national du Canada et du Service des parcs nationaux du ministère de l'Intérieur. Un cinquième membre, C. Gordon Hewitt, travaillant pour le ministère de l'Agriculture à titre d'entomologiste fédéral est nommé secrétaire de la Commission. On confie à cette dernière les propositions présentées au gouvernement fédéral par plusieurs groupes intéressés à établir un refuge pour la faune sur la pointe Pelée, dont faisaient partie l'Essex County Wild Life Protective Association (association du comté d'Essex pour la protection de la faune), l'Essex County Game Protective Association (association du comté d'Essex pour la protection du gibier) et la Canadian Society for the Protection of Birds (société canadienne pour la protection des oiseaux).
Hewitt inspecte la réserve navale et s'entretient avec plusieurs habitants. Plus tard il rencontrera les dirigeants des sociétés protectrices du comté d'Essex, notamment Forest Conover, fils du premier garde de la réserve navale, et Jack Miner, qui avait réussi à aménager un refuge privé d'oiseaux migrateurs à Kingsville, en Ontario. Il examine ensuite les conclusions de ces entretiens avec le commissaire des parcs nationaux, J.B. Harkin, R.M. Anderson et P.A. Taverner, du Musée national du Canada. Le 30 mai 1917, la commission consultative fait parvenir au sous-ministre de l'Intérieur une proposition rédigée en termes énergiques qui recommande de transformer la réserve navale en parc national. La proposition est bien accueillie et elle est approuvée par le ministre de l'Intérieur, W.J. Roche.12
On fait ensuite appel à la collaboration de la province de l'Ontario en vue de l'adoption de règlements provinciaux visant à régir de façon efficace la chasse sur les propriétés privées au cas où le parc serait créé. La province accepte de collaborer et admet en outre qu'il serait souhaitable d'annuler les permis autorisant l'enlèvement du sable sous l'eau. Au printemps de 1918, il est décidé que toutes les terres inaliénées situées dans la réserve navale devront faire partie du parc de la Pointe-Pelée, dont la création est confirmée par un arrêté en conseil le 29 mai 1918.13 Par déférence pour les sportifs qui depuis des années chassaient le gibier d'eau dans les marais de la pointe Pelée, l'arrêté en conseil autorise les détenteurs d'un permis délivré par le commissaire des parcs nationaux à chasser le canard sauvage pendant la saison que fixera le gouverneur en conseil.
Nomination d'un administrateur
À la suite de l'établissement du parc, on prend des mesures pour protéger son aspect naturel et aménager des installations visant à inciter le public à l'utiliser. Forest Conover est nommé directeur honoraire; on embauche un garde et on entreprend le nettoyage général du parc. On détermine des emplacements appropriés pour le camping et les pique-niques, on creuse des puits et on installe des foyers pour usage en plein air, ainsi que des tables et des bancs. Plus tard, on construira des pavillons, des abris et une cabine de bain. La route principale qui mène au parc est améliorée, une arche rustique est érigée à l'entrée et des mesures sont prises pour lutter contre l'érosion des plages. La popularité croissante du parc entraîne une augmentation du nombre de visiteurs qui, dès 1925, est estimé à 50 000 personnes par année.
Malheureusement, la plupart des meilleurs terrains du parc appartenaient à des particuliers, étant donné que la Couronne avait octroyé 212 ha aux squatters 30 ans auparavant. À la suite de l'augmentation du nombre de visiteurs, les propriétaires commencèrent à vendre des lopins de leurs terres et un grand nombre des lots initiaux furent vendus pour la construction de chalets. En fin de compte, plusieurs centaines de personnes, dont un grand nombre d'Américains, possédaient des propriétés privées dans le parc.
Projet d'aménagement immobilier
C'est en 1921 qu'est entrepris l'un des plus ambitieux projet d'aménagement immobilier du parc. La Point Pelée Company Limited, appuyée par des promoteurs de Détroit au Michigan, achète dans la partie méridionale du parc 69 ha de terrain appartenant à J.W. Post, l'un des premiers concessionnaires, qui avait également acquis d'autres terres. La société avait l'intention d'acquérir environ 8 ha de terrain situés dans le parc sur la rive est. Le ministre de l'Intérieur conclut un accord avec la société à condition que cette dernière effectue certains travaux utiles au parc et accepte que les règlements du parc s'appliquent également à sa propriété.14 Les termes de l'accord stipulent un échange de terrains, l'embellissement d'une zone du parc et l'émission d'obligations par la compagnie pour le financement du projet. La subdivision initiale, qui consistait en 351 lots, fut l'objet d'une grande publicité, mais la compagnie éprouva des difficultés financières et se vit finalement dans l'impossibilité de satisfaire aux clauses de son entente avec le ministère. Elle ne fut pas non plus, par la suite, capable de remplir ses engagements hypothécaires à l'égard du vendeur, de sorte que le terrain revint à Post. En 1937, le directeur du parc signale qu'il serait peut-être possible d'acheter la propriété de la succession de Post. Après des négociations avec les exécuteurs testamentaires ainsi qu'une évaluation du terrain, le ministère obtient le titre de propriété de 69 ha de terrain, pour une somme de 45 000 $. Or, par chance, les promoteurs n'avaient réussi à vendre que trois des lots de la subdivision dont le gouvernement put se porter acquéreur : deux de ces lots ont été rachetés par le ministère à l'occasion d'une vente pour taxes impayées et le troisième fut acquis par expropriation.
Cet achat permet non seulement d'accroître l'étendue des terrains du parc destinés au public, elle met en outre à sa disposition une zone d'une grande valeur écologique. Ces terrains englobent en effet une portion de la pointe qui était demeurée pour ainsi dire sauvage et intouchée et offre des exemples des arbres, arbustes, vignes, plantes et mousses qui confèrent au parc son caractère unique.
Prise en charge des routes
En 1938, la Direction des parcs nationaux institue un droit d'entrée pour les véhicules pénétrant dans le parc. Cependant, en vertu de la Loi sur la subdivision, les routes situées à l'intérieur du parc relèvent de la compétence du canton de Mersea. De là la discrétion dont on fait preuve en percevant les droits auprès des résidants permanents. Du fait que le plan de la subdivision de la propriété récemment acquise de Post, comporte des espaces prévus pour les routes, il faut organiser avec les responsables du canton, des entretiens dont l'aboutissement est, finalement, le transfert à la Couronne de toutes les routes existantes et futures situées à l'intérieur du parc. En janvier 1929, le conseil du canton indique par une résolution son intention de céder au gouvernement ses droits sur les espaces du parc prévus pour des routes, pourvu que ce dernier s'engage à reconnaître les droits des résidants. Les difficultés d'ordre juridique inhérentes au transfert proposé par l'expropriation de toutes les routes et de tous les espaces prévus à cette fin, figurent sur le plan des terrains des squatters, en 1889, et celui de la subdivision de la Point Pelée Company. L'arrêté en conseil autorisant l'expropriation est approuvé le 21 septembre 1939 : il prévoit l'utilisation gratuite des routes du parc par tous les véhicules appartenant aux résidants permanents du parc, ou à leur famille, leurs domestiques, agents et ayants droit.15
Empiétements sur les terrains du parc
Après l'établissement du parc, les agents responsables de son administration s'aperçoivent qu'en plus des aménagements réalisés sur les terrains octroyés en 1890 à des particuliers, d'autres changements avaient été apportés au paysage. Certains individus avaient, en effet, en beaucoup d'endroits le long des plages du parc, empiètes sur la propriété publique. Dans la plupart des cas, il s'agissait d'installations destinées à la pêche comportant des remises à bateaux, des glacières, des étables, des habitations et des caves à goudron qui introduisaient dans le paysage une note de désordre et de laideur. Conscient du fait que l'on avait donné satisfaction, en 1889, aux demandes des squatters, à la suite du relevé de McPhillips, le Commissaire des parcs nationaux offre aux pêcheurs, en 1919, des baux de location s'appliquant aux zones occupées par des bâtiments. Les intéressés n'en tiennent pas compte ou les refusent et, malgré la nomination, en 1921 et 1922, d'agents du ministère de la Justice chargés de négocier des accords, les efforts pour faire accepter les baux de location s'avèrent inefficaces. En 1934, le Commissaire fait une dernière tentative en vue d'imposer un règlement. Il doit cependant y mettre fin lorsque le sous-ministre l'avise « que l'on pourrait peut-être, pour le moment, laisser la question en suspens. »16
Finalement, un certain nombre des bâtiments les plus disgracieux ou les plus inacceptables sont éliminés ou disparaissent et, en 1941, le propriétaire de l'une des cabanes de pêcheur accepte un permis d'occupation. Des documents similaires sont délivrés en 1943 et 1950 aux deux autres emplacements de pêche qui restent, puis, en 1950, on exige des trois pêcheurs qu'ils obtiennent les permis imposés par le Règlement sur la pratique des commerces dans les parcs nationaux et, en 1951, qu'ils acceptent, au lieu de permis ordinaires, des permis d'occupation. Deux des exploitants se conforment à cette exigence. Le troisième, William Krause, refuse et demande qu'on lui accorde, par prescription, les droits de propriété de son emplacement en se basant sur le fait que le terrain qu'il occupait avait été utilisé de façon permanente, depuis plus de 60 ans, par ses prédécesseurs et lui-même.
Confirmation des titres de la Couronne
À la suite de l'échec rencontré dans les tentatives de négociation, le procureur général du Canada intente en 1953, contre l'intéressé, en Cour suprême de l'Ontario, une action destinée à établir le droit de la Couronne aux terrains du parc occupés par l'entreprise de pêche Krause. La cause est entendue en décembre 1954, à Windsor, en Ontario, et le jugement rendu en 1955 à l'avantage du défendeur. Cette décision est renversée en 1956, en Cour d'appel, sur l'opinion unanime des juges présents, ce qui établit d'une façon définitive les droits de la Couronne sur les plages du parc. Après avoir payé ses arrérages en droits de location et de permis, Krause se voit accorder un permis d'occupation pour l'emplacement de son entreprise de pêche dont il poursuit l'exploitation pendant encore plusieurs années. En 1970, tous les permis d'occupation d'emplacements à l'intérieur du parc destinés à une entreprise de pêche sont abandonnés ou échus.
Aménagement
Après son établissement, pendant de nombreuses années, le parc de la Pointe-Pelée demeure « un parent pauvre » au sein de la famille des parcs nationaux. Les crédits votés pour son administration sont peu importants et ses premiers directeurs, malgré l'aide du garde de parc à leur disposition, n'occupent leur poste qu'à titre honorifique. En 1937, R.J. Grant, qui avait été à la fois directeur honoraire et contremaître, est nommé directeur permanent et le poste de garde de parc est supprimé. La même année, on construit, à l'extrémité nord, le premier bâtiment administratif qui incorpore à la fois l'entrée et les bureaux du parc. Cette construction est utilisée jusqu'au moment où le directeur et le personnel s'installent, en 1961, dans un nouveau bâtiment situé à peu de distance au sud de cette même limite du parc. De nouvelles voies d'entrée sont aménagées et l'on commence à contrôler la circulation à partir de kiosques. Le premier complexe de travail est élaboré à partir d'un groupe de bâtiments érigés en 1932, dans le cadre des travaux entrepris pour réduire le chômage. Certains d'entre eux sont remplacés en 1954 par un nouvel entrepôt et des boutiques. En 1951, J.C. Browne est nommé directeur et voit ses fonctions s'étendre pour inclure la surveillance du parc des îÎles-de-la-Baie-Georgienne et du parc national des Îles-du-Saint-Laurent. Le poste de garde du parc est rétabli et confié à CE. Doak. En 1954, on construit une résidence pour le garde à la suite de la nomination, en 1957, du garde en chef McCarron comme directeur du parc; ce bâtiment devient la résidence du directeur. Les autres membres du personnel sont logés dans certaines des habitations existant déjà sur les propriétés achetées pour être incorporées au parc.
La plupart des bâtiments du parc érigés depuis 1954 sont des abris de terrain de camping et de pique-nique, des cabines de bain et des bâtiments d'utilité publique dotés de toilettes. Ils sont surtout situés à l'extrémité sud du parc, sur les plages est et ouest, et à des endroits stratégiques desservis par les routes principales du parc. Un kiosque à rafraîchissements construit en 1959 à la plage sud-ouest supplante les installations analogues antérieures situées dans des endroits moins avantageux. Il est loué à un soumissionnaire par voie d'appel d'offres.
Planification
L'achat d'une propriété privée en 1938 amène les agents de la Direction des parc nationaux à entreprendre des études qui, espèrent-ils, faciliteront l'orientation de la planification vers une meilleure utilisation des terrains du parc. En mai 1939, une équipe de scientifiques au nombre desquels se trouvent H.F. Lewis, H.A. Senn et W.E.D. Halliday, étudient les problèmes administratifs engendrés par la fréquentation accrue du parc. Leur rapport recommande de réserver certaines zones comme refuges naturels accessibles seulement par sentiers pour piétons, d'embaucher un guide d'interprétation, d'améliorer les mesures visant à protéger les plages contre l'érosion, de consolider les aires de camping, de réhabiliter les zones surexploitées, ainsi que d'aménager des aires de stationnement adéquates.17
Le début de la guerre de 1939 et la réduction des crédits alloués au parc retardent la réalisation d'un grand nombre d'améliorations souhaitables; on met cependant en oeuvre certaines des recommandations du groupe d'étude. Une portion de l'ancienne propriété Post est clôturée pour servir de réserve naturelle; on impose des restrictions aux gens qui campent n'importe où le long de la route principale du parc et l'on aménage à cet effet des aires définies, à l'usage des campeurs et pique-niqueurs. Les aménagements de l'après-guerre commencent en 1948 par l'asphaltage de la route principale. Les mesures adoptées antérieurement, en 1937 et 1938, pour protéger les plages contre l'érosion sont reprises en 1949 et poursuivies pendant plusieurs années. Une large part du travail entrepris à cet égard consiste à installer de grosses croix de béton dont la fonction est de favoriser la formation de dépôts de sable le long des plages, lorsque les vagues s'avèrent particulièrement importantes.
Après l'achat de la propriété Post en 1938, les occasions de faire l'acquisition d'autres terrains appartenant à des particuliers à l'intérieur du parc sont pendant des années, pour ainsi dire négligeables. En 1954, cependant, le nombre des visiteurs du parc dépasse le demi-million, ce qui fait que les espaces utilisables sont soumis à une demande à laquelle il n'est pas possible de répondre. Une étude des problèmes administratifs entreprise cette année-là par l'ingénieur en chef de la Direction des parcs nationaux, G.L. Scott, et D.A. Munro, du Service canadien de la faune, aboutit à la recommandation de faire l'acquisition de tous les terrains du parc appartenant encore à des particuliers.18 En 1956, on amorce un programme intensif d'acquisition de terrains pour l'achat de 80 lots faisant partie d'une subdivision enregistrée. Un autre achat substantiel de terres de pleine propriété est approuvé en 1957 par le Conseil du Trésor du Canada à condition que l'on consacre une étude spéciale à la question de l'acquisition de toutes les terres du parc n'appartenant pas encore au gouvernement.
Programme d'acquisition des terres
Plus tard, la même année, des agents de la Société centrale d'hypothèques et de logement entreprennent, pour le compte de la Direction des parcs nationaux, une inspection et une évaluation des terres du parc appartenant encore à des particuliers. Ce qui révèle l'existence d'environ 255 terrains individuels dont on estime la valeur totale à 1 500 000 $. En 1959, le Conseil du Trésor donne son approbation au programme d'acquisition de terres proposé, s'échelonnant sur une période de 10 ans, en précisant qu'il considère séparément chacune des transactions.
Au cours des années qui suivent, on réalise des progrès satisfaisants dans le recouvrement du titre de propriété des terres situées à l'intérieur des limites du parc. Parmi les acquisitions dignes de mention figurent les propriétés-jardins Tilden, achetées en 1960 et 1970, et les terres du Point Pelée Orchard, acquises en 1966. Ces transactions portent sur 63,5 ha. Les ventes de terrains prennent un nouvel essor lorsque l'on annonce en 1967, lors de la présentation publique du plan proposé pour l'aménagement du parc national de la Pointe-Pelée, que sa réalisation dépend de l'acquisition de tous les terrains du parc appartenant encore à des particuliers. À la fin de 1970, le nombre des ententes à conclure avec les propriétaires ne s'élève plus qu'à environ 80.
Nouvelles mesures de conservation
En 1952, les administrateurs du parc se rendent compte que le camping libre est en train de détruire le couvert végétal et qu'il empêche la régénération des arbustes, des plantes et des arbres. On adopte des mesures permettant de concentrer le camping dans une zone spéciale et l'on entreprend l'aménagement d'un emplacement adapté à cette fin. Ce nouveau camping qui est ouvert le 1er mai 1955, met à la disposition des campeurs des abris-cuisines modernes, des bâtiments renfermant des toilettes et des buanderies, un système d'alimentation en eau et un nombre important de foyers en plein air. On aménage en outre, à l'extrémité sud du parc et le long de la plage nord-ouest, des terrains de pique-nique équipés de bâtiments de service appropriés et de terrains de stationnement.
Des études additionnelles entreprises entre 1942 et 1954 soulignent le besoin d'un sentier d'observation et la nécessité d'engager des guides d'interprétation. C'est en 1954 que l'on amorce un programme d'interprétation de la nature, après que G.M. Stirrett, du Service canadien de la faune, eut découvert un sentier traversant la réserve de la nature. On termine le sentier en 1956 par l'identification, au moyen d'étiquettes, des plantes, arbres, arbustes et vignes se trouvant sur son parcours. Il devient en outre facile d'observer l'intéressante faune du parc une fois qu'est achevée, en 1963, la construction, dans ce dernier, d'une promenade en bois de 1,2 km de long. Une plateforme surélevée, construite à l'extrémité de cette promenade permet même aux visiteurs d'avoir une vision de l'ensemble du marais. L'instauration, en 1959, de la Division de l'éducation et de l'interprétation à la Direction des parcs nationaux, et la nomination de Stirrett comme naturaliste en chef du parc, sont suivies par l'élaboration d'un programme d'interprétation détaillé sur le parc national de la Pointe-Pelée.
En 1960, on embauche un préposé au sentier d'observation, en 1961, un naturaliste saisonnier et, en 1965, un naturaliste à plein temps. Le succès remporté par le programme d'interprétation montre le besoin d'un éco-musée qui remplirait à la fois les fonctions de musée d'histoire naturelle, de salle de conférences et de bureau central pour les services du naturaliste. En 1965, on est déjà en train de construire un bâtiment approprié qui est inauguré par l'honorable Arthur Laing, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, le 19 août 1966. Il comporte un théâtre, une bibliothèque et un centre d'accueil, et permet la présentation aux visiteurs d'objets d'exposition sur la flore et la faune particulières au parc.
Progrès dans la planification du parc
Les progrès réalisés dans l'achat des terrains du parc appartenant encore à des particuliers et la détérioration du paysage, qui résulte du nombre sans cesse croissant de visiteurs, soulignent la nécessité de mener des études sur l'aménagement futur du parc. Après la fin de la seconde guerre mondiale, le nombre de visiteurs du parc national de la Pointe-Pelée augmente rapidement, passant de 200 000 en 1950, à 600 000 en 1955. Au cours des années suivantes, l'augmentation annuelle est moindre, jusqu'à ce qu'elle atteigne, en 1959, le nombre le plus important, soit 745 500. Il est déjà évident, en 1960, que si l'on veut protéger les valeurs naturelles du parc pour les générations futures, il est nécessaire de contrôler le nombre de visiteurs et de préparer un plan d'action pour l'avenir.
En 1962, la Division de la planification de la Direction des parcs nationaux établit un plan d'aménagement provisoire dont la teneur reflète la conviction qu'un travail de planification s'impose tant aux points de vue de la nature et de l'importance de l'utilisation du parc par le public qu'au point de vue des aménagements nécessaires, de façon à éviter tout empiétement et tout conflit au niveau des mesures à prendre pour la protection et la conservation de la flore et la faune dans leur état naturel. Les planificateurs proposent le recours à un zonage approprié des terres du parc comportant des endroits pour les loisirs, le camping, la natation, les pique-niques, tout en gardant certaines aires comme réserves de la nature.
En 1964, on retient les services d'une société d'architectes paysagistes conseils, Sasaki, Strong and Associates de Toronto, pour l'élaboration d'un plan de travail relatif à l'utilisation future du terrain. Le rapport de l'expert-conseil, terminé en 1966, est présenté lors d'une audience publique tenue dans le parc, en novembre 1967; il recommande, entre autres, la relocalisation et l'agrandissement des terrains de camping, la réorientation des aires de loisirs et de pique-nique, une relocalisation importante du réseau de routes du parc et l'élimination de toute circulation de véhicules dans la partie sud du parc.
L'adoption de certaines des recommandations faites par l'expert-conseil, en particulier celles qui touchent le nouveau plan de routes et la relocalisation des espaces d'utilité publique d'importance auraient nécessité le défrichage d'importants espaces boisés de valeur. Les objections soulevées par les agents du parc, le conseil consultatif local et d'autres personnes amènent la modification des propositions et la préparation par la Division de la planification d'un plan d'aménagement provisoire révisé.
Les trois fonctions principales du nouveau plan d'aménagement, qui est approuvé officiellement en avril 1972, sont la conservation des ressources naturelles, l'interprétation du parc et de la nature et la mise à la disposition du public de possibilités de loisirs diurnes. La réalisation de ces objectifs allait entraîner des changements radicaux dans l'utilisation des terrains du parc, et notamment, l'élimination du camping familial dans le parc, l'importance plus grande accordée à l'élaboration des installations d'utilisation diurne et la réduction progressive, par étapes, de l'utilisation des véhicules automobiles dans le parc. Le nouveau concept sous-jacent à l'administration du parc est annoncé par le directeur du parc, en février 1971, dans un communiqué de presse.
La mise en oeuvre du plan d'aménagement commence effectivement en 1971. En mai de la même année, on institue une augmentation substantielle des droits de permis annuel de circulation dans le parc en véhicule automobile et des droits d'admission pour une journée.19 On interdit la circulation des véhicules automobiles sur la route sud du parc, qui va de l'écomusée à la boucle sud, au cours de la période allant du 1er mai au 30 septembre, et l'on met gratuitement à la disposition des visiteurs un autre moyen de transport. Ce dernier prend la forme de petits trains sans rails tirés par des tracteurs, qui servent tout au long de la saison touristique estivale, selon des horaires déterminés. Les plans établis prévoient une réduction encore plus poussée de l'utilisation des véhicules particuliers jointe à l'extension des services des petits trains à tracteur et à la relocalisation, à plus ou moins longue échéance, du stationnement pour les véhicules sur un emplacement situé à l'extérieur de la limite nord du parc.
Les emplacemements du parc réservés au camping familial sont réduits de 152 à 55, en 1971, et le camping est fermé à la fin de la saison touristique. On continue cependant à mettre à la disposition des groupes de jeunes et autres désirant des installations de camping limitées, les services dont ils ont besoin.
On apporte un changement à l'exploitation des concessions de kiosques à rafraîchissements, en 1971, en accordant des permis à des cantines mobiles. Pour faciliter aux concessionnaires l'exploitation de leur commerce, on construit dans les diverses aires de loisirs à usage diurne des surfaces de béton d'où ils peuvent faire leurs affaires. On met fin à l'exploitation du kiosque permanent à rafraîchissements de la plage est de la pointe à la fin de la saison 1971, lorsque le permis d'occupation de l'exploitant arrive à expiration.
La pratique des sports de plein air est en outre favorisée par l'octroi d'une concession de location de bicyclettes et de chaloupes, ces dernières devant être utilisées dans le marais du parc.
On s'attend à ce que le programme d'interprétation du parc prenne encore plus d'ampleur et à ce que les sentiers d'observation soient utilisés pour mettre le promeneur en contact avec des zones représentant un intérêt particulier, du point de vue de l'interprétation. L'observation de la faune marine particulière aux marais du parc est encore facilitée par la construction d'une extension flottante prolongeant la promenade qui existe déjà dans le marais. On est en train d'apporter des améliorations aux installations d'utilité publique des plages principales du parc, après avoir ouvert en 1972, à la plage des saules noirs, de nouveaux vestiaires.
Autorisation de la chasse aux canards
En 1976, une anomalie inhérente à l'administration du parc et qui existait déjà depuis longtemps n'avait pas encore été réglée. En effet, la législation qui avait présidé, en 1918, à l'établissement du parc y prévoyait la pratique de la chasse aux canards pendant une saison que le gouverneur en conseil devait déterminer. En dépit des recommandations des administrateurs du parc et des protestations de la part de nombreuses associations vouées à la conservation de la faune, on n'a pas encore aboli dans le parc la pratique de cette activité controversée. Les amateurs de chasse aux canards du Sud-Ouest de l'Ontario, qui sont représentés pour la plupart par le Green Head Duck Club ont mené, au fil des années, des négociations énergiques dans les coulisses contre la réduction de leurs privilèges de chasse. Même si les conseillers juridiques de la Couronne ont exprimé l'opinion qu'il était possible de mettre fin à la chasse aux canards à l'intérieur du parc par un arrêté du gouverneur en conseil, les ministres qui se sont succédés au ministère n'ont pas encore décidé de prendre une telle mesure.
Références
1. Commission géographique du Canada, 18e rapport. Imprimeur du Roi, Ottawa, 1924.
2. Dossier H.S. 6-11-9 de la Direction des Parcs nationaux.
3. Arrêté en conseil C.P. 264, 25 mars 1975.
4. Rapport de la Commission nommée en 1856 pour enquêter sur les Affaires indiennes au Canada, Imprimeur de la Reine, Toronto, 1858.
5. Dossier 1694, vol. I. du ministère de l'Intérieur (terres de l'Artillerie).
6. Ibid., vol. III.
7. Arrêté en conseil C.P. 2340, 6 avril 1885.
8. Dossier 1694. vol. II, du ministère de l'Intérieur (terres de l'Artillerie) (Arrêté en conseil C.P. 4164, 31 oct 1902).
9. Arrêté en conseil C.P. 3055, 29 nov. 1893.
10. Dossier 2235 du ministère de l'Intérieur (terres de l'Artillerie).
11. Rapport annuel, Commission de conservation, Canada 1915, Appendice III.
12. Dossier P. 2, vol. 1, de la Direction des parcs nationaux.
13. Arrêté en conseil C.P. 1264, 29 mai 1918.
14. Dossier P. 16-6 de la Direction des parcs nationaux, 1er juin 1923.
15. Arrêté en conseil C.P. 2795, 21 sept. 1939.
16. Note de service, 6 janvier 1934; dossier P. 16, vol. 4, de la Direction des parcs nationaux.
17. Rapport n° 895 du Service canadien de la faune, 1939.
18. Rapport n° 149 du Service canadien de la faune, 29 avril 1955.
19. Arrêté en conseil C.P. 1971-940, 18 mai 1971.
Le parc national des Iles-de-la-Baie-Georgienne
Dès le tout début du XXe siècle, la région de la baie Géorgienne en Ontario était devenue un remarquable endroit de villégiature. Le bleu de ses eaux fraîches, ses promontoires et la diversité incroyable de ses magnifiques îles attiraient un nombre sans cesse croissant d'estivants, de campeurs, d'amateurs de canotage, de pêcheurs et d'artistes. Le long de ses rives nord et nord-est, la nature a semé avec prodigalité une multitude d'îles qui forment un archipel estimé à au moins 30 000 unités. Comme c'était le cas dans bien d'autres parties du Canada, les îles et les terrains entourant la baie étaient pour la plupart devenus des propriétés privées. Une prévoyance louable a permis de préserver une petite partie de ce paradis touristique pour en faire un parc national destiné au public. En décembre 1929, le ministère de l'Intérieur acquiert l'île Beausoleil, d'une superficie de 1097 ha, ainsi que 29 autres îles situées en face des cantons de Freeman, Baxter et Gibson en vue de la création du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne. L'année suivante, l'île Flowerpot située à l'entrée de la baie et au large de la péninsule Bruce vient s'ajouter au nouveau parc.
Occupation indienne
Le parc est situé dans la région appelée Huronie, autrefois habitée par la nation indienne des Hurons que les attaques répétées des Iroquois avaient pratiquement décimés. Des années plus tard, les Indiens Ojibwas ou Chippewas sont venus s'installer sur l'ancien territoire des Hurons qui comprenait les îles de la baie Géorgienne. Par la suite, l'avance de la colonisation et l'afflux de colons blancs ont provoqué le départ des autochtones qui abandonnaient leurs terres à mesure qu'ils en étaient dépossédés par des traités. Les îles qui forment le parc font partie de celles auxquelles les chefs indiens Chippewas ont renoncé en janvier 1856, et que le ministère des Affaires indiennes administrait par fidéicommis.
Explorateurs et missionnaires
Un jeune protégé de Samuel de Champlain, Etienne Brûlé, fut le premier Européen à atteindre la région de la baie Géorgienne. En 1610, à la demande de Champlain, il accompagne un chef algonquin et sa suite à partir du fleuve Saint-Laurent jusqu'au territoire des Hurons. C'est chez les Hurons que Brûlé passe l'hiver suivant au cours duquel il apprend leur langue.1 En 1615, Champlain et Brûlé suivent la route que Brûlé avait empruntée en 1610, qui remontait les rivières des Outaouais, Mattaouais et des Français jusqu'à la baie Géorgienne. Champlain explore méthodiquement la région de la Huronie et se laisse persuader par les Hurons de participer avec eux à une invasion des terres iroquoises au sud du lac Ontario, expédition qui se termine par une retraite désastreuse. Champlain passe l'hiver de 1615-1616 au village indien de Cahiague près de l'emplacement actuel d'Orillia, et visite un certain nombre de villages indiens dont ceux de Tobacco ou de la nation du Pétun à l'ouest.2
L'oeuvre missionnaire accomplie auprès des Indiens de la Huronie commence en 1615. Arrivé à Québec avec Champlain cette même année, le Père Joseph Le Caron de l'ordre des Récollets le précède sur la route de la rivière des Outaouais et célèbre sa première messe au village indien de Carhagouha au mois d'août.3 Le Père Le Caron part pour la France l'année suivante, mais il revient en 1623 avec deux autres missionnaires. Les Récollets estiment toutefois que l'ampleur du travail à accomplir dépasse les capacités de leur ordre, et invitent les Jésuites à les aider. Un Jésuite, le Père Jean de Brébeuf, arrive au pays huron en 1626. Il doit interrompre son travail lorsque les Anglais commandés par Kirke prennent Québec en 1629. Après la restitution de Québec à la France en 1632, le Père de Brébeuf retourne en Huronie en 1634 et avec l'aide d'autres prêtres, il fonde plusieurs missions, dont Ossossané, Saint-Joseph et Saint-Ignace.4 En 1638, le Père Jérôme Lalemant remplace le Père de Brébeuf à la tête de la mission huronne, dont Sainte-Marie, sur la rivière Wye, devient le centre en 1639.
Invasions des Iroquois
Entre temps, la lutte entre les Hurons et les Iroquois s'était intensifiée. Le commerce des Iroquois avec les Hollandais avait baissé à la suite de la diminution du nombre d'animaux à fourrure sur le territoire iroquois. Les Hurons contrôlaient les plus importantes routes servant au commerce de la fourrure et agissaient comme intermédiaires en allant chercher les fourrures aux endroits éloignés pour les apporter aux colonies françaises établies sur les rives du Saint-Laurent. Les incursions des Iroquois en territoire huron et les attaques menées contre les embarcations transportant des fourrures sur la rivière des Outaouais et le fleuve Saint-Laurent ont été suivies d'une véritable guerre d'extermination à la fin de la décennie de 1630. En juillet 1648, les Iroquois font irruption dans le village de Saint-Joseph II, qui était la mission jésuite située le plus au sud. Ils assassinent le père Daniel, détruisent le village et emmènent plusieurs centaines de prisonniers pour les torturer. En mars 1649, Saint-Ignace, situé sur la rivière Sturgeon, et Saint-Louis, situé plus à l'ouest, sont anéantis. À Saint-Ignace, le Père de Brébeuf et son compagnon, le Père Gabriel Lalemant, sont torturés à mort. Devant l'attaque des Iroquois, les Hurons quittent la région et un grand nombre d'entre eux se réfugient dans l'île Saint-Joseph. En juin, le Père Paul Ragueneau évacue Sainte-Marie après y avoir mis le feu. À la demande pressante des Hurons, il conduit le reste du clergé à l'île Saint-Joseph, appelée aujourd'hui île Christian, où une nouvelle mission bien fortifiée, Sainte-Marie II, est construite. L'hiver suivant est marqué par la maladie et la famine et, au retour du printemps, la moitié des autochtones avaient péri. Le 10 juin 1650, les survivants, soit environ 60 Français et 300 Indiens partent pour Québec en emportant avec eux les restes des martyrs Brébeuf et Lalemant.5
Recherche archéologique
Il a fallu attendre près de 150 ans avant que se manifeste un intérêt pour la recherche de l'emplacement des premières missions. La Compagnie de Jésus (les Jésuites) a progressivement stimulé l'intérêt pour la recherche archéologique et a réussi à attirer l'attention de fonctionnaires des gouvernements fédéral et ontarien et de professeurs de l'université Western Ontario sur cette question. Ainsi, il a été possible d'établir l'emplacement définitif des missions de Sainte-Marie I, Saint-Louis et Saint-Ignace II. Sous la direction d'un archéologue canadien réputé, Wilfrid Jury de l'université Western Ontario, le gouvernement ontarien a restauré Sainte-Marie I, sur la rivière Wye à l'est de Midland en Ontario. Le sanctuaire des Martyrs, grande église en pierre construite en 1926 qui surplombe la mission de Sainte-Marie I, rappelle le courage de ces hommes qui, il y a plus de 300 ans, ont donné leur vie pour la foi chrétienne.
Les historiens de la région croyaient que l'île Beausoleil, la plus grande des îles du parc, avait servi de refuge provisoire aux Hurons fuyant les attaques iroquoises en 1648 et 1649. Au début des années 1920, on s'intéresse aux vestiges de constructions en pierre, situés à l'ouest du terrain de camping du Y.M.C.A. près du centre de l'île et appelés « the Chimneys » (les cheminées). Les ruines semblent être les fondations de foyers et de cheminées construites en pierres plates et sans mortier à égale distance les unes des autres. A.C. Osborne de Penetanguishene en Ontario les décrit en ces termes en 1921 :
À un certain moment, il y avait trois fondations en pierre nettement délimitées qui supportaient des cheminées en partie démolies alignées sur une terrasse naturelle mesurant environ un mètre de hauteur. On a trouvé à cet endroit un instrument servant à faire des hosties pour la communion, qui, je crois, a été amené en Angleterre, ainsi qu'une croix double, qui a été offerte au Père Labourou.6
Toutefois, la plupart des pierres ont disparu par la suite, des campeurs les ayant emportées pour construire des foyers et d'autres ouvrages.
Les restes des excavations situées dans les environs, que les gens de l'endroit appellent « treasure pits » c'est-à-dire « fosses aux trésors », témoignent des activités des chercheurs de trésors, mais il n'existe aucune preuve qu'une découverte de valeur y ait été faite.
Peuplement de l'île Beausoleil
Une explication plus plausible de l'existence des cheminées est qu'elles sont les vestiges d'une occupation beaucoup plus récente de l'île par les Indiens Chippewas des lacs Huron et Simcoe. Ces Indiens nomades, qui avaient occupé sporadiquement plusieurs terres le long de la baie Géorgienne, ont été installés en 1830 par Sir John Colborne dans une région de 3966 ha située entre Coldwater et le lac Simcoe. Ce terrain a été cédé en 1836 en vertu d'un traité, et deux des trois bandes sont allées s'établir en 1838 dans le canton de Rama et dans l'île Snake, sur le lac Simcoe. La troisième bande de la région de Coldwater, qui était dirigée par le chef John Aisance, est allée s'installer par la suite dans l'île Beausoleil.7
En 1841, le bureau des Affaires indiennes de Toronto prend des mesures en vue de faire construire six maisons et deux écuries dans l'île à l'intention de la bande.8 Le rapport d'une commission créée en 1856 pour mener une enquête sur les affaires indiennes au Canada, révèle que la bande, qui comprenait alors 232 Chippewas, s'était établie dans l'île en 1842. En 1857 la réserve comptait 20 maisons et une école. Ayant constaté que la terre de l'île Beausoleil n'était pas fertile, les Indiens envisageaient dès 1849 d'aller s'installer dans les îles Christian, situées à l'ouest. Toutefois, ce départ n'est possible qu'en 1856, après qu'un traité eut cédé Beausoleil et les autres îles de la baie Géorgienne. Entre temps, les Indiens de Beausoleil avaient acquis la réputation d'être travailleurs. Le rapport de la commission indiquait que la récolte de 1857 s'élevait à 1200 boisseaux de maïs, 1000 boisseaux de pommes de terre, 5000 livres de sucre d'érable et 150 barils de poisson séché.9 Une bonne partie de la récolte avait toutefois été produite dans d'autres îles, notamment celles qui forment les îles Christian.
En 1857, la réserve de Beausoleil commence à péricliter. Le rapport des commissaires décrit la situation en ces termes : « Le village tombe peu à peu en ruines, et la bande, qui a cédé cette île, envisage d'aller s'établir dans les îles Christian qui lui ont été réservées comme territoire permanent et dont la superficie totale est estimée à 4047 ha. »10 Les Indiens se sont vraisemblablement installés définitivement dans leur nouveau territoire en 1858. Quelques Chippewas sont probablement restés dans l'île Beausoleil comme squatters lors de la création du parc, étant donné qu'en 1929, trois familles indiennes y habitaient. Elles ont été relogées sur la terre ferme par le ministère des Affaires indiennes. Un cimetière indien bien conservé, situé à l'ouest du bureau principal du parc, ainsi que l'emplacement d'un autre cimetière et d'une église près des « cheminées » constituent des traces de cette ancienne réserve.
Légendes indiennes
Les légendes indiennes relatives aux îles du parc ont été transmises de génération en génération. L'une des plus intéressantes est celle de Kitchi-Kiwana, un grand « Wendigo » ou homme du rocher, qui est enterré dans l'île Giant's Tomb (de la tombe du géant). D'après cette légende, Kitchi-Kiwana mesurait trois kilomètres de haut et il était le dernier survivant d'une race de géants habitant la région de la baie d'Hudson et qui avait été exterminée par des guerres intestines. Resté seul, il enjambe les terres jusqu'au lac Huron où, pour se distraire, il jette un peu partout des rochers que l'on peut encore voir aujourd'hui le long de la rive nord de la baie Géorgienne. Un jour qu'il marchait en transportant une montagne dans ses bras, il a glissé et est tombé.
La montagne s'est brisée en morceaux, formant ainsi les 30 000 îles de la baie Géorgienne. Kitchi-Kiwana allait se coucher chaque soir dans l'île Beausoleil, où l'on peut encore voir les marques de ses épaules. Par la suite, il tombe malade et ne peut plus se rendre dans son île favorite. Il s'allonge alors sur celle qui était la plus proche, et meurt. Comme les Indiens de la région étaient incapables de le transporter, ils recouvrirent son corps de roches et de sable. C'est pour cette raison que l'île est appelée « la tombe du géant ». On dit que le grand rocher plat qui se trouve dans l'île recouvre sa tête et que la lueur vacillante des aurores boréales à l'horizon annonce la visite de son esprit dans l'île, car le Grand Manitou allume des feux pour lui indiquer la route à suivre.11
Démarches en vue de la création d'un parc
L'idée de la création du parc de la baie Géorgienne provient d'une recommandation qui a été faite en 1920 au commissaire des parcs nationaux, J.B. Harkin par le directeur du musée provincial de Toronto, C.B. Orr.
Ce dernier, qui avait participé à des fouilles archéologiques à la baie Penetanguishene, met l'accent sur les attractions de l'île Beausoleil, qui est la plus grande île de celles qui n'ont pas été vendues par les fidéicommissaires des anciennes terres indiennes, ce qui, à son avis, justifie la création d'un parc.12
Des entretiens avec le ministère des Affaires indiennes révèlent que même si 61 ha environ avaient été loués en vue de l'établissement d'un camp d'été, il était possible d'acquérir l'île pour en faire un parc national. Le sénateur W.H. Bennett, de Midland, était en faveur de la création d'un parc. Dans une lettre adressée à l'honorable Charles Stewart, ministre de l'Intérieur, le sénateur Bennett manifeste un grand intérêt pour le projet qui, à son avis, va permettre non seulement d'offrir des loisirs à la collectivité mais aussi d'encourager l'industrie touristique dans la région. Le brigadier général E.A. Cruikshank, qui était alors président de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, entreprend en août 1921 l'inspection de l'île Beausoleil pour le compte de la Direction des parcs nationaux. Son rapport confirme que l'île convient à la création d'un parc national. On envisage alors la possibilité d'agrandir le futur parc en y ajoutant d'autres îles. Le directeur général des Affaires indiennes remet au commissaire des parcs, à la demande de ce dernier, une liste des îles et des parties d'îles, situées au sud de la pointe Moose Deer, qui n'étaient pas encore vendues. Un examen de la liste, qui comprenait une description de chacune des îles et une estimation de leur valeur, révèle que sur 75 îles disponibles, environ 28 répondaient aux normes des parcs nationaux. Dès janvier 1923, le commissaire Harkin, était en mesure de recommander d'acheter l'île Beausoleil au prix de 25 000 $ et d'entreprendre une étude plus poussée portant sur les petites îles.
Dans un mémoire qu'il a présenté au ministre, le commissaire rappelle qu'on avait procédé d'une façon assez analogue environ 20 ans plus tôt lors de l'acquisition opportune d'un groupe de grandes îles dans la région des Mille Îles du fleuve Saint-Laurent, qui avait rendu possible la création d'un parc national. D'après Harkin, la sagesse de cette mesure a été confirmée quand on a appris que toutes les grandes îles et chaque pouce de terrain situé sur la rive du fleuve étaient des propriétés privées.
Création du parc
Le projet d'achat de l'île Beausoleil a reçu l'approbation du ministère le 10 janvier 1923, et les réserves nécessaires ont été établies avec le ministère des Affaires indiennes. Dès octobre 1924, les agents des parcs nationaux s'étaient prononcés en faveur de l'inclusion de 28 autres îles dans le futur parc, et ils avaient été autorisés par le ministre à les acheter. Le transfert des titres de propriété devait toutefois être retardé de plusieurs années. Bien que les crédits nécessaires à l'achat fussent inclus chaque année dans le budget des parcs nationaux, ils furent systématiquement supprimés. Enfin, en août 1928, le ministère des Affaires indiennes a annoncé au commissaire des parcs qu'il avait reçu plusieurs offres d'achat de terrains situés dans l'île Beausoleil, et qu'il serait nécessaire de se prévaloir de l'option existante sans quoi les terrains seraient vendus au profit des Indiens. Cet avis a eu l'effet désiré, car au cours de la session parlementaire de 1929, le Parlement a voté les crédits nécessaires. L'arrêté en conseil du 3 décembre 1929 autorisa l'achat de l'île Beausoleil et de 28 autres îles ainsi que leur cession au ministère de l'Intérieur en vue de la création d'un parc.13 Plus tard, le 28 décembre 1929, une proclamation dans la Gazette du Canada créait « le parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne. »
Aménagement
On a décidé d'établir le siège de l'administration du parc dans l'île Beausoleil, qui est la plus grande et la plus belle des îles du parc. Appelée jadis par les Hurons « Schiondekiaria », elle figure plus tard sous le nom d'île Prince William Henry sur une carte de l'Amirauté britannique. L'appellation actuelle de Beausoleil vient du nom d'un des premiers résidants, qui était parti de l'île Drummond et était arrivé en 1819 à la pointe Beausoleil à l'extrémité méridionale de l'île.14 Les premiers travaux d'aménagement ont commencé en 1931 après la nomination de George Lynn au poste de garde du parc. Les crédits limités qui étaient disponibles ont permis la construction d'une résidence pour le garde, le déblaiement de plusieurs emplacements de camping sur la rive de l'île Beausoleil, ainsi que la construction de quais pour faciliter l'accostage des bateaux. Entre 1932 et 1934, on a étendu le réseau de petits terrains de camping, équipés de foyers pour usage en plein air, de bancs et de tables, on a installé des toilettes et on a entrepris l'aménagement d'un réseau de sentiers de promenade. En 1934, on a construit un vestiaire pour les baigneurs sur la plage située en face du bureau principal du parc. Ce vestiaire a été remplacé en 1951. Jusqu'en 1940, ce sont des agents du Service des parcs nationaux à Ottawa qui ont assuré la surveillance générale de l'île, en y effectuant périodiquement des visites et en donnant des instructions au garde du parc. Lynn a démissionné en 1941 et J.C. Browne d'Ottawa, a été nommé agent préposé à la surveillance du parc. Il sera plus tard nommé directeur du parc.
En 1951, J.C. Browne est nommé directeur pour les trois parcs nationaux de l'Ontario et, durant l'été, il réside dans l'île Beausoleil. Lorsqu'il prend sa retraite, en 1957, c'est le directeur du parc de la Pointe-Pelée qui remplira les fonctions de directeur du parc des Îles-de-la-Baie-Georgienne en visitant régulièrement les îles. De 1957 à 1968, le garde en chef du parc assume l'administration locale de l'île Beausoleil et des autres îles. En 1968, J.A. Hodges devient le premier directeur résidant chargé de la surveillance exclusive du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne. E.B. Wilson lui succède en 1970. En novembre 1972, il est nommé au parc de Jasper et D.G. Harris devient directeur du parc.
Développement d'après-guerre
Pendant la seconde guerre mondiale, les possibilités d'aménagement étaient limitées, mais en 1950 des crédits accrus ont permis d'étendre les installations destinées aux visiteurs. Cette année-là, 13 nouveaux emplacements de camping sont ouverts, cinq abris permanents de camping sont érigés, un nouveau quai est construit à la plage Toby près du bureau principal et des bassins sont aménagés aux nouveaux emplacements de camping. L'achat, en 1950, d'un nouveau bateau conçu pour les eaux houleuses a facilité les patrouilles régulières dans les îles.
La reconstruction du quai principal au siège de l'administration centrale effectuée au cours de l'hiver 1950-1951, par le ministère des Travaux publics, a représenté une nette amélioration. Pour réaliser ce travail, on a enfoncé des pieux d'acier sur une longueur de 9 m autour des quais existants et on a enlevé la superstructure des installations initiales. Tout l'espace compris entre les pieux a ensuite été comblé avec du gravier et planchéié, ce qui a permis d'obtenir un bassin de desserte de 61 m de longueur sur 23 m de largeur. En 1952 et 1953, les employés du parc ont construit un nouvel accès en gravier menant au bassin, qu'ils ont convenablement aménagé. Le côté nord de l'accès sera plus tard soutenu par un mur de maçonnerie. En 1953, la Commission hydro-électrique de l'Ontario a prolongé sa ligne de la terre ferme à l'île Beausoleil, alimentant ainsi en électricité les ateliers du parc, les immeubles administratifs et les camps parrainés par l'entreprise privée.
Le siège de l'administration du parc était établi dans le poste des gardes situé dans l'île Beausoleil, jusqu'à ce qu'un immeuble central soit construit en 1954 près du bassin principal. En 1955, le premier poste de garde a été remplacé par un logement moderne et, en 1959, on a érigé une seconde résidence pour le patrouilleur du parc. La construction, près du siège administratif, d'un atelier de menuiserie, d'un magasin et d'un édifice abritant un dortoir et une cuisine a facilité l'administration du parc.
Agrandissement des terrains de camping
Jusqu'en 1957, les campeurs disposaient d'espaces assez restreints pouvant accueillir de 5 à 15 tentes. Le nombre toujours croissant de visiteurs, particulièrement à la plage Toby, fait ressortir le besoin d'améliorer les installations de camping. En 1957, on commence à aménager à cet endroit un terrain de camping semi-équipé en construisant un abri-cuisine moderne. L'année suivante, on y ajoute un bâtiment comprenant à la fois une buanderie et des toilettes et, en 1959, on érige quatre autres abris-cuisines et un deuxième réduit pour les toilettes. La construction de nouveaux quais, le déblaiement de nouveaux espaces pour les tentes et l'aménagement d'un amphithéâtre en plein air permit d'accroître le nombre d'attraits du nouveau terrain de camping, qui porte aujourd'hui le nom de Cedar Spring et peut loger 125 tentes. En 1970, 20 terrains de camping secondaires, presque tous équipés d'abris-cuisines, de quais et d'autres installations, étaient aménagés dans les endroits stratégiques de l'île. Parmi ces terrains, celui de la plage Christian, sur le côté ouest de l'île, et celui de la pointe Beausoleil, à l'extrémité sud, ont été réservés au camping collectif. Les visiteurs désirant une aire d'utilisation diurne sont dirigés vers une vaste aire de pique-nique se trouvant près du terrain de camping Cedar Spring et vers d'autres terrains de pique-nique situés dans l'île.
Aménagement de camps de jeunesse
Après avoir été rattachée au parc national, l'île Beausoleil est devenue un endroit de prédilection pour les camps de jeunesse parrainés par des organismes comme les scouts, le YMCA et les Églises. Lors de l'acquisition de l'île en 1929, le YMCA de Midland en Ontario avait loué un des meilleurs emplacements, juste au nord de la pointe Tonch, sur le côté est, pour des camps d'été. Le bail expirait le 1er juin 1929, mais prévoyait un renouvellement. Les normes en vigueur autorisaient alors les mouvements de jeunesse possédant un permis à occuper les terres du parc, et le bail a été renouvelé. Le camp du YMCA de Midland, connu sous le nom de « Kitchi-Kiwana », comprenait un immeuble central, qui abritait à la fois les locaux de l'administration et un réfectoire, ainsi qu'un certain nombre de tentes où logeaient les campeurs. Grâce à l'aide apportée par des particuliers, les installations du camp ont pu être considérablement améliorées et agrandies. Les principales améliorations ont consisté dans le remplacement, en 1948, de l'immeuble principal par un grand bâtiment bien équipé et la disparition progressive des tentes au profit de cabines permanentes.
Un second camp, accueillant les personnes âgées du YMCA de Cincinnati, en Ohio, a été ouvert en 1932 à la plage Simmonds, près de l'emplacement de l'ancien village indien. Les campeurs ont logé dans des tentes et sous une grande marquise jusqu'en 1937, année où les organisateurs ont construit un immeuble central servant à la fois de salle de réunion, de salle à manger et de cuisine. En 1960, la popularité du camp avait diminué et on a accepté la cession de l'emplacement. On a démoli l'immeuble central et on a converti le terrain autrefois occupé en un emplacement destiné au camping collectif.
Plusieurs autres organismes ont reçu l'autorisation d'aménager des camps de jeunesse dans l'île Beausoleil. En 1938, le Club Lions de Toronto a obtenu un emplacement de camping sur le côté ouest de l'île, à la baie Turtle, et a érigé un immeuble principal la même année. Plus tard, le camp sera agrandi par la construction de cabines, de logements pour le personnel et d'édifices secondaires. En 1962, le YMCA du Toronto métropolitain reprendra l'administration du camp. En 1940, le YMCA de Kitchener-Waterloo entreprend l'aménagement d'un camp à la baie Frying Pan, à l'extrémité nord de l'île; en 1942, la Ligue navale du Canada a aménagé un camp bien équipé pour recevoir les scouts qui servent dans la marine. Après huit saisons de camping, les installations de ce dernier groupe ont été déménagées à un autre emplacement dans la région de la baie Géorgienne et le permis d'occupation du terrain de camping a été accordé en 1952 à l'Association chrétienne pour jeunes gens (YMCA) et à l'Association chrétienne pour jeunes filles (YWCA) de London.
Le camp Manitomono, aménagé par la Calvary Baptist Church de Toronto, a été ouvert en 1904. Situé à l'extrémité nord-ouest de l'île, il occupait la majeure partie de la pointe Cogawa, à l'est de l'anse aux Pirates. Au cours des années 30, plusieurs groupes de scouts avaient obtenu des permis pour camper aux endroits propices, mais après un an ou deux, ils déménagèrent à l'extérieur du parc. Au début de leur aménagement, ces camps de jeunesse recevaient une aide considérable de la part de l'administration du parc. La plupart des quais aménagés en bordure des emplacements de camping ont été construits et entretenus pendant plusieurs années par le directeur du parc. Plus tard, on demandera aux organisateurs des camps d'entretenir toutes les installations situées dans les propriétés qu'ils louent.
Il est peu probable qu'on accorde d'autres emplacements de camping à l'usage exclusif de certains groupes ou organismes. L'adoption de normes relatives aux parcs nationaux en 1964 a fortement influencé l'avenir du camping collectif dans les parcs nationaux. Les nouvelles normes interdisent aux organismes privés de louer des terrains et de construire des édifices permanents à l'intention de camps collectifs. Elles exigent au contraire que les aires de camping collectif soient conçues, aménagées et entretenues par l'administration des parcs nationaux et accordées à des groupes appropriés. Toujours dans le cadre des nouvelles normes, tous les organismes occupant des emplacements de camping privés dans l'île Beausoleil ont été avisés, en 1967, que les baux en vigueur pourraient être renouvelés pour une période de cinq ans à leur expiration. À l'expiration de ces baux en 1975, la permission d'occuper les lieux serait renouvelable d'une année à l'autre, conformément aux exigences relatives aux installations de camping collectif.
Les protestations adressées au ministère par les organismes exploitant des camps de jeunesse dans l'île Beausoleil, ainsi que la crainte que l'administration des parcs nationaux ne soit incapable de fournir, pour 1975, d'autres installations pour remplacer les camps de jeunesse existants, ont amené la réévaluation du programme qui prévoyait la disparition des camps privés.
En mai 1972, le ministère a avisé les organismes exploitant des camps de jeunesse qu'après l'expiration de leurs baux en 1975, il serait disposé à envisager une prolongation de dix ans. On croyait que cette prolongation donnerait aux organisateurs de camps la possibilité de planifier avec assez de certitude la suite de leurs activités.
Pendant ce temps, le YMCA de Kitchener-Waterloo abandonne volontairement le terrain qu'il occupait après qu'un incendie eut détruit, en août 1970, l'immeuble principal du camp. Un autre groupe, le Calvary Baptist Church de Toronto, décide d'installer son camp ailleurs et offre au ministère d'acheter ses bâtiments qu'il aurait été trop coûteux de déménager. Le ministère accepte l'offre et l'achat est effectué en janvier 1974. Plus tard, en avril de la même année, le ministère et les administrateurs de l'église concluent un accord prévoyant que les édifices du camp pourront être occupés en juillet et août pendant les cinq années suivantes.
L'île Flowerpot
C'est Harry Tucker, avocat à Owen Sound en Ontario, qui a proposé pour la première fois en juillet 1921, que l'île Flowerpot fasse partie d'un parc national. Tucker a attiré l'attention sur les caractéristiques remarquables de l'île, comprenant une série de grottes et de formations rocheuses, qui ont donné à l'île son nom. Ces formations rocheuses ont l'aspect de gigantesques piliers calcaires formés par l'érosion des falaises voisines sur la côte sud-est. Les bosquets et plantes qui poussent au sommet et dans les crevasses des colonnes accentuent leur ressemblance avec des pots de fleurs.
En 1923, on attire l'attention de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada sur le fait que l'île Flowerpot peut avoir une importance historique ou préhistorique. La Commission décide d'attendre que des études soient menées avant de se prononcer sur la question. En février 1924, le ministère des Affaires indiennes a fait savoir au commissaire des parcs nationaux qu'on envisageait la possibilité de vendre l'île Flowerpot. À l'époque, l'île Beausoleil était réservée à la création d'un parc et le ministère des Affaires indiennes estimait évidemment que les « pots de fleurs » de l'île méritaient également d'être conservés dans un parc. L'île n'a pas été vendue à l'époque, mais les démarches définitives en vue de son acquisition n'ont été entreprises qu'en 1929, quand le commissaire des parcs a appris que les formations rocheuses risquaient de s'écrouler si on ne prenait aucune mesure contre l'érosion causée par les vagues. L'acquisition de l'île Flowerpot a suivi son inspection, en août 1930, par le sous-commissaire des parcs. L'arrêté en conseil du 6 décembre 1930 autorise l'achat au prix de 165 $ pour en faire un prolongement du parc des les-de-la-Baie-Georgienne.15 La cession du droit de propriété dans l'île, qui couvre une superficie de 202 ha, ne comprend pas les 10 ha de terrain sur lequel se trouve un phare appartenant au ministère des Transports. On entreprend immédiatement des travaux pour empêcher la désagrégation des formations rocheuses. On engage, au début de 1931, un ingénieur chargé de diriger les travaux de réfection qui empêcheront l'érosion des piliers tout en conservant leurs contours et leur apparence.
On remplit les cavités de ciment, on scelle les fissures et on consolide la base des formations de façon que l'eau ne pénètre pas dans la roche par les fentes. On exécute, en 1933, un autre travail de conservation en comblant avec du ciment une grande crevasse dans la petite formation et en recouvrant une partie du sommet d'une couche de béton. La base du plus grand pilier est renforcée avec du béton et recouverte de roches. Une fissure s'étant produite au sommet de la grande formation, d'autres réparations consistant à remplir la fissure et à couvrir le sommet de béton sont effectuées en 1956.
Un patrouilleur non résidant est nommé en 1931 pour patrouiller dans l'île et entretenir les installations destinées aux visiteurs, lesquelles comprennent un petit emplacement de camping équipé de foyers pour usage en plein air. On accède normalement à l'île du côté sud-est, où un petit port, situé sur un récif, permet un bon ancrage. En 1935, on approfondit le chenal menant à ce petit port afin d'en faciliter l'accès en période de basses eaux, et on construit un quai d'accostage. En 1936, on érige un petit pavillon ou abri près du quai, on ouvre des sentiers dans l'île et on améliore le chenal d'accès.
Exploration des grottes
On connaissait depuis des années l'existence de grottes situées dans la partie supérieure des falaises du nord et du sud-est de l'île Flowerpot. Des sentiers menant à certaines de ces grottes ont été ouverts peu de temps après la création du parc. Afin de veiller à la sécurité des visiteurs, on explore les grottes dès juillet 1938. J.F. Caley, de la Commission géologique du Canada, entreprend cette exploration et découvre que sept grottes sont assez spacieuses pour qu'on puisse y pénétrer et qu'elles sont situées à une hauteur variant entre 10 et 30 m au-dessus du niveau du lac.16 La plus grande des grottes se prolonge à l'intérieur sur une distance de 61 m depuis l'entrée et on peut y accéder par deux ouvertures, que sépare un pilier rocheux. Il est établi que les grottes ont été formées par la circulation d'eaux souterraines et qu'elles sont très anciennes. Comme on n'avait trouvé la trace d'éboulis récents que dans une seule des grottes, on décide que les grottes sont relativement sûres pour le public. Plus tard, on lui interdira l'accès à deux grottes où des éboulis se sont produits.
Bien avant la création du parc, l'île Beausoleil se trouvait sur la route des bateaux à vapeur servant au transport des passagers, qui empruntaient le chenal intérieur de la baie Géorgienne à partir de Midland et Penetang jusqu'à Parry Sound. L'amélioration des premières routes carrossables et l'augmentation des déplacements en automobiles a par ailleurs amené une diminution du nombre des passagers et, vers 1950, les arrêts réguliers au quai principal de l'île Beausoleil ont été supprimés. Un des derniers bateaux à vapeur, le « Midland City », a continué jusqu'en 1958 de faire escale à l'île Beausoleil au cours de croisières. Les embarcations plus petites qui effectuent maintenant les croisières font de nouveau escale au quai du parc. Le point le plus rapproché sur la terre ferme, qui possède un bureau de poste et des magasins, est Honey Harbour, et la façon la plus directe pour les petites embarcations en provenance de cet endroit d'accéder au siège administratif du parc est d'emprunter les chenaux Little Dog et Big Dog qui séparent l'île Beausoleil, la Petite île Beausoleil et l'île Roberts. Les périodes de basses eaux, qui se produisent régulièrement dans les Grands lacs, rendent difficile le passage de ces chenaux. Les critiques formulées par des associations touristiques locales et la Direction des parcs nationaux ont incité le ministère fédéral des Travaux publics à procéder périodiquement au dragage et à l'enlèvement des pierres des chenaux. Ces améliorations remontent à 1913, année où le chenal Little Dog a été dragué pour la première fois. Les derniers travaux d'amélioration du chenal ont été entrepris en 1965.
En 1957, l'accroissement de l'utilisation par les visiteurs du parc national des Îles-de-la-Baie-Georgienne et de l'île Beausoleil en particulier, a mis en évidence le besoin d'agrandir le parc. Comme toutes les grandes îles des environs appartenaient depuis longtemps à des particuliers, le marché des valeurs immobilières demeurait le seul moyen d'acquérir de nouvelles terres. En 1957, le propriétaire de l'île Quarry offre de la mettre en vente. Cette île, située à quelques kilomètres au sud-est de l'île Beausoleil et qui comprend une superficie d'environ 59 ha, possédait des caractéristiques qui lui auraient permis de faire partie d'un parc. Cependant on a estimé que le prix fixé par le propriétaire était trop élevé et on a décliné l'offre. Entre 1958 et 1970, le gouvernement a fait l'acquisition d'un certain nombre de petites îles dans le voisinage immédiat de l'île Beausoleil, dont certaines sont à peine plus grosses qu'un rocher. Elles ont pourtant une grande valeur esthétique qui réside dans leur conservation à l'état sauvage.
Une étude des grandes îles dans la région du parc, entreprise en 1966, a révélé que l'île Giant's Tomb possédait les caractéristiques nécessaires à l'établissement d'un parc. Un examen de l'île, qui est située à quelques kilomètres à l'ouest de l'île Beausoleil et couvre une superficie d'environ 566,5 ha, a confirmé la possibilité d'y aménager des aires de loisirs notamment pour la natation, le canotage, la promenade et le camping. On a engagé des négociations avec les propriétaires de la plus grande partie inexploitée de l'île, qui comprend environ 506 ha et on a obtenu un prix ferme pour un titre libre de toute hypothèque. Toutefois, en raison de considérations d'ordre budgétaire, la décision officielle d'acheter l'île est encore à l'étude.
Depuis sa création, il y a plus de 40 ans, le parc des Îles-de-la-Baie-Georgienne a procuré à de nombreux Canadiens détente et loisirs. Il a aussi contribué à conserver comme bien public quelques-unes des plus belles parties d'un archipel pittoresque qui figure parmi les plus grands de l'Amérique du Nord. Toutefois, l'aménagement du parc en aires de loisirs a presque atteint le point où un nouvel empiétement sur les aires d'aspect primitif risque de compromettre sa beauté naturelle et son écologie. Il semble donc que le seul moyen de l'agrandir encore soit d'acquérir d'autres terres, qu'il s'agisse d'îles ou de terrains situés sur la terre ferme. Il est à souhaiter qu'on trouvera les moyens d'atteindre ce but hautement désirable.
Références
1. Butterfield, C.W., History of Brûlé's Discoveries and Explorations, Helman-Taylor Company, Cleveland, 1898.
2. Cranston, J.H., Huronia. Cradle of Ontario's History, Huronia Historic Sites and Tourist Association, Midland, 1960.
3. Landon, Fred, Lake Huron, Bobbs-Merrill Co., N.Y., 1944.
4. Fox, W.S., St. Ignace, Canada's Altar of Martyrdom, McClelland, Stewart, Toronto, 1949.
5. Shaw, J.G., Saints Lived Here, Martyrs' Shrine, Midland Ontario, 1960.
6. Lettre au commissaire des parcs nationaux, 25 juillet 1921, Dossier G.B. 2 de la Direction des parcs nationaux.
7. Rapport du comité spécial formé le 8 septembre 1856 pour enquêter sur les affaires indiennes au Canada, Imprimeur de la reine, Toronto, 1858.
8. Lettre adressée par le directeur des Affaires indiennes, Toronto, au chef John Aisance, 10 février 1841, Bibliothèque des Affaires indiennes et du Nord, Ottawa.
9. Rapport de la Commission de 1856, p. 83.
10. Ibid.
11. Toronto Star, 26 juillet 1921.
12. Lettre du 20 septembre 1920, Dossier G.B. 2 de la Direction des parcs nationaux.
13. Arrêté en conseil C.P. 2355, 3 décembre 1929.
14. White, James, Place Names in Georgian Bay, Ontario Historical Society, Toronto, 1913.
15. Arrêté en conseil C.P. 2834, 6 décembre 1930.
16. Note de service, 27 août 1938, Dossier G.B.F. 324 de la Direction des parcs nationaux.
Le parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton
En 1936, la création du parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton mettait une région pittoresque exceptionnelle à la disposition des Canadiens, et ce pour toujours. Même si elle est séparée de la terre ferme par le profond et étroit détroit de Canso, une chaussée permet d'y accéder facilement depuis le continent. Le littoral, accidenté et pittoresque, présente nombre de baies et de criques qui constituent des abris pour les petites embarcations. Des collines et des montagnes accidentées sortent brusquement de la mer, puis s'étendent, surtout au nord et à l'ouest, pour former un large plateau. De l'océan, on peut voir un paysage de flancs de collines, de falaises, de baies et de vallées; de la terre, on a une perspective tout aussi magnifique d'anses sablonneuses, de caps rocheux, de rochers dentelés usés par les marées, avec en arrière-plan le bleu de l'océan Atlantique ou du golfe Saint-Laurent.
Le parc national s'étend au nord de l'île du Cap-Breton, de l'Atlantique jusqu'au golfe et couvre une superficie de 950,5 km2. Le long de la côte ouest, des collines escarpées jaillissent du golfe et atteignent une altitude de 427 m. Les versants sont couverts de forêts dans les hauteurs, et sur leurs flancs accidentés s'accroche la route de Cabot, une route moderne qui ceinture une grande partie du parc. Le littoral est lui aussi rocheux; il renferme de nombreuses anses situées aux entrées des vallées, lesquelles s'enfoncent vers le plateau des hautes terres qui forme l'intérieur du parc. L'ondulation paisible des collines et des vallées rappelle les hautes terres d'Écosse. Près du parc, mais à l'extérieur de ses limites, il y a de nombreux petits villages habités surtout par des pêcheurs qui descendent d'habitants de la Haute Écosse, d'Irlande et d'Acadie. De père en fils, ces gens ont vécu de la pêche à laquelle s'ajoutaient quelques activités agricoles pratiquées dans les environs. Ces petites agglomérations, dont certaines offrent des possibilités d'hébergement aux visiteurs, dotent le parc d'un attrait exceptionnel.
Démarches en vue de la création d'un parc national
La création du parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton venait couronner les efforts d'éminents citoyens de la Nouvelle-Écosse qui, pendant 20 ans, avaient plaidé en faveur de la mise à part d'une région de la province qui se prêterait à la création d'un parc. Les premières recommandations, formulées en 1914, proposaient une zone située dans les environs du lac Bras d'Or. Puis, on a proposé de faire un parc national du fort Beauséjour situé près d'Amherst, objectif qui est devenu réalité en 1926;1 les dimensions et les caractéristiques de ce lieu historique ne répondaient cependant pas aux critères d'une réserve nationale typique. La première proposition relative à la création d'un parc national dans l'île du Cap-Breton a été faite en 19282 et, en 1930, elle a été suivie d'une forte recommandation en faveur de la création d'un parc national au cap Blomidon, endroit exceptionnel dominant le bassin Minas à l'entrée de la baie de Fundy. Toutefois, en 1932, la situation économique obligeait le gouvernement fédéral à suspendre temporairement ses activités relatives à la création de nouveaux parcs dans toutes les provinces.
En janvier 1934, la Yarmouth Fish and Game Protective Association (Société protectrice de la faune et des poissons de Yarmouth) lance un nouveau mouvement pour la création d'un parc national en Nouvelle-Écosse. Ce groupe, que dirige Seymour Baker, reçoit l'appui d'autres organismes s'intéressant à la conservation. Baker obtient du ministre de l'Intérieur qu'il parraine une série de causeries sur les avantages des parcs nationaux; un agent de la Direction des parcs nationaux, J.C. Campbell, présente ses causeries dans plusieurs grandes villes de la Nouvelle-Écosse. En avril 1934, la cause du parc reçoit un appui supplémentaire; en effet, F.W. Baldwin, député de Victoria, se fait le défenseur, au parlement provincial, du prolongement du réseau des parcs nationaux du Canada jusqu'en Nouvelle-Écosse.3 Le mois suivant, le premier ministre Angus Macdonald demande à l'honorable T.G. Murphy, ministre de l'Intérieur à Ottawa, de relever les régions de sa province qui pourraient satisfaire aux exigences requises pour la création d'un parc national. À la suite d'un échange de lettres dans lesquelles Murphy expliquait les formalités préalables à la création d'un parc, le premier ministre Macdonald présente, le 17 août 1934, une demande officielle de visite pour trois emplacements de la Nouvelle-Écosse : l'un est au cap Blomidon, l'autre, dans le comté de Yarmouth et le troisième au nord de l'île du Cap-Breton.4 R.W. Cautley, du service d'arpentage des terres fédérales d'Ottawa, vient faire cette visite, en compagnie de H.F. Laurence, ingénieur chargé de l'inspection au ministère de la Voirie de la Nouvelle-Écosse. L'équipe étudie soigneusement les possibilités qu'offrent les trois régions, et Cautley rédige un rapport qui recommande fortement le choix d'un emplacement dans le nord de l'île du Cap-Breton.5
En février 1935, le premier ministre Macdonald assure le gouvernement fédéral que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse est prêt à lui concéder, pour la création d'un parc, un titre incontestable sur les terres, lequel titre donnerait satisfaction aux deux parties.6 Au mois de mai de la même année, le gouvernement provincial adopte une loi autorisant l'acquisition de terres dont la superficie ne dépasse pas 1036 km2.7 En mai 1936, il y a accord entre le premier ministre Macdonald et l'honorable T.A. Crerar, alors ministre de l'Intérieur; le choix de l'emplacement dans l'île du Cap-Breton satisfaisait les deux parties. Le premier ministre acceptait également de préparer un contrat qui fixerait en détail les responsabilités des deux gouvernements intéressés quant à l'aménagement et à l'exploitation du futur parc. Ce contrat a été rédigé et signé plus tard.
Création du parc
La Nouvelle-Écosse a cédé au Canada les titres des terres au sujet desquelles il y avait eu entente le 15 juin 1936 et le parc a été créé par proclamation en vertu de la Loi sur les parcs nationaux de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard (Nova Scotia and Prince Edward Island National Parks Act).8 Le 23 juin 1936, cette loi a été sanctionnée à Ottawa. Le nouveau parc recevait le nom de « parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton », avec l'assentiment du premier ministre de la province, Angus Macdonald. Non seulement le parc des Hautes-Terres-du-Cap-Breton était-il le premier parc national dont le gouvernement canadien n'avait pas possédé ou contrôlé le terrain auparavant, mais il était aussi le premier parc créé à l'est du Manitoba comptant une superficie de plus de quelques kilomètres carrés.
Aux termes de la loi du gouvernement fédéral, les terres choisies pour le parc se composaient de deux parties. La plus grande qui comptait 1186 km2 avait une superficie supérieure à celle prescrite par la loi provinciale. Elle comprenait la partie septentrionale du comté d'Inverness allant vers le nord depuis une ligne irrégulière au sud de la rivière Chéticamp jusqu'au cap Saint-Laurent. Elle englobait également une partie importante du comté de Victoria située entre, au nord, la route de Cabot et au sud, une ligne allant vers l'ouest depuis Ingonish Nord. La deuxième partie formait un corridor large de 122 m qui comprenait 16 km de la route de Cabot entre l'endroit où celle-ci rejoint la route vers White Point et le croisement ouest de la rivière North Aspy. Sa superficie était de 199 ha.
Modification des limites
La partie occidentale du parc située dans le voisinage de Pleasant Bay renfermait un lotissement important où se trouvaient de petites tenures libres. En planifiant l'aménagement futur du parc, les administrateurs se sont demandé s'il serait sage de garder dans le parc une zone qui pourrait prendre les proportions d'un lotissement urbain pour lequel des dépenses excessives devraient être faites. Puis, la province apprenait avec consternation qu'elle allait devoir régler des demandes d'indemnités considérées comme exorbitantes pour des terrains privés compris dans le tracé de la route. A la suite de visites de la zone située à l'ouest de la baie Ingonish par James Smart, alors directeur du parc, et F.H.H. Williamson, contrôleur des parcs nationaux, il y eut une proposition à l'effet que la péninsule Middlehead ainsi que le bassin hydrographique du ruisseau Clyburn soient acquis afin d'être annexés au parc. Plus tard, à la suite d'entretiens et d'échanges de correspondance, les deux gouvernements se sont entendus sur le fait qu'une révision des limites du parc était souhaitable. Cette mesure a entraîné le retrait du parc de près de 192 km2 de terres situées dans le comté d'Inverness au nord de la route de Cabot ainsi que de six autres parcelles, y compris le corridor englobant 16 km de la route de Cabot. Ces retraits allaient être compensés par l'addition au parc d'une région de 88 km2 située à l'ouest de la baie Ingonish, et comprenant Middlehead, ainsi que des terres situées près de Neil Harbour et le long de la limite sud du parc. John Russell, arpenteur des terres fédérales, a arpenté divers terrains à retirer du parc ou ajouter; la législation donnant effet aux retraits a été autorisée par la loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux de 1937.9 La province de la Nouvelle-Écosse a alors exproprié les terres obtenues au cours de l'échange et elle les a cédées au Canada. Celles-ci se sont ajoutées au parc par proclamation conformément aux dispositions de la loi de 1936. Une fois la révision des limites terminée, la superficie du parc était de 1010 km2.
Quelques années plus tard, d'autres modifications ont été apportées aux limites du parc. En 1956, une zone située dans la partie sud-ouest du parc, au sud de la rivière Chéticamp, a été retirée du parc à la demande de la province, afin de faciliter l'exploitation minière.10 De nouveau, en 1958, il y eut retrait de terres situées dans les environs du lac Chéticamp afin de faciliter l'exploitation hydro-électrique que parrainait le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.11 À la suite de ces modifications, la superficie du parc est passée à 950,5 km2.
Rétrospective historique
L'histoire des débuts de l'île du Cap-Breton est mal connue et peu concluante. On a longtemps fait allusion aux voyages de Norois le long des côtes de l'île. Certains historiens croient que Jean Cabot, qui a découvert le continent nord-américain en juin 1497, a abordé au large de la côte nord-est du Cap-Breton. L'impressionnante route qui entoure la partie nord-est de l'île, la route de Cabot, perpétue sa mémoire. Verrazano, en 1524, et Jacques Cartier, retournant en 1535-1536 de son voyage en Amérique, ont entrevu les côtes de l'île. La pêche dans les eaux avoisinantes a attiré les Anglais, les Français, les Espagnols et les Portugais qui ont établi des colonies à English Harbour, aujourd'hui Louisbourg, à Sainte-Anne, à Saint-Pierre, à Baie d'Espagnol, aujourd'hui Sydney, et à Niganis ou Inganiche, appelé aujourd'hui Ingonish. Une première tentative d'établissement faite en 1629 par Lord Ochiltree, d'Écosse, sur la côte est de l'île du Cap-Breton, à Baleine, s'est terminée la même année avec la venue d'une escadrille navale française dirigée par le capitaine Daniel.12 Il y a eu en 1729, une colonie française à Inganiche.13 C'est là qu'on a découvert en 1938 l'emplacement d'un ancien cimetière pendant la construction du terrain de golf du parc national.
Après le traité d'Utrecht, en 1713, lorsque l'Angleterre a cédé l'île du Cap-Breton à la France, on a construit la forteresse de Louisbourg. Cette place forte a vu se dérouler une longue lutte pour l'obtention de la suprématie en Amérique du Nord. Finalement, sa prise par l'Angleterre en 1758 a été suivie par la prise de Québec en 1759 et par la fin du régime français au Canada. La colonisation de parties de l'île par des Acadiens de la Nouvelle-Écosse, notamment à Chéticamp, vers 1775, a été suivie d'une importante immigration écossaise de 1791 à 1828. Les descendants de ces premiers pionniers forment encore une grande partie de la population actuelle de l'île.
Aménagement
En juillet 1936, on s'est attaqué à la tâche que constituait la transformation de cette région primitive et peu peuplée en un endroit où les visiteurs auraient envie de venir. En juin, James Smart, qui avait été en grande partie chargé de l'aménagement du parc national du Mont-Riding au Manitoba, était nommé directeur intérimaire. Il a installé des bureaux temporaires à Ingonish Nord et recruté quelques personnes pour le travail d'administration. Un service de gardes du parc chargés de la protection des forêts et de la faune était mis sur pied, et un système de communication par radio-téléphone était installé dans les bureaux de l'administration centrale du parc et dans les postes des gardes. La majeure partie des premiers crédits disponibles a été affectée à l'amélioration de la route de Cabot, à la construction d'immeubles administratifs et d'entretien et à l'aménagement d'installations destinées à faciliter l'utilisation du nouveau parc pour les visiteurs.
En 1938, lorsque les premières limites du parc avaient été modifiées pour y ajouter la région d'Ingonish, il avait été prévu d'établir de façon permanente l'administration centrale du parc près de la plage Ingonish. Les terres annexées au parc comprenaient non seulement la péninsule de Middlehead qui s'avançait dans la baie d'Ingonish sur près de deux kilomètres, mais aussi une région située à l'ouest qui était une petite section de ce qui avait fait partie, environ 200 ans auparavant, de la colonie française d'Inganiche. Middlehead, avant d'être achetée par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse pour en faire un parc national, avait appartenu à Mme H.C. Corson, femme d'un industriel prospère d'Akron (Ohio). Les Corson l'avaient occupé depuis la fin du XIXe siècle et ils avaient aménagé ce domaine d'été pour pouvoir y élever du bétail. En plus d'une résidence de 17 pièces, la propriété comprenait des emplacements pour une ferme, deux granges, une remise à voitures, un abri à bateaux de six pièces et plusieurs constructions de moindre importance. Leur terrain en bordure de l'océan comprenait l'une des plus belles plages des environs ainsi que la plus grande partie du lac Freshwater.
L'emplacement choisi pour construire l'immeuble de l'administration du parc et la demeure du directeur dominait le lac d'eau douce qui était séparé de l'Atlantique par un large cordon ou « barachois » de galets édifié par la mer. Ces immeubles ont été terminés en 1939. À quelques mètres au sud de la route de Cabot on a construit un centre d'information et d'inscription, et avec sa façade de pierre et son toit de chaume, il donnait un air écossais à l'entrée est du parc. Les installations destinées aux visiteurs n'ont pas été oubliées. On a construit des cabines de bain sur un emplacement qui domine la plage Ingonish et s'étend vers le sud sur plusieurs centaines de mètres depuis Middlehead. L'aménagement d'une plage de sable au lac Freshwater a donné aux visiteurs la chance exceptionnelle de pouvoir se baigner dans l'eau salée et dans l'eau douce, à moins de 183 m de distance. Près de la plage, on a transformé une grande zone découverte en terrain d'athlétisme complet, avec piste ovale, et tout près, on a construit des courts de tennis. Une aire de stationnement et un terrain de pique-nique sont venus compléter le premier programme d'aménagement des environs.
La route de Cabot
La route de Cabot, nommée d'après Jean et Sébastien Cabot, a été construite à l'origine par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Elle commençait et se terminait à Baddeck, sur le lac Bras d'Or, et faisait le tour de la partie nord de l'île du Cap-Breton, permettant de se rendre dans les agglomérations de Pleasant Bay, de Neil Harbour et d'Ingonish. Des inspections de la route effectuées par les agents du parc en 1934 ont révélé que celle-ci, achevée en 1932, ne répondait pas aux normes établies pour les routes des parcs nationaux. Des pentes excessives, qui atteignaient 17 pour 100 à la traversée de la montagne French, constituaient de sérieux obstacles pour les automobilistes craintifs. En 1936, un programme de réfection a été entrepris et poursuivi pendant les quatre années qui suivirent. Les travaux ont entraîné des corrections importantes de la route au cap Rouge et aux montagnes French et MacKenzie, à l'ouest du parc. Une des réalisations majeures a été le remplacement de la montée tortueuse de la montagne French par une nouvelle route en haut de la vallée du ruisseau Jumping. La pente du mont MacKenzie vers Pleasant Bay a été, elle aussi, changée et on a installé un poste d'observation près du sommet. Les modifications apportées à un tronçon de trois kilomètres situé au nord de la limite du parc à Ingonish Beach ont amélioré l'entrée du parc. La révision des limites du parc en 1938 a laissé à l'extérieur du parc des parties de la route situées à Pleasant Bay et près de l'agglomération de Cap Nord; le ministère de la Voirie de la province s'est chargé de leur entretien et de leur amélioration.
Malheureusement, la seconde guerre mondiale a éclaté peu après le début de l'aménagement du nouveau parc et, après 1941, les sommes affectées aux nouveaux travaux ont été très limitées pendant plusieurs années. Des fonds ont toutefois été alloués pour achever certains travaux importants. L'amélioration de la route de Cabot a été immédiatement suivie par l'achèvement du terrain de golf du parc, conçu et réalisé sous contrat par Stanley Thompson, l'un des meilleurs architectes paysagistes du Canada. Bien que Thompson ait commencé et terminé le tracé à Middlehead, un certain nombre de trous ont été placés à l'ouest de la route, en haut de la pittoresque vallée du ruisseau Clyburn. D'origine celte, Thompson a mis l'accent sur le caractère montagneux du parc en donnant des noms écossais à la plupart des 18 trous.
On a déménagé et rénové une grange de l'ancienne propriété Corson afin d'en faire un pavillon temporaire pour le terrain de golf. Abritant un vestiaire, un petit salon et une boutique spécialisée, ce pavillon a été utilisé pendant plus de 30 ans. Bien que le terrain ait été achevé et ouvert aux golfeurs en 1940, son inauguration officielle n'a eu lieu que le 1er juillet 1941. C'est en effet à cette date que l'honorable T.A. Crerar, ministre des Mines et Ressources, et l'honorable A.S. MacMillan, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, ont « officiellement inauguré » le parc. Les cérémonies, qui se sont déroulées à Ingonish Beach, étaient constituées de jeux et de danses des hautes terres d'Écosse, d'un concours de cornemuse et du lancement par Crerar d'une balle de golf du premier tee du terrain.
Développement d'après-guerre
En 1947, on reprend l'aménagement du parc. Le personnel administratif et les gardes du parc avaient dû fournir leur propres logements ou avaient occupé des édifices acquis par le ministère au moment de la création du parc. On érige en 1947, 1949 et 1954 des résidences pour le personnel près du bureau principal du parc, à Ingonish. On achève la construction de nouveaux postes de garde à Ingonish Nord et Big Intervale en 1953, et à l'entrée de Chéticamp en 1959. L'érection d'un entrepôt, en 1942. sert de point de départ à l'aménagement d'une aire d'ateliers à Ingonish Beach, à laquelle viendront s'ajouter en 1947 un garage, en 1952 un commerce, en 1956 un nouvel entrepôt, un 1963 une remise pour le matériel des gardes, et en 1966, des magasins. En 1941, on aménage une aire d'ateliers près de l'entrée de Chéticamp, en utilisant des bâtiments laissés en place par un entrepreneur de voirie. On remplacera ces constructions par un nouvel entrepôt en 1953, un garage pour les véhicules en 1957, et des remises pour le matériel en 1961. À la suite de nombreuses demandes de renseignements des visiteurs à l'entrée ouest du parc, à Chéticamp, on construit, en 1954, un bureau d'accueil et de renseignements près de la route de Cabot.
L'administration du parc fournit également de l'aide aux services auxiliaires essentiels à l'intérêt du public. En 1949, on construit à Ingonish Beach un immeuble destiné aux détachements de la Gendarmerie royale du Canada. En 1953, le parc cède un emplacement, à l'intérieur de ses limites, près de Neil Harbour, pour la construction d'un hôpital communautaire. L'installation d'une petite centrale permet d'alimenter le bureau principal du parc en électricité. L'année suivante, la Commission d'énergie de la Nouvelle-Écosse installe une centrale diesel près du complexe du parc à Ingonish. En 1950, la commission est autorisée à étendre ses lignes électriques à travers le parc pour desservir les collectivités situées près de Dingwall et, plus tard, de Pleasant Bay. En 1959, les lignes de Belle Marche sont prolongées jusqu'au terrain de camping de Chéticamp. En 1960, la Commission d'énergie de la Nouvelle-Écosse raccorde ses lignes situées dans la partie orientale du parc au réseau électrique provincial, ce qui lui permet de fermer la centrale d'Ingonish Beach. Cette dernière sera cependant conservée pendant quelques années comme centrale de réserve.
Pendant plusieurs années, le bureau principal du parc, le terrain de camping d'Ingonish Beach et le Keltic Lodge étaient alimentés en eau grâce à des puits, dont le plus grand était situé à côté du terrain de golf. Une demande croissante, notamment de la part du Keltic Lodge, conduit à l'aménagement d'une nouvelle source d'approvisionnement aux lacs Cann et MacDougall, situés à environ trois kilomètres au nord-ouest du bureau principal du parc. Un système d'alimentation en eau par gravité, que complètent deux grands réservoirs en mer-rain, entre en service en 1948. Comme la réserve des lacs diminue considérablement lorsque les précipitations sont faibles on entreprend, en 1964, une étude pour trouver une meilleure source d'approvisionnement. On choisit le ruisseau Clyburn où, dès 1969, sera installé un nouveau système dont le coût s'élève à 400 000 $. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, conformément à une entente visant à répondre aux besoins du Keltic Lodge, assume une partie des frais de cette installation.
Amélioration des routes
Après la guerre, l'amélioration des routes commence, en 1946, par la construction d'une nouvelle voie d'accès de la route de Cabot au Keltic Lodge, dans la péninsule de Middlehead. La même année, la construction d'une route de gravier permet l'accès au lac Warren, situé à l'ouest d'Ingonish Nord, qui jouit de la faveur des pêcheurs et des pique-niqueurs. On entreprend, en 1948, un vaste projet comprenant la reconstruction de 18 km de la route de Cabot, entre Ingonish Nord et Neil Harbour. La nouvelle route, qui est achevée en 1949, est construite aussi près que possible de l'océan, ce qui lui permet d'offrir aux automobilistes de nouvelles perspectives sur l'Atlantique et sa côte pittoresque. Elle permettra aussi quelques années plus tard, d'aménager d'agréables terrains de pique-nique et de camping à l'anse Black Brook et à l'anse Broad. Le programme de réfection de la route, qui est achevé en 1951, a contribué à améliorer considérablement la route de Cabot entre Neil Harbour et le ruisseau Effies, entre Big Intervale et Pleasant Bay en franchissant le mont North et sur un tronçon situé dans la vallée du ruisseau Jumping. En 1954 et 1955, on asphalte le tronçon menant d'Ingonish au ruisseau Effies.
La route de Cabot est de nouveau améliorée en 1956 dans le cadre du National Park Trunk Highway Program (programme relatif aux grandes routes des parcs nationaux). Cette phase de la reconstruction comporte une importante déviation dans la partie ouest du parc, partant d'un endroit situé près de la source du ruisseau Jumping et se prolongeant jusqu'à la rivière Fishing Cove, ce qui permet d'éviter un parcours sinueux sur le plateau du mont French. En 1961, la route qui part de la limite ouest du parc, située à la rivière Chéticamp, et conduit à Big Intervale en passant par Pleasant Bay, est reconstruite et asphaltée. Le programme s'achève en 1962 par l'élargissement et le nouvel asphaltage de certaines parties de la route entre le ruisseau Effies et Neil Harbour.
Hébergement des visiteurs
Lorsque le parc a été créé, les installations d'hébergement se limitaient à quelques petits hôtels et pensions situés dans les localités voisines. Les démarches entreprises par la Direction des parcs nationaux et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse en vue d'inciter l'entreprise privée à construire un hôtel dans la région d'Ingonish n'ont pas abouti. À la suite d'entretiens et d'un échange de lettres, le gouvernement provincial a accepté d'aménager des installations d'hébergement dans la péninsule de Middlehead, à condition que le gouvernement fédéral accorde un bail pour l'emplacement et qu'un approvisionnement suffisant en eau douce soit assuré. L'offre est acceptée et on commence, en 1940, l'aménagement de l'hôtel appelé aujourd'hui Keltic Lodge. L'ancienne résidence Corson est transformée de façon à pouvoir abriter les bureaux de l'administration, un salon, une salle à manger et une cuisine. Les visiteurs sont logés dans de petits chalets pratiques de quatre et huit pièces, pourvus d'un chauffage central. Les premières unités sont mises à la disposition du public en juillet 1940, et d'autres chalets sont construits en 1941 et au cours des années qui suivent.
L'augmentation de la clientèle de l'hôtel incite la province à démolir l'ancien édifice central pour le remplacer, en 1952, par un immeuble moderne de trois étages comprenant une vaste salle à manger, un salon, une boutique de cadeaux et 32 chambres à coucher. En 1948, la direction de l'hôtel ajoute à ses installations un grand centre récréatif destiné à ses clients et, en 1963, une piscine extérieure et un vestiaire pour les baigneurs situés du côté nord de l'hôtel. En 1968, la construction d'un grand motel, conçu pour rester ouvert pendant l'hiver, permet d'accueillir encore plus de visiteurs. En 1970, on inaugure un nouvel immeuble comprenant un café et une boutique de cadeaux; dans l'hôtel, l'emplacement de l'ancien café est transformé pour faire place à un bar-salon.
Le parc des Hautes-Terres-du-Cap-Breton a fait partie du programme du Service des parcs nationaux, visant à doter trois des parcs de la région de l'Atlantique de chalets à prix modique. En 1950, on accorde un contrat pour la construction des dix premières unités d'un ensemble de chalets. L'année suivante, on y ajoute 15 autres unités ainsi qu'un immeuble central pour l'administration, comprenant un casse-croûte et un petit magasin. Enfin, en 1952, on termine l'installation du camp en y construisant un petit bâtiment qui contient des armoires réfrigérées destinées aux visiteurs. Le camp est entièrement loué à des concessionnaires par voie d'adjudication publique. Par la suite, les bâtiments seront vendus au concessionnaire qui avait obtenu un bail pour l'emplacement surplombant le lac Freshwater à Ingonish Beach. Peu à peu l'entreprise privée construit de nouvelles installations à Ingonish Beach, Ingonish Centre, Ingonish Nord et Chéticamp. Il s'agit dans la plupart des cas de motels ou de cabines auxquels s'ajoutent parfois un restaurant et une boutique de souvenirs.
Aménagement des terrains de camping
À l'instar des autres parcs des provinces de l'Atlantique, celui des Hautes-Terres-du-Cap-Breton a profité de l'essor phénoménal du camping. Les quatre principaux terrains de camping du parc doivent surtout leur popularité à leur emplacement au bord de l'océan. Le premier terrain de camping est aménagé à Ingonish Beach en 1939, sur un camp qui avait servi dans le cadre du programme national de sylviculture. Les premiers bâtiments qui y avaient été construits étaient un abri-cuisine et des installations sanitaires de base. Pendant la seconde guerre mondiale, le terrain de camping a été peu fréquenté, mais l'accroissement du nombre de visiteurs au cours de l'après-guerre a nécessité son agrandissement. En 1948, on y installe une canalisation d'eau qui est raccordée au conduit principal du bureau central du parc. Le terrain de camping est agrandi en 1951 et la nouvelle aire est ouverte au public en 1952. En 1953, 1957 et 1958, on érige de nouveaux abris-cuisines, et en 1952, 1958 et 1960, on construit des installations comprenant à la fois des toilettes et une buanderie. L'agrandissement de l'emplacement nécessite le prolongement de la canalisation d'eau en 1957. On améliore, en 1961, l'évacuation des eaux vannées en construisant un bassin pour les eaux usées.
Du côté ouest du parc, un petit terrain de camping avait été aménagé près de l'embouchure de la rivière Chéticamp en 1941. On y érige, en 1951, un nouvel abri-cuisine et deux installations sanitaires. Dès 1955, il devient nécessaire d'ouvrir un nouveau terrain de camping, et on arpente une aire propice la même année. L'aménagement de l'emplacement est entrepris en 1956 et, l'année suivante, trois abris-cuisines et deux bâtiments comprenant à la fois des toilettes et une buanderie sont construits. Le ruisseau Robert, situé à proximité, constitue une source amplement suffisante d'approvisionnement en eau. De 1959 à 1966, on construit sur le terrain de camping plusieurs nouveaux édifices utilitaires, quatre grands abris-cuisines, ainsi qu'un nouveau poste de contrôle, et on y installe l'eau, l'électricité et un système d'égout. Pendant cette période, on aménage également une aire pour les remorques, à laquelle 38 espaces viendront s'ajouter en 1966. L'utilisation croissante de la route de Cabot incite l'administration du parc à agrandir le terrain de camping de Chéticamp. En 1968, des travaux d'agrandissement sont entrepris à l'ouest de la route, le long de la rivière Chéticamp. Le nouvel emplacement est conçu de façon à pouvoir installer 116 tentes de plus. Dès septembre 1970, tous les bâtiments utilitaires sont achevés, une nouvelle route en provenance de la route de Cabot est construite et asphaltée et un passage surélevé est installé pour les piétons. La nouvelle partie du terrain de camping est ouverte au public en 1971.
Dès 1958, les agents de la Direction des parcs nationaux s'étaient rendu compte qu'il fallait aménager plus de terrains de camping dans le parc. Les statistiques révélaient que l'utilisation de l'espace disponible par les campeurs avait augmenté de plus de 250 pour 100 par rapport à 1956. C'est pourquoi, en décembre 1958, on arpente un emplacement de huit hectares situé à l'anse Broad, à environ cinq kilomètres au nord-est d'Ingonish Nord, afin d'y organiser un terrain de camping. Les travaux sont entrepris en janvier 1959 et, dès juin 1963, on peut ouvrir la première partie du terrain de camping. Ce dernier, qui comprend de nombreuses améliorations, notamment parce qu'il est pourvu d'électricité, d'eau et d'un système d'égout, accueille 17 556 campeurs au cours de sa première saison. En 1966, 34 espaces ou emplacements équipés sont disponibles dans l'aire réservée aux remorques. En 1967, on y ajoute 34 emplacements pour des tentes. Peu de temps après son ouverture, ce terrain de camping a été durement touché par une tempête qui s'est abattue sur la région en décembre 1963. Plusieurs édifices ont été endommagés et un grand nombre d'arbres, principalement des épinettes, ont été déracinés.
En 1963, on ouvre un autre grand terrain de camping au ruisseau Black, sur la route de Cabot. Un petit terrain de camping et de pique-nique avait été progressivement installé dans les environs, en face d'une magnifique plage sablonneuse. Le terrain nouvellement aménagé, qui offre plus de 80 emplacements de camping au sud du ruisseau Black, est ouvert le 15 juillet 1966. On y trouve, entre autres, quatre bâtiments abritant à la fois des cuisines et des toilettes, une canalisation d'eau et un système d'égout, ainsi qu'un petit pavillon ou kiosque pour les inscriptions. En juillet 1968, les campeurs disposent de 105 nouveaux emplacements individuels. Un prolongement de ce terrain de camping sur la côte ouest de la route de Cabot est aménagé en 1969. L'emplacement initial sur la plage, au nord du ruisseau Black, est réservé à l'utilisation diurne.
D'autres terrains de camping, aménagés d'une façon plus modeste, sont mis à la disposition du public au ruisseau Corney dans le golfe Saint-Laurent, en 1951, au ruisseau Macintosh dans la vallée de la rivière Grande Anse, en 1957, et à Big Intervale dans la partie supérieure de la vallée de la rivière North Aspy, en 1951. On aménage également, aux endroits propices le long de la route de Cabot, des aires d'utilisation diurne, qui comprennent des terrains de stationnement et de pique-nique, des terrains de jeu pour les enfants et, à certains endroits, des installations de natation.
Le « Lone Shieling »
Un des endroits de pique-nique les plus intéressants du parc le long de la route de Cabot est le « Lone Shieling » (pâturage solitaire), qui se trouve à environ six kilomètres à l'est de Pleasant Bay. À cet endroit, situé dans la vallée de la rivière Grande Anse, la Direction de parcs nationaux a érigé, en 1942, une réplique du genre d'abri qu'utilisent les fermiers des hautes terres d'Écosse lorsqu'ils font paître leur troupeau en été. L'abri, connu sous le nom de « bothan » est construit en maçonnerie grossière, recouvert d'un toit de chaume, et possède un foyer installé sur le sol. Aux installations d'hébergement qu'il offre sont ajoutés des tables, des bancs, ainsi que des toilettes et une source d'approvisionnement en eau située à l'extérieur du bâtiment.
En 1947, le « Lone Shieling » est inauguré officiellement au cours d'une cérémonie à laquelle participent le premier ministre Angus Macdonald de la Nouvelle-Écosse et le chef héréditaire du clan MacLeod de l'île de Skye, en Écosse, Mme Flora MacLeod. Cette dernière dévoile une plaque à la mémoire de D.S. Macintosh, originaire de Pleasant Bay, qui avait fait don de 40 ha de terrain au gouvernement de la Nouvelle-Écosse pour que celui-ci en fasse un parc. M. Macintosh avait exprimé le souhait que ce lieu devienne un pâturage. Une partie de l'inscription rédigée sur la plaque, qui est tirée d'un poème de John Galt, rappelle l'origine d'un grand nombre des premiers colons de l'île du Cap-Breton :
Des prés et des brouillards de l'île,
Les montagnes et l'immensité de la mer[nous séparent.Mais le cri du sang est fort, notre coeur[est l'ÉcosseEt nos rêves toujours nous ramènent[aux Hébrides
Repeuplement de la faune
Autrefois, la région qu'occupe le parc était peuplée par une faune abondante, composée notamment d'orignaux et de caribous des bois. Toutefois, un massacre aveugle a détruit cette importante ressource naturelle et, bien avant la création du parc, ces espèces avaient disparu. En juin 1947, on fait une tentative en vue de reconstituer la population d'orignaux dans le parc en transportant par chemin de fer huit bêtes du parc national de Elk Island, en Alberta, jusqu'à l'île du Cap-Breton. Les animaux sont remis en liberté dans le parc à la mi-août. En juin de l'année suivante, on amène du même endroit, dix orignaux, cinq mâles et cinq femelles, qui sont transportés de la gare de Bras d'Or jusqu'au parc, où ils sont relâchés dans la vallée du ruisseau Roper.
En 1965, on entreprend une seconde expérience en vue de rétablir la population animale. Un spécialiste en mammalogie du Service canadien de la faune commence à examiner les territoires du parc afin de trouver un endroit propice pour le repeuplement du caribou des bois, espèce qui avait disparu du Cap-Breton depuis 40 ans. On découvre un territoire approprié et, en mars 1938, on amène par avion 18 caribous du parc provincial des Laurentides, au Québec, jusqu'à Sydney, d'où ils sont ensuite transportés jusqu'au parc pour être remis en liberté. L'expérience est répétée en mars 1969, toujours avec la collaboration du ministère québécois du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Un troupeau de 40 caribous, capturés à 241 km au nord-ouest de Sept-Îles, sont transportés par avion jusqu'à Sydney pour être plus tard relâchés dans le parc. Les deux expériences ont été couronnées de succès et, dans le cas des caribous, on a observé de nombreuses naissances au cours de l'année qui a suivi l'arrivée du troupeau dans le parc.
Sports d'hiver
Bien que le parc des Hautes-Terres-du-Cap-Breton soit surtout fréquenté pendant l'été, il possède également de nombreux attraits en hiver. La décision prise par les gouvernements fédéral et provincial de poursuivre les programmes d'entretien des routes durant l'hiver a incité des clubs de ski à proposer que l'on ouvre des pistes à l'intention du public. En 1961, le Service des parcs nationaux parraine une étude sur les emplacements se prêtant au ski dans le parc, qui est menée par un expert du personnel technique à Ottawa, Franz Baier. Une autre étude, entreprise en 1967 par une société de recherche de Montréal, confirme qu'un emplacement situé sur le mont South au nord-ouest de Neil Harbour, est celui qui convient le mieux à l'installation de pistes. En octobre 1968, on fait un appel d'offres pour l'installation d'un remonte-pente et d'un pavillon ouvert le jour dans la région, mais on ne reçoit aucune réponse. Les désirs des skieurs seront toutefois exaucés par un groupe de sportifs, constitué en société sous le nom de Cape Smokey Development Corporation Limited (Société d'aménagement du cap Smokey limitée), qui déblaiera une pente et installera un télésiège sur le versant nord du cap Smokey, de l'autre côté du port d'Ingonish Beach, en 1970. Les installations comprennent un grand pavillon qui contient des vestiaires, une boutique de ski, une cantine et une salle à manger avec bar.
Projet d'agrandissement du parc
L'utilisation sans cesse croissante du parc ainsi que les résultats d'études relatives à son expansion future ont fait ressortir, au milieu des années 60, le besoin d'aménager de nouvelles terres à des fins récréatives. En raison de la popularité de la principale plage, Ingonish, endommagée au cours de certaines années par les tempêtes, on a proposé d'acquérir les plages qui longent la baie Ingonish Nord. Dès 1972, des ententes ont été conclues avec plusieurs propriétaires, et 17 ha de terres de premier choix en bordure de l'eau ont été cédés. Entre temps, des négociations se poursuivaient en vue d'acquérir d'autres terrains.
En juin 1970, au cours d'une audience publique à Sydney, en Nouvelle-Écosse, on a révélé un plan d'ensemble pour l'aménagement futur du parc. L'objectif principal était de faire connaître au public les propositions d'aménagement et de susciter ses commentaires sur leur pertinence. Le plan attirait l'attention sur la possibilité d'inclure dans le parc national 207 km2 situés dans le comté d'Inverness, qui avaient été exclus du parc en 1938. La possibilité d'agrandir le parc de façon qu'il comprenne de nouveau cette région spectaculaire est encore à l'étude, parce que cette mesure exigerait la participation des gouvernements provincial et fédéral. On prévoit de continuer à entreprendre dans la région des études qui serviront de base à l'élaboration d'une politique pour l'avenir.
Références
1. Arrêté en conseil C.P. 901, 10 juin 1926.
2. Dossier C.B.H. 2, vol. I, de la Direction des parcs nationaux, 27 juin 1931.
3. Halifax Herald, 5 avril 1934.
4. Dossier C.B.H. 2, vol. I, de la Direction des parcs nationaux.
5. Cautley, R.W., Rapport sur l'examen des emplacements pour la création d'un parc national dans la province de la Nouvelle-Écosse, décembre 1934, bibliothèque du ministère des Affaires indiennes et du Nord, Ottawa.
6. Dossier C.B.H. 2, vol. I, de la Direction des parcs nationaux, 14 février 1935.
7. Statuts de la Nouvelle-Écosse, 25-26 George V, chapitre II, 1935.
8. Statuts du Canada, I Edouard VIII, chapitre 43, 1936.
9. Statuts du Canada, I George VI, chapitre 35, 1937.
10. Statuts du Canada, 4-5 Elizabeth II, chapitre 31, 1956.
11. Statuts du Canada, 7 Elizabeth II, chapitre 8, 1958.
12. Bourinot, J.G., Cape Breton and its Memorials, W. Foster Brown, Montréal, 1892.
13. Ibid.
Le parc national de l'Île-du-Prince-Edouard
Créé en 1937, le parc national de l'Île-du-Prince-Édouard met une région insolite mais toutefois intéressante à l'usage des Canadiens. Bordé d'un littoral qui s'étend sur près de 40 km sur la côte septentrionale de l'île, il renferme quelques-unes des plus belles plages du Canada. Ces plages rosées et lisses, que viennent battre les brisants, permettent aux vacanciers de se baigner dans des eaux plus chaudes qu'en bien des endroits plus méridionaux de la côte Atlantique. Vers l'intérieur de l'île, les dunes de sable et les falaises de grès rouge s'élèvent à des hauteurs considérables. Des baies ou ports profonds divisent le parc en trois régions principales qui donnent toutes sur le golfe Saint-Laurent. Dans les régions de Cavendish et de Stanhope, le parc, qui s'éloigne quelque peu de la mer vers le sud, donne un aperçu des paysages champêtres qui ont valu à la province le titre de « Jardin du golfe ».
L'intérêt du public pour la création d'un parc national dans l'Île-du-Prince-Édouard se manifeste pour la première fois en 1923 lorsque le député de Queens, D.A. Mackinnon, écrit au Commissaire des parcs nationaux pour attirer son attention sur les avantages que présenterait un parc dans la province. Bien que cette proposition reçoive un accueil favorable, l'insuffisance des fonds affectés à la Direction des parcs nationaux retarde toute initiative en ce sens. En 1930, le juge A.E. Arsenault, président de la Province Publicity Association (Association de promotion provinciale) reprend la proposition, avec l'appui du député de Prince, A.C. MacLean. Le ministre de l'Intérieur, Charles Stewart, s'adresse à MacLean en ces termes : « Nous espérons qu'à l'avenir chaque province aura son parc national et nous ne voyons pas pourquoi l'Île-du-Prince-Édouard ne pourrait bénéficier de cette mesure si les administrations sont disposées à céder des terres non hypothéquées. »1
Au cours des quelques années qui suivent, on entreprend des négociations en vue de l'établissement de parcs nationaux en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick, et ces démarches suscitent une nouvelle proposition en faveur de l'aménagement d'un parc à l'Île-du-Prince-Édouard. Au mois de février 1936, le premier ministre, Thane Campbell, informe le ministre des Transports, C.D. Howe, que son cabinet a envisagé les mesures nécessaires à la création d'un parc national dans la province au cours de l'année suivante.2 À la suite d'un échange de lettres entre le premier ministre, Campbell, et le ministre de l'Intérieur, l'honorable T.A. Crerar, il est convenu, à la fin de mars, que des fonds seront affectés au budget du ministère de l'Intérieur en vue de l'établissement du parc. L'entente prévoit également que des fonctionnaires du ministère visiteront les emplacements qui conviennent à l'aménagement d'un parc et, en admettant qu'un terrain soit disponible dans la région de Dalvay by the Sea, le gouvernement fédéral fournira les fonds nécessaires aux travaux d'amélioration à apporter à la propriété de Dalvay.3 Par ailleurs, le programme législatif de la province de 1936 comporte une loi prévoyant le droit d'exproprier les terrains requis pour l'établissement d'un parc national. De son côté, le gouvernement fédéral présente au Parlement un projet de loi qui autorisera la création d'un parc national lorsque l'administration provinciale aura fourni les titres de propriété de terrains se prêtant à cette fin.
Visite des lieux
Il était convenu qu'une équipe d'inspecteurs composée du sous-commissaire des parcs nationaux, F.H.H. Williamson, et du chef du Service d'architecture et d'aménagement paysager des parcs nationaux, W.D. Cromarty, visiterait plus de 22 emplacements différents en juin 1936. Le rapport de l'équipe, qui a été terminé en juillet, souligna l'avantage d'inclure dans le parc quelques-unes des magnifiques plages qui font la renommée de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est pourquoi il recommanda l'inclusion de près de 40 km de littoral s'étendant de la baie New London à l'ouest jusqu'à la baie Tracadie à l'est. Il préconise également d'englober dans le parc les terres de la région de Cavendish entourant la ferme de Green Gables que les romans de Lucy Montgomery, ont rendu célèbre, l'île Rustico ou Robinson, une partie de la pointe Brackley ainsi qu'une région située aux abords de Tracadie, qui comprendrait le lieu célèbre de Dalvay by the Sea.4 Les inspecteurs n'ignorent pas, en faisant ces recommandations, que le futur parc sera entièrement différent des parcs touristiques plus importants de l'Ouest canadien. Ils insistent sur le fait que l'attrait principal de l'emplacement proposé réside dans ses magnifiques plages et qu'il faudra, dans l'aménagement d'un parc situé au bord de la mer, accorder une place prédominante aux activités récréatives.
Après avoir examiné le rapport des inspecteurs, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard approuve, par l'intermédiaire du conseil exécutif, les recommandations qui y sont faites, à l'exception de celle qui prévoit l'inclusion de la région entourant Dalvay by the Sea. Les agents des parcs nationaux, quant à eux, n'ont pas l'intention de céder sur ce point. Des représentants de la province et un membre de l'équipe des inspecteurs se réunissent en toute hâte à Charlottetown et un secteur est choisi dans la région de Dalvay-Stanhope, qui comprend notamment les terres entourant Dalvay.
Création du parc
La constitution des divers secteurs du parc ayant été approuvée d'un commun accord, des mesures sont prises en vue de procéder à un arpentage légal destiné à établir les limites du parc. L'arpentage est obligatoire car il vise à fournir des descriptions satisfaisantes tant pour l'acquisition des terrains nécessaires que pour la cession des titres de propriété au gouvernement fédéral. Il est effectué en novembre 1936 par R.W. Cautley, A.F., d'Ottawa. Les plans sont ensuite déposés au bureau du registraire des actes à Charlottetown et la province de l'Ile-du-Prince-Édouard cède au gouvernement fédéral les titres de propriété de la superficie autorisée par le lieutenant-gouverneur en conseil. Le nouveau parc, qui comprend environ 20 km2, est créé officiellement par une proclamation publiée dans la Gazette du Canada du 24 avril 1937, aux termes de la Loi sur les parcs nationaux de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard passée en 1936.5
Une grande partie de la superficie choisie pour l'emplacement du parc national se compose d'anciennes colonies et la plupart des propriétaires de ces terres descendent directement des premiers colons. Nombre de ces propriétaires refusent de céder des parties de leurs exploitations agricoles et la province doit avoir recours à l'expropriation pour que le gouvernement fédéral puisse entrer rapidement en possession des terrains. Lorsque des bâtiments sont construits sur les terrains acquis, le gouvernement provincial permet presque toujours aux propriétaires de les installer ailleurs. Par rapport aux critères actuels, les indemnités versées paraissent modestes, mais en 1937 les valeurs foncières ne représentent qu'une fraction de celles qui auront cours trois décennies plus tard. La plupart des ententes prévoient le versement de 50 $ par acre de terre agricole cultivée et de 6 $ par acre (0,40 ha) de terrain constitué de dunes. À la demande de la province, les limites du parc sont modifiées en 1938, par le retrait de cinq lopins de terre. Plusieurs de ces changements, autorisés en vertu de la loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux de 1938, visent à apaiser les agriculteurs qui s'opposent au déplacement de leurs bâtiments de ferme. En outre, la loi attribue officiellement au parc le nom de « parc national de l'Île-du-Prince-Édouard » et en réduit la superficie à 18 km2.7
Historique
L'histoire de l'île du Prince-Edouard remonte au XVIe siècle. Au cours de son premier voyage en 1534, Jacques Cartier navigue le long des côtes septentrionales de l'île et y aborde à quelques reprises en chaloupe. Le 30 juin de la même année, il rapporte dans son journal quelques-unes de ses impressions. « Toute la côte est basse et plate, mais c'est la plus belle région que l'on puisse voir; elle est couverte d'arbres et de prés magnifiques ... Le rivage est bas et bordé de bancs de sable et l'eau est peu profonde ».8 Les Indiens Micmacs, qui sont les premiers habitants connus de l'île, l'avaient surnommée « Epagwit », ce qui signifie « reposant sur les vagues ».9 Ce nom indien se retrouve également sous l'orthographe de « Abegweit ». par la suite, des émigrants français, et plus tard des Acadiens, viennent s'établir dans l'île.
Avant la capitulation de Louisbourg en 1758, l'île Saint-Jean, comme on l'appelle alors, compte une population de plus de 4500 habitants. La plupart des résidants français sont déportés par les Britanniques au cours des deux années qui suivent, mais quelques familles acadiennes restent aux abords de Malpèque, de Rustico et de la baie Rollo. Cédée à l'Angleterre par la France en 1763, l'île portera le nom de St. John jusqu'en 1799, date à laquelle elle est nommée île du Prince-Edouard en l'honneur du duc de Kent, père de la reine Victoria. En 1765, le capitaine Samuel Holland divise toute l'île en comtés et en lots et l'immigration britannique commence. Les immigrants s'installent à Covehead vers 1770, puis à New London, Stanhope et Rustico. Bon nombre de caractéristiques et d'endroits de l'île figurent sur la carte établie par Holland. Rustico doit son nom à l'un des premiers colons français, René Ressitco, d'Avranches en Normandie.10 Cavendish est ainsi nommé par William Winter, qui était à la fois officier de l'armée et colon, en l'honneur de son commandant, le maréchal Lord Frederick Cavendish. Brackley porte le nom d'un de ses premiers résidants arrivé en 1770, et Stanhope honore la mémoire de William Stanhope, vicomte de Petersham.11
Dès le tout début de la colonisation, de nombreux habitants vivaient de l'agriculture et de la pêche dans les eaux du golfe Saint-Laurent qui leur fournissaient du poisson en abondance. Les ports des villages pittoresques bordant les baies et les criques de l'île continuent d'abriter des flottilles de pêche. Il est arrivé que des tempêtes fassent périr de nombreux pêcheurs intrépides et la terrible Yankee gale qui sévit les 3 et 4 octobre 1851 est restée longtemps dans la mémoire des pêcheurs. Environ 70 bateaux de pêche surpris par le déchaînement de la tempête firent naufrage dans le golfe. Un grand nombre de corps furent rejetés sur le rivage et enterrés dans un petit cimetière, qui se trouve aujourd'hui dans les limites du parc, près de Stanhope.
Des naufrages se sont également produits le long de la côte. L'un des plus fameux fut celui du célèbre « Marco Polo » qui a sombré au large du cap de Cavendish en août 1883. Construit en 1851 à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, pour le commerce du bois de charpente, le Marco Polo fut vendu en Angleterre et transformé pour le transport de passagers et de marchandises vers l'Australie. Lors de son premier voyage à Melbourne, il établit un nouveau record, prodigieux à l'époque, de 76 jours pour chacun des voyages d'aller et de retour. Il connut une fin tragique après 32 années de service lorsque, transportant une lourde cargaison de bois, il fut surpris par une tempête au mois d'août.12
Premiers travaux d'aménagement
L'aménagement du nouveau parc commence en 1937. Un contremaître des travaux est nommé, les bureaux de l'administration sont installés à Dalvay House et un programme restreint de travaux est entrepris. On effectue des réparations à l'extérieur de Dalvay House et on commence à construire une route partant de la limite orientale du parc près de Dalvay House et longeant la côte jusqu'à l'anse Covehead; on érige des clôtures sur plusieurs kilomètres et on entreprend la construction de cabines de bain sur les plages de Dalvay et de Cavendish. Des agents du Bureau des parcs nationaux à Ottawa et un ingénieur du ministère assurent la surveillance du parc. En 1938, E.A. Smith est nommé directeur permanent du parc. Une demeure, située sur la propriété de Dalvay House et occupée à l'origine par un garde, est rénovée et devient la résidence du directeur en 1939. Une aire d'ateliers composée de remises et d'un garage est établie en 1939 dans la partie du parc comprenant la région de Dalvay. La plage de Brackley est reliée au parc par une route. Des terrains de camping sauvage munis d'abris sont aménagés sur les plages de Dalvay, Brackley et Cavendish. On répare également la maison de la ferme Green Gables à Cavendish et on entreprend un vaste programme d'aménagement paysager dans les régions qui ont été améliorées.
Les plans d'aménagement du parc comprennent l'installation d'un terrain de golf de 18 trous dans la région de Cavendish. Les travaux sont confiés sous contrat à un architecte paysagiste renommé, Stanley Thompson, qui dessine et aménage le terrain de golf de Green Gables. Le parcours s'étend des dunes bordant la mer jusqu'aux limites méridionales du parc. Thompson a tiré le meilleur parti possible du terrain onduleux que traverse un ruisseau sinueux, et il a donné à de nombreux trous le nom de personnages ou de lieux décrits dans les romans de Lucy Maud Montgomery. C'est ainsi que le souvenir d'Anne Shirley, Matthews's Field, Haunted Wood, Shining Waters et Avonlea s'est perpétué. Les neuf premiers trous sont prêts à accueillir les golfeurs en juillet 1939 et les neuf autres en août 1940. La construction d'un chalet, comprenant un salon, des armoires fermant à clé, des douches et des toilettes, est entreprise en 1939 et terminée en 1940. Des courts de tennis destinés au public sont aménagés à Dalvay House en 1940, et à Green Gables ainsi qu'à la plage de Brackley en 1949. Un boulingrin est installé sur la pelouse de Dalvay House en 1947.
Dalvay by the Sea
Mieux connue sous le nom de Dalvay House, Dalvay by the Sea devait devenir, au cours des années une source tant d'avantages que d'inconvénients pour le Service des parcs nationaux. Elle constitue un magnifique exemple des grandes résidences d'été bâties par de riches citoyens à une époque où les coûts du terrain et de la construction étaient relativement bas et où l'impôt sur le revenu n'existait pas. Un directeur de la Standard Oil. Alexander MacDonald, qui était originaire de Cincinnati, a acquis le terrain en 1895 et y a fait construire en 1896 la partie initiale du bâtiment. MacDonald a acheté la propriété à la suite d'une visite qu'il avait faite dans la région de Tracadie où il avait séjourné à l'hôtel Acadian, disparu depuis longtemps. En 1909, il a fait ajouter au bâtiment une autre partie qui comprend le salon actuel.
Les MacDonald ont occupé leur résidence d'été au cours des 15 années qui ont suivi sa construction, et ils y ont donné de nombreuses réceptions. Une partie de la propriété, couvrant une superficie d'environ 65 ha, était consacrée à l'agriculture, et les bâtiments de la ferme comprenaient une maison occupée par un garde, une grange, une écurie, un poulailler et des remises, et même un jeu de quilles. Après la mort de MacDonald en 1910, les séjours annuels à la résidence d'été s'espacent et cessent complètement en 1915 après la visite d'une de ses petites-filles, la princesse Rosspigliosi venue d'Italie avec sa famille.13
L'ancien garde, William Hughes, acquiert ensuite la propriété et la revend peu après à William O'Brien, de Montréal. En 1932, le capitaine Edward Dicks l'achète à son tour et l'exploite en tant qu'auberge d'été pendant quelques années. Bien que Dicks ait aménagé un terrain de golf de neuf trous sur la propriété et dépensé des sommes importantes pour acheter des meubles et améliorer les installations, l'opération ne s'avère pas rentable. Les bâtiments et le terrain sont ensuite achetés par l'honorable Georges DeBlois, originaire de Charlottetown, qui possède une propriété dans les environs. En 1937, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard acquiert les titres de propriété des bâtiments et des terrains avoisinants en vue de les inclure dans le parc national. Aux termes d'une entente antérieure, le gouvernement fédéral rembourse à la province le coût réel de la résidence et des bâtiments annexes, soit un montant de 15 000 $.14
Avant l'obtention des titres de propriété de Dalvay House, les fonctionnaires du Service des parcs nationaux espéraient inciter les Chemins de fer nationaux du Canada à l'exploiter en tant qu'auberge d'été. Le ministère des Transports entame les négociations avec la compagnie de chemins de fer au début de 1937, mais après une inspection minutieuse, le directeur général de la chaîne d'hôtels de la compagnie, Joseph Van Wyck, rejette la proposition car il estime que l'immeuble est trop vieux et trop petit pour permettre une exploitation rentable.15 En 1940, la North Shore Hotels Company Limited, qui gère également le Stanhope Beach Inn, loue la résidence, à l'exception des locaux occupés par les bureaux de l'administration du parc. En 1947, le personnel administratif et le directeur du parc emménagent dans des bureaux installés dans la résidence de ce dernier et Dalvay House est loué à Wendell Worth de Charlottetown. Worth exploite l'hôtel de 1947 jusqu'à la fin de la saison touristique de 1958, peu de temps avant son décès au début de 1959. Raoul Reymond, de Charlottetown, loue la propriété en mai 1959, à la suite d'une adjudication publique. Reymond avait acheté le Stanhope Beach Inn en 1948 et possédait donc une vaste expérience dans le domaine de l'hôtellerie.
Au cours des ans, l'entretien de la propriété nécessite de nombreux travaux de réparation et d'amélioration. Certaines réparations, comme celles de la cuisine et de la plomberie, sont entreprises par les locataires, mais une grande partie des travaux ont été exécutés sur l'ordre du directeur du parc. Les améliorations comprennent la construction d'une nouvelle aile pour la cuisine, l'agrandissement de la salle à manger principale, l'aménagement d'installations importantes de plomberie et de salles de bain, la reconstruction des vérandas et de la porte cochère. le remplacement des toits et l'installation d'appareils pour la prévention des incendies. De plus, les concessionnaires successifs ont dépensé d'importantes sommes pour l'achat de meubles. Bien que le total des frais d'entretien et de rénovation dépasse de beaucoup le coût initial de la propriété, on a estimé qu'il était souhaitable de conserver l'immeuble parce qu'il est situé à la limite orientale du parc, qu'il constitue un vestige intéressant de l'architecture et de la richesse de l'époque victorienne, et par-dessus tout, parce qu'il fournit aux visiteurs du parc un précieux service d'hébergement.
Green Gables
Bien avant de faire partie du parc national, Green Gables était devenu un centre d'intérêt dans la région de Cavendish. La ferme, dont la construction remonterait environ au milieu de la décennie de 1850, est liée aux romans de Lucy Maud Montgomery qui, en 1911, avait épousé le révérend Ewan MacDonald. Après la publication de Anne et le Bonheur (Anne of Green Gables) en 1908, la maison blanche, aux pignons verts, attire un nombre croissant de visiteurs, dont beaucoup croient que les personnages principaux des premiers romans de Mlle Montgomery, Anne Shirley et ses parents adoptifs, Marilla et Matthew Cuthbert, ont véritablement existé et qu'ils ont vécu à Green Gables.
En 1937, lors de l'acquisition de la propriété, appartenant à l'époque à E.C. Webb, en vue de la création du parc national, le gouvernement fédéral rachète les bâtiments à la province.16 Webb est embauché comme employé du parc et il obtient l'autorisation d'occuper la demeure moyennant le versement d'un loyer. La famille Webb quitte Green Gables en 1946 et la maison reste vide jusqu'en 1949. Au cours de cette même année, le Service des parcs nationaux achète, avec l'aide de l'Association des femmes de l'endroit, des meubles qui, d'après les estimations, datent environ du début du siècle. En 1950, la maison est ouverte au public sous la surveillance d'une employée chargée d'accueillir les visiteurs. Cette dernière obtient également l'autorisation d'exploiter un salon de thé à Green Gables, de vendre des souvenirs et de servir des rafraîchissements dans le pavillon de golf attenant à la ferme.
À l'origine, la prestation de ces services se fait par contrat et, par la suite, en vertu d'une concession accordée par adjudication publique. Dès 1963, l'administration du parc se rend compte qu'il n'est pas souhaitable de continuer à exploiter Green Gables à la fois comme une concession et un musée d'époque, et qu'il est indispensable de s'en tenir à une interprétation plus fidèle de Green Gables et de sa relation avec le personnage fictif d'Anne.
Afin d'atteindre cet objectif, on exécute à la fin de 1967 d'importants travaux de réfection et d'amélioration au pavillon de golf. Le salon de thé et le magasin de souvenirs y sont transférés en 1968. On envisage aujourd'hui d'apporter à Green Gables des améliorations, dont l'achat de meubles additionnels, qui la feraient ressembler davantage à la ferme de la fin du XIXe siècle décrite dans l'histoire d'Anne. Depuis 1968 le public peut visiter la maison sous la conduite de guides.
Les guides informent les visiteurs intéressés que ni Anne ni Lucy Maud Montgomery, sa créatrice, n'ont habité Green Gables. La mère de Lucy Maud, Mme Hugh Montgomery, est morte lorsque Lucy était âgée de moins de deux ans, et l'enfant a vécu de nombreuses années avec ses grands-parents, et Mme Alexander MacNeill, dont la maison se trouvait à une centaine de mètres de Green Gables. Lucy Maud rendait souvent visite à ses cousins plus âgés, David et Margaret MacNeill, à la ferme appelée aujourd'hui Green Gables. Enfant, elle vagabondait à volonté sur les terres de la ferme, parcourait les sentiers des bois avoisinants et explorait le ruisseau et les étangs. Plus tard, lorsqu'elle sera devenue Mme MacDonald, elle devait se rendre fréquemment à Green Gables sur l'invitation de Mme Webb, nièce de David et de Margaret MacNeill. La similitude topographique et physique entre les lieux décrits dans les livres relatant l'histoire d'Anne et la propriété de Green Gables confirme l'hypothèse selon laquelle l'auteur considérait la vieille ferme et son voisinage comme l'endroit où avait vécu l'héroïne de son roman.
Immeubles de l'administration
La construction de nouveaux bâtiments d'entretien et d'installations d'hébergement pour le personnel a progressivement facilité l'administration du parc. En 1942, on ajoute d'autres édifices aux premiers bâtiments construits à Dalvay afin de loger le personnel et d'entreposer l'approvisionnement. Un nouveau garage est achevé en 1954 et agrandi en 1961. Un entrepôt central est ajouté au complexe d'entretien de Dalvay en 1961. Les travaux d'entretien dans la région de Cavendish nécessitent la construction d'une remise pour le matériel en 1940, à laquelle vient s'ajouter en 1951 un bâtiment servant à la fois d'atelier et de magasin. La première résidence destinée au garde est érigée en 1947 sur le chemin Mayfield, dans la région de Cavendish. On y ajoute une construction moderne en 1959. Des logements sont mis à la disposition du personnel dans la région de Dalvay en 1947, 1959, 1960 et 1962.
La construction d'un centre récréatif en 1950 sur la plage de Cavendish permet la mise en oeuvre d'un programme de loisirs dont les campeurs et les visiteurs pourront bénéficier pendant plusieurs années. En 1965, l'immeuble est transporté non loin du nouveau terrain de camping de Cavendish afin d'être utilisé par le service d'interprétation du parc. L'érection en 1950 de kiosques à musique sur les plages de Cavendish et de Stanhope constitue une innovation. Comme ils sont peu utilisés, ils sont transformés, quelques années plus tard, en buvettes qu'on loue à des concessionnaires. De 1947 à 1967, l'immeuble renfermant les locaux de l'administration du parc sert également de résidence au directeur. En 1967, ce dernier s'établit à Charlottetown, ce qui permet à l'administration d'occuper les locaux laissés vacants.
La route Gulf Shore
Les plans initiaux prévoyaient la construction d'une route traversant le parc sur toute sa longueur, qui permettrait non seulement de faire découvrir aux visiteurs de magnifiques vues sur le golfe mais aussi de relier les quatre parties occidentales du parc. Les travaux sont d'abord entrepris sur le tronçon de Tracadie-Stanhope qui part de l'entrée est du parc. À la fin de 1939, une route de gravier est achevée jusqu'à un endroit situé à l'est de Covehead Harbour. L'année suivante, ce tronçon est relié à Stanhope Beach. En 1950, la route est terminée jusqu'au bras de mer de Covehead Harbour et, en 1951, le tronçon est entièrement asphalté. La construction de la partie la plus longue de la future route Océan View, qui part de Rustico-Nord, traverse Cavendish et se rend jusqu'à la baie New London est entreprise en 1958. Cette année-là, 12 km de route sont profilés et recouverts de gravier. L'asphaltage est terminé en 1952. En 1949, on arpente l'emprise de la route qui doit relier l'île Rustico et Brackley Beach au tronçon oriental ou de Stanhope. Pour terminer la route, il faut d'abord construire des ponts ou trouver d'autres moyens d'enjamber les bras de mer aux extrémités est et ouest de Brackley Point. On décide de construire une chaussée au-dessus du bras de mer de Little Harbour entre l'île Rustico et Brackley Point, et un pont au-dessus de celui de Covehead Harbour. Le ministère fédéral des Travaux publics entreprend la construction de la chaussée en 1953. Dès 1955, l'installation de pilotis et d'autres travaux de remblai ont favorisé une accumulation de sable sous l'action du vent et des vagues, qui suffit bientôt à combler le creux de Little Harbour, permettant ainsi de relier l'île Rustico à Brackley Beach.
En 1955, on entreprend un vaste programme de construction de routes dans les parcs nationaux du Canada. Les crédits affectés en 1956 et au cours des années suivantes permettent la construction de la route appelée aujourd'hui Gulf Shore Road. Les tronçons existants des routes Dalvay-Stanhope et Rustico-Cavendish sont recouverts d'une couche de produit scellant, et on entreprend les travaux sur le tronçon reliant Brackley à l'île Rustico. En 1957, on termine la construction d'un pont sur pilotis au-dessus du bras de mer de Covehead Harbour et on continue le déblaiement de la route dans l'île Rustico. Les travaux se poursuivent sur les tronçons de la route pendant les trois saisons qui suivent et, dès 1960, le tronçon de Brackley à Rustico est terminé et asphalté.
Le tronçon de Dalvay à Brackley est également amélioré et asphalté. La dernière couche d'asphalte est posée en 1961 sur le tronçon de Rustico à Cavendish. Un arrêt malencontreux de la circulation routière se produit en décembre 1963 après qu'une tempête, qui avait la violence d'un ouragan, eut endommagé le pont enjambant le bras de mer de Covehead. Les travaux de reconstruction du pont se poursuivent pendant toute l'année 1964, et le pont est ouvert de nouveau à la circulation en 1965.
L'achèvement du programme de construction et d'asphaltage en 1961 a permis l'aménagement de la route Gulf Shore sur un parcours continu de 37 km de longueur, à l'exception d'une interruption importante formée par Rustico Harbour, qui est situé entre la région de Cavendish - New-London à l'ouest et celle de l'île Rustico-Brackley-Stanhope à l'est. En 1948, le ministère des Travaux publics entreprend une étude visant à déterminer l'emplacement d'un pont, qui permet d'établir le passage le plus approprié pour traverser le bras de mer jusqu'à l'île Rustico. L'étude souligne également le besoin d'entreprendre une étude-pilote pour évaluer l'effet des marées et des courants, dont il faudra tenir compte dans la conception des piliers du pont. La fermeture de l'estuaire de Little Harbour en 1954-1955, en raison de la construction de la chaussée à l'extrémité orientale de l'île Rustico Harbour, et les tempêtes ont entraîné une érosion importante de l'extrémité occidentale de l'île Rustico. En se fondant sur les résultats d'une étude menée par le Conseil national de recherches à Ottawa, l'administration du parc national estime que la construction du pont constitue un projet irréalisable du point de vue économique. Les tronçons oriental et occidental de la route Gulf Shore sont toutefois reliés par des routes du réseau provincial situées à l'extérieur du parc.
Hébergement des visiteurs
La location de Dalvay House en tant qu'hôtel satisfait en partie aux besoins d'hébergement dans le parc. En 1948, on augmente les possibilités de logement en convertissant un abri de pique-nique en chalet; en outre, le gouvernement provincial construit un autre chalet comprenant deux chambres à coucher pour héberger le gouverneur général et son épouse au cours d'un séjour dans le parc. Le Service des parcs nationaux achète ce chalet en 1960 et l'inclut dans la propriété de Dalvay House. Il existe à l'époque plusieurs hôtels ouverts pendant l'été à l'extérieur du parc, dans les régions de Dalvay-Stanhope et de Brackley Beach, auxquels viennent s'ajouter des pavillons et des chalets construits par des entreprises privées.
Dans la région de Cavendish, un petit groupe de chalets, érigés avant 1936, occupe un emplacement qui fera plus tard partie du terrain de pique-nique de Cavendish Beach. Cet aménagement ne satisfait pas aux normes du parc et l'administration recommande l'évacuation de la propriété. Le propriétaire s'y oppose et finit par obtenir un terrain situé plus au sud, à l'intérieur du parc, sur le chemin Cawnpore. En 1940, les chalets sont transportés à cet endroit et ils sont transformés et améliorés. Plus tard, plusieurs nouveaux chalets seront construits sur la concession, appelée aujourd'hui Avonlea Lodge.
En 1949, le Service des parcs nationaux obtient des crédits pour la construction d'installations d'hébergement à prix modique dans les parcs nationaux de l'Île-du-Prince-Édouard, des Hautes-Terres-du-Cap-Breton et de Fundy. Il s'agit de chalets à une pièce comprenant une petite cuisine et une salle de bain. Chaque groupe de chalets possède un bâtiment central servant de bureau et de logement à l'exploitant. On construit les 13 premières unités du Green Gables Bungalow Court en 1949 et on en ajoute 12 autres l'année suivante. Les installations sont ouvertes au public en 1950 après avoir été louées à un concessionnaire à la suite d'un appel d'offres. Quatre autres chalets sont construits en 1952. En 1956, les installations sont achetées par l'exploitant qui agrandit par la suite certains chalets et en construit d'autres. En outre, le nouveau propriétaire augmente les possibilités d'hébergement en faisant ériger cinq grands chalets sur le terrain voisin, qui est toutefois situé à l'extérieur du parc. D'autres pavillons, chalets et motels bâtis à l'extérieur du parc par des entreprises privées contribuent à répondre à la demande d'hébergement des visiteurs dans la région de Cavendish.
Terrains de camping
Le réseau de terrains de camping du parc, qui ne comprenait que trois petits emplacements en 1930, s'est étendu à un point tel que les terrains les plus grands sont aussi peuplés que des petits villages. Le penchant des Canadiens pour la vie nomade durant les mois d'été est bien illustré dans le parc de l'Île-du-Prince-Édouard où les terrains de camping, qui peuvent accueillir près de 3 600 personnes, sont complètement remplis au plus fort de la saison touristique. La demande constante d'emplacements de camping a entraîné l'aménagement de terrains de camping privés, situés aux abords du parc, qui permettent d'héberger les visiteurs n'ayant pu se loger dans le parc.
Le terrain de camping de Cavendish, qui est toujours populaire, était à l'origine situé sur la plage qui se trouve près du chemin Cawnpore. Des abris-cuisines ouverts et fermés, construits à proximité d'un vestiaire pour les baigneurs, ont été utilisés jusqu'en 1955, lorsqu'on ferme le terrain de camping et qu'on réserve l'emplacement aux pique-niqueurs. L'aménagement d'un nouveau terrain de camping, comportant de plus grandes possibilités d'agrandissement, est entreprise en 1953 au nord de Clark Pond. Le terrain est ouvert au public en 1955. De 1959 à 1962, on l'agrandit considérablement, on y installe l'eau et des systèmes d'égout, et on y construit des abris communautaires ainsi que divers bâtiments d'utilité publique. On aménage également un parc pour les remorques pourvu d'eau, d'électricité et d'un système d'égout. Dès 1962, le terrain peut accueillir 226 tentes et 78 caravanes.
Les travaux d'aménagement du terrain de camping de Stanhope, le deuxième en importance du parc, commencent en 1939. Il est peu fréquenté par les touristes jusqu'à son agrandissement en 1950. Des plates-formes pour les remorques y sont installées en 1953 et, en 1954, on choisit un nouvel emplacement pour les tentes à l'ouest de celui des remorques. En 1955, l'aire de pique-nique de Stanhope est aménagée sur un nouveau terrain situé au nord de la route Gulf Shore lors de l'achèvement des travaux dans l'aire des remorques, où sont installés des câbles souterrains pour l'électricité et de nouvelles canalisations d'eau. Au cours des cinq années qui suivent, d'autres abris, installations sanitaires et services complémentaires sont mis à la disposition du public. Dès 1962, le terrain de camping peut accueillir 158 tentes et 14 caravanes.
Les premières installations de camping sont aménagées à Brackley Beach en 1939. On y ajoute un autre abri-cuisine en 1950. Pendant de nombreuses années, le terrain accueille autant les campeurs que les pique-niqueurs. Des améliorations, comprenant un système d'évacuation des eaux usées, y sont apportées de 1956 à 1960. Le camping de nuit est interdit en 1961 lorsque le terrain est réservé à l'utilisation diurne. Le terrain de camping accroît ses services pour les visiteurs et met à leur disposition un plus grand parc de stationnement. Le nouvel aménagement est terminé en 1964 par la construction d'un nouveau vestiaire pour les baigneurs et d'un édifice de service.
L'établissement de terrains de camping et de pique-nique dans l'île Rustico commence en 1961 avec l'installation de poêles pour usage en plein air, d'appareils sanitaires et de canalisations d'eau. En 1962, toutes les voies d'accès et les emplacements de camping sont dégagés et défrichés. L'année suivante, on procède à l'organisation de 148 emplacements de tentes, à l'installation de l'eau et de l'électricité ainsi qu'à la construction d'abris-cuisines et de toilettes. Le terrain de camping est ouvert au public en 1964 et accueille près de 9500 campeurs lors de sa première saison touristique.
L'aménagement d'aires d'utilisation diurne à l'intention des pique-niqueurs libère les terrains de camping qui, à l'origine, servaient à la fois pour le camping et les pique-niques. Des terrains de pique-nique sont peu à peu installés sur les plages de Dalvay, Stanhope, Brackley et Cavendish ainsi qu'à Stanhope Lane, Cape Turner, Rustico Nord, dans l'île Rustico et la baie New London. En 1970, ces terrains peuvent accueillir un total de 5650 pique-niqueurs. Des buvettes louées à des concessionnaires sont ouvertes sur les plages de Cavendish et de Stanhope. L'aire d'utilisation diurne de l'île Rustico dispose d'un bâtiment, abritant des vestiaires et une cantine, construit en 1968.
Surveillance des plages
La sécurité des baigneurs utilisant les plages du parc s'accroît grâce à la mise sur pied d'un service de surveillance. En 1948, un gardien est nommé à la plage de Cavendish à la suite d'un accident tragique au cours duquel quatre personnes s'étaient noyées l'année précédente. Puis, c'est au tour de la plage de Dalvay de bénéficier, en 1949, d'un service de surveillance. Bientôt, on peut voir sur toutes les principales plages du parc les huttes à rayures rouges et blanches des gardiens. Chaque plage surveillée dispose de tours d'observation, de chaloupes et d'aquaplanes. Les gardiens de plage incitent les baigneurs à rester à l'intérieur des zones de sécurité délimitées par des cordes attachées à des flotteurs.
Lutte contre l'érosion
La plupart des plages du parc ont été formées par l'érosion des falaises de grès et l'amoncellement sur le littoral de matières érodées. Par conséquent, les plages et les dunes qui les bordent subissent l'action des vents, des marées et des vagues et, à certains endroits, des dépôts résultant de tempêtes hivernales. Les premières tentatives visant à lutter contre l'érosion ont lieu en 1941 avec la construction d'une digue en rondins face à la maison située sur la plage Dalvay. Un programme de protection des plages et des falaises est mis en oeuvre en 1960 et au cours des années suivantes. Il prévoit des mesures variées allant de l'emploi de sacs de lest à la construction de murs de pierre et l'installation de paniers en fils de fer remplis de pierres. En 1965, l'emploi d'un genre perfectionné de contenants de pierres, des « gabions des mers », donne des résultats satisfaisants. L'installation de coffrages de pierre, de palées de bois et de haies contribue également à limiter l'affaissement des dunes de sable. Au cours de l'année 1962-1963, le ministère fédéral des Travaux publics s'attaque au problème de l'érosion en installant des estacades à l'extrémité occidentale de l'île Rustico. Il construit également, en 1966, des digues de pierre et d'argile pour combler les écarts entre des dunes alignées à l'entrée de la baie New London.
Acquisition de terres
Comme beaucoup de lieux de vacances populaires, le parc national de l'Île-du-Prince-Édouard a connu un accroissement extraordinaire du nombre de ses visiteurs, qui a provisoirement atteint un maximum au milieu des années 1960. Le total annuel de visiteurs, qui s'élevait à 108 000 personnes à peine en 1951, atteint le chiffre de 386 000 en 1960, de 952 000 en 1961, et, selon les estimations, dépasse même le million en 1962. Cette augmentation exceptionnelle du nombre de visiteurs se poursuit au cours des huit années qui suivent, à l'exception de 1965 et 1967. Les besoins d'installations, notamment de terrains de camping et de pique-nique, créés par cet accroissement incroyable d'usagers, incitent l'administration à entreprendre des études de planification dans l'espoir de pouvoir utiliser l'espace au maximum tout en préservant certaines caractéristiques uniques qui risqueraient autrement d'être perdues.
Les études de planification sont entreprises en 1963 et se poursuivent jusqu'en 1967. Elles visent, entre autres, à accueillir le plus grand nombre possible de visiteurs, à préserver la nature, l'écologie et la faune, et à améliorer la circulation routière. L'étendue relativement limitée du parc exige également l'acquisition de terres additionnelles pour pouvoir réaliser les projets d'agrandissement. Depuis la création du parc, sa superficie a subi très peu de changements, sauf quelques acquisitions de terrains se limitant chacune à quelques hectares, et ce, pour permettre l'amélioration des routes et la construction de ponts. Par conséquent, tout agrandissement important du parc ne pourrait avoir lieu que grâce à l'achat de terrains additionnels à des propriétaires privés. Les études de planification ayant révélé que les terres adjacentes au parc dans la région de Cavendish offraient des possibilités exceptionnelles d'aménagement, un programme d'acquisition de terrains est mis sur pied en 1968. Dès la fin de 1972, le Service des parcs nationaux est devenu propriétaire de plus de 69 ha de terrain et a conclu des ententes avec les propriétaires d'autres terres. On a examiné d'autres terrains et estimé qu'ils convenaient à l'établissement d'un parc. La plupart des terrains acquis sont situés à l'est du chemin Cawnpore, cédé par la province au gouvernement du Canada en 1963. Cette route, qui prolonge la grand-route 13, constitue l'accès principal au parc depuis le village de Cavendish jusqu'à la plage du même nom. D'autres acquisitions comprennent des terres adjacentes au terrain de golf situé à l'ouest du lac Shining Waters. À mesure que se réalise le programme d'acquisition de terrains, on peut s'attendre à l'aménagement de nouvelles installations dans le parc qui contribueront à héberger les visiteurs dont le nombre ne cesse d'augmenter.
Références
1. Dossier n° 2 Î.-P.-É. de la Direction des parcs nationaux, vol. 1, 17 mai 1930.
2. Ibid., 8 fév. 1936.
3. Ibid., 28 et 31 mars 1936.
4. Ibid., 28 juillet 1936.
5. Statuts du Canada, I Edouard VI II, chapitre 43.
6. Dossier n° 2 Î.-P.-É. du Service des parcs nationaux, vol. 5, 31 oct. 1938.
7. Statuts du Canada, 2 George V, chapitre 35.
8. Biggar, H.P., The Voyages of Jacques Cartier, p. 40, Imprimeur du Roi, Ottawa, 1924.
9. Douglas, R., Place Names in Prince Edward Island, Société géographique du Canada, Imprimeur du Roi, Ottawa, 1925.
10. Ibid., p. 45.
11. Ibid., p. 50.
12. Wallace, R., Wooden Ships and Iron Men, C.E. Lauriat Co., Boston, 1937.
13. Charlottetown Guardian, 31 déc. 1959.
14. Arrêté en conseil C.P. 32/693, 31 mars 1937.
15. Dossier n° 2 Î.-P.-É. de la Direction des parcs nationaux, vol. 3, 15 mars 1937.
16. Arrêté en conseil C.P. 32/693, 31 mars 1937.
Le parc national de Fundy
La baie de Fundy, qui sépare les provinces du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse, possède des attraits exceptionnels, tant physiques qu'historiques. Elle se distingue par l'ampleur extraordinaire de ses marées considérées comme les plus hautes du monde. Les marées du printemps atteignent une hauteur allant de 18 à 21 m alors que pendant les périodes de flux normal, la hauteur des marées se situe entre 12 à 15 m. Connue des Européens depuis le XVIe siècle, la baie de Fundy figure sur la carte de Cabot, datant de 1544. Le Sieur de Monts, qui avait passé l'hiver de 1604-1605 dans l'île Dochet au milieu de la rivière Sainte-Croix, et qui plus tard au cours de l'année 1605 avait fondé la colonie de Port Royal dans le bassin de l'Annapolis, l'avait appelée « baie françoise ». C'est vers la fin du XVIe siècle que la baie a pris le nom qu'elle porte aujourd'hui. Pendant longtemps, on a cru que « Fundy », venait du portugais « fondo » qui signifie profond. Des recherches ultérieures ont abouti à la conclusion que le nom n'était qu'une déformation anglaise du mot français « fendu ».1 On a également donné ce nom au cap qui protège l'entrée du bassin Minas, qui constitue le bras sud-est de la baie de Fundy.
En 1947, une région dominant la baie de Fundy est choisie en vue de créer un premier parc national au Nouveau-Brunswick. Cette région comprend une superficie de près de 207 km2 de terrain onduleux recouvert de forêts, qui s'élève en gradins depuis la baie. Le mouvement rapide et l'ampleur des marées, ainsi que l'action du vent et des vagues, ont creusé et sculpté dans le littoral accidenté des baies abritées et des promontoires escarpés. La beauté sauvage du littoral du parc contraste fortement avec le milieu paisible de ses hautes terres boisées qui s'élèvent jusqu'à 366 m au-dessus du niveau de la mer. Le parc est pourvu de nombreux petits lacs qui, pour la plupart, donnent naissance à des ruisseaux, lesquels à leur tour alimentent les principales rivières du parc, la Upper Salmon et la point Wolfe.
Bon nombre de ces ruisseaux coulent au fond d'étroites vallées encaissées et leurs eaux dévalent en cascades vers la mer toute proche. Les forêts, qui comprennent diverses espèces d'arbres feuillus et d'arbres résineux toujours verts, sont superbes en automne, où l'or et le pourpre des caduques se détachent nettement sur les couleurs sombres des conifères. C'est le premier ministre du Nouveau-Brunswick, l'honorable J.B. McNair, qui, après un concours lancé dans les écoles de la province, a choisi le nom du parc.
Négociations préliminaires
Bien que les négociations en vue d'établir un parc national au Nouveau-Brunswick aient été entreprises dès 1926, il a fallu attendre 22 ans avant la création officielle du parc. C'est la société protectrice de la faune du Nouveau-Brunswick qui, par l'entremise de son président, Allan G. McAvity de Saint-Jean, a dirigé la longue campagne entreprise par les sociétés de conservation, les chambres de commerce et des particuliers dans le but de doter la province d'un parc national.2 La Chambre de commerce de Saint-Jean et l'Office de tourisme du Nouveau-Brunswick appuyaient également cette campagne. À la suite d'une réunion tenue à Moncton en septembre 1928, on a établi un comité de promotion du parc national, composé de membres des chambres de commerce et des sociétés de conservation de toute la province. Un an plus tard, le comité proposait au gouvernement provincial six emplacements distincts en vue de la création d'un parc national,3 notamment une région du comté Northumberland comprenant le mont Carleton, et deux régions faisant face à la baie de Fundy, dont l'une était située près de Lépreau dans le comté Charlotte, et l'autre dans le comté d'Albert. Quant aux deux autres emplacements proposés, ils se trouvaient aux alentours des lacs Chiputneticook à la limite occidentale de la province, sur le cours supérieur de la rivière Miramichi, et dans le refuge de la faune Canaan, près de Canaan.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a manifesté son intérêt lorsque le ministre des Terres et Mines, C.D. Richards, accompagné de Allan McAvity et Byron Tozer, tous deux représentants des sociétés de conservation du Nouveau-Brunswick, ont rencontré le ministre de l'Intérieur Charles Stewart à Ottawa, le 16 janvier 1930. À la suite d'une discussion portant sur les mérites de plusieurs emplacements, Stewart a accepté qu'une inspection de toutes les régions proposées soit faite par un agent du ministère. Un peu plus tard, au mois de mai, Stewart annonçait à la Chambre des communes : « Le gouvernement a l'intention de créer un parc national dans chaque province, à condition que chacune d'elles cède, à cette fin au gouvernement fédéral, sans frais ni hypothèques, une superficie de terrain qui réponde aux normes fixées pour les parcs nationaux ».4
Visite des emplacements proposés
M. R.W. Cautley, A.F., d'Ottawa, est chargé d'inspecter les emplacements proposés en septembre 1930. Le colonel H.H. Ritchie, garde de parc en chef du Nouveau-Brunswick, l'accompagne. Après examen des six emplacements déjà mentionnés, Cautley accorde sa préférence à une région située près de Lépreau, qui comprend une superbe plage de sable dans la rivière New. Son choix se porte ensuite sur une région du comté d'Albert qui donne également sur la baie de Fundy. D'après Cautley, l'emplacement du mont Carleton n'offre aucun panorama exceptionnel et, en outre, c'est la région la moins accessible de toutes.5 En mars 1931, la province vote une loi autorisant l'expropriation des terres destinées à la création de parcs nationaux ainsi que leur cession ultérieure au gouvernement fédéral.6 En avril 1933, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Richards, offre officiellement la région de Lépreau, à condition que le gouvernement du Canada se charge de l'aménager dans le courant de l'année, en y construisant des routes et des bâtiments, et rembourse à la province les frais des travaux d'amélioration.7 Cette offre est refusée.
La conjoncture économique du début des années 1930, qui se traduit par une restriction considérable des dépenses publiques, freine les négociations. Toutefois, le projet visant à créer un parc est repris en 1936 à la suite d'un remaniement ministériel survenu aux niveaux fédéral et provincial. En janvier de cette même année, le nouveau ministre provincial des Terres et Mines, F.W. Pirie, envoie une lettre au ministre de l'Intérieur à Ottawa, T.A. Crerar, pour lui recommander la création d'un parc dans les environs du mont Carleton. On lui répond que, malgré les conclusions plutôt négatives du rapport qui avait été rédigé précédemment sur la région, on entreprendrait une seconde inspection de l'emplacement en question. Cette dernière est effectuée par R.W. Cautley en août et en septembre 1936. En outre, on visite de nouveau l'emplacement du comté d'Albert et on examine en détail un nouvel emplacement, situé sur le long bief de la rivière Saint-Jean, qui comprend le mont Champlain. Une fois de plus, Cautley recommande de ne pas choisir l'emplacement du mont Carleton. Par contre, il est enchanté par les possibilités qu'offre l'emplacement du mont Champlain et lui donne la priorité absolue sur toutes les régions qu'il a inspectées jusque là. La région de Lépreau et le comté d'Albert constituent ses deuxième et troisième choix.8
En 1937, le gouvernement du Canada est disposé à entreprendre la création d'un parc national au Nouveau-Brunswick, dès qu'il sera parvenu à s'entendre avec les autorités provinciales sur le choix d'un emplacement propice. La loi votée par le parlement du Canada en avril 1937, autorise la création d'un parc par voie de proclamation, aussitôt que le gouvernement fédéral aura reçu des titres de propriété satisfaisants sur les terres choisies pour l'établissement d'un parc.9 Bien que les autorités du Nouveau-Brunswick désirent vivement que les démarches aboutissent, elles hésitent à accepter les recommandations des fonctionnaires de la Direction des parcs nationaux, concernant les trois régions choisies en priorité. Elles estiment que le coût des terrains du mont Champlain, de Lépreau et du comté d'Albert sera excessif et que les personnes qui occupent ces régions depuis longtemps leur tiendront rigueur de ces mesures d'expropriation.
En avril 1937, l'honorable F.W. Pirie demande qu'on visite un nouvel emplacement situé au sud du mont Carleton, qui comporte beaucoup de beaux lacs. L'inspecteur en chef des parcs nationaux, James Smart, entreprend, en compagnie de M. Pirie, l'examen des lieux. À cette fin, ils survolent en hydravion les régions de Lépreau, du mont Champlain, et du comté d'Albert, ainsi qu'un emplacement situé au sud du mont Carleton. Dans son rapport, Smart confirme que l'emplacement qui se prête le mieux à l'établissement d'un parc national, est celui du mont Champlain, sur la rivière Saint-Jean. En novembre 1938, il visite encore une autre région à la demande de M. Pirie, mais cet emplacement, situé près de St. Martins dans la baie de Fundy, est jugé inadéquat.
Création du parc
La déclaration de la seconde guerre mondiale en 1939, a pour effet d'interrompre toutes les activités liées à la création du futur parc. Le projet est repris en février 1947, lorsque le ministre provincial des Terres et Mines, R.G. Gill, invite le ministre des Mines et Ressources, J.A. Glen à envoyer un haut fonctionnaire des parcs à Frédéricton, en vue d'un entretien. Au cours d'une réunion tenue le 27 mars de la même année, Smart et les autorités provinciales examinent en détail les avantages de trois emplacements répondant aux normes du gouvernement fédéral, soit ceux du mont Champlain, du comté d'Albert et de Lépreau. A la suite de cette réunion, Smart entreprend en mai 1947, une dernière visite de l'emplacement du comté d'Albert, et prévoit dans son rapport des limites susceptibles d'être approuvées par le gouvernement fédéral. M. Gill confirme la décision de choisir une région du comté d'Albert pour en faire un premier parc national au Nouveau-Brunswick, dans une lettre adressée à l'honorable C.D. Howe, ministre suppléant des Mines et Ressources.10 En février 1948, le contrôleur des parcs nationaux à Ottawa reçoit des titres de propriété en bonne et due forme pour une superficie de 206 km2 cédée par le gouvernement du Nouveau-Brunswick au gouvernement fédéral. Le nouveau parc est créé à la suite d'une proclamation officielle dans la Gazette du Canada du 10 avril 1948, conformément à la loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux de 1937.
Historique
Les premiers visiteurs de la baie de Fundy furent le Sieur de Monts et Samuel de Champlain qui remontèrent depuis son embouchure, et ce, le 24 juin 1604, la rivière Saint-Jean, qu'ils baptisèrent ainsi en l'honneur de la fête de Saint-Jean-Baptiste célébrée ce jour-là. Plus tard, de Monts et Champlain retourneront à l'île Sainte-Croix ou Dochet où, au printemps suivant, ils abandonneront leur colonie qui avait connu des revers de fortune pour s'installer dans un endroit plus attrayant situé à Port Royal, dans le bassin d'Annapolis. Cette nouvelle colonie est devenue le premier établissement permanent fondé par les Européens au nord du golfe du Mexique.
L'occupation permanente des terres situées au nord de la baie de Fundy n'a eu lieu qu'après l'arrivée des Loyalistes en 1783. L'année suivante, une vague de colonisation aboutit à la création de la province du Nouveau-Brunswick. Saint-Jean est la première ville qui est fondée dans la nouvelle province. Quant au comté d'Albert, qui englobe le parc, il est constitué en 1846, de l'ancien comté de Westmorland. La paroisse d'Alma, nommée ainsi en mémoire de la bataille d'Alma livrée au cours de la guerre de Crimée, est établie en 1857. La fondation du village d'Alma, la plus importante collectivité des environs du parc, remonte à l'année 1825, au cours de laquelle un officier de l'armée, du nom de Brown, est venu s'installer près de l'embouchure de la rivière Upper Salmon. Après l'octroi de concessions à quelque 25 personnes, une importante colonie d'Irlandais s'établit entre 1830 et 1835 dans ce qui est aujourd'hui la partie septentrionale du parc, le long de la route Shepody. Cette colonie, qui s'appelait New Ireland, est disparue depuis longtemps.
La plupart des terrains bordant la baie de Fundy ont été acquis, à titre de concessions, par des officiers à la retraite. Le colonel J. Coffin possédait 405 ha de terres qui s'étendaient au-delà de l'embouchure de la rivière Upper Salmon, et des ruisseaux Salmon et Flat. Une autre concession a été accordée au commandant John Ward à Point Wolfe, au sud-est d'Alma. L'exploitation forestière est devenue la principale industrie et, pendant plus de 100 ans, elle a fourni de l'emploi à bon nombre d'habitants de la région. En 1832, on a construit une scierie à Point Wolfe, et quatre ans plus tard, on en a installé une autre sur l'emplacement actuel d'Alma. Lorsque le commerce du bois était florissant, le chargement des goélettes à trois et quatre mâts se faisait aux quais de Point Wolfe et d'Alma; quant aux navires plus gros, ils étaient chargés au large à l'aide de chalands. On exploitait également des usines à l'intérieur des terres, notamment à Hastings, situé à environ trois kilomètres au nord-ouest d'Alma, et au Lac Bennett, près de la route 114. La construction de navires a également fourni de l'emploi aux habitants d'Alma pendant quelques années.
C'est ensuite le déclin de l'industrie du bois. En 1948, c'est la fermeture de l'usine de Point Wolfe, exploitée depuis longtemps et dont la production annuelle se chiffrait à plusieurs millions de pieds de planche. Un terrain de pique-nique est aujourd'hui aménagé sur son emplacement. L'usine d'Alma, qui avait fourni de nombreux emplois pendant des années, est détruite par un incendie en 1952 et n'est pas remplacée.
Lors de la création du parc en 1948, environ 50 familles exploitaient des fermes ou de petits domaines dans les villages d'Hastings, d'Alma Ouest et de Point Wolfe. Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a exproprié toutes les propriétés foncières, et leurs anciens occupants ont été s'installer à l'extérieur du parc. De petits cimetières, des digues et des ponts couverts pittoresques rappellent les premiers habitants. Des vestiges des quais de Point Wolfe, qui avaient autrefois des dimensions considérables, subsistent également en aval de la digue, de même que le pont couvert qui, de nos jours, conduit au terrain de camping de Point Wolfe. Un certain nombre d'anciennes routes servent actuellement de coupe-feu ou de routes secondaires, tandis que d'autres sont devenues des sentiers.
Aménagement
Vers la fin de 1947, après que les ingénieurs du parc eurent arpenté le terrain, on a pris des mesures visant à installer les services essentiels dans le nouveau parc. En mars 1948, un agent forestier expérimenté, E.G. Saunders, est nommé directeur du parc, et on accorde des contrats en vue de l'exécution de travaux de construction dans le parc. Les premiers sont entrepris sur un emplacement réservé à l'administration du parc et aux loisirs, situé sur un terrain d'alluvions compris entre la rivière Upper Salmon et le ruisseau Dickson. Pour réaliser les plans d'aménagement, il a fallu démolir un certain nombre de bâtiments qui appartenaient aux anciens habitants et entreprendre d'importants travaux de terrassement qui ont nécessité l'utilisation de 15 300 m3 de terre arable. En 1949, on construit un immeuble pour l'administration, une résidence pour le directeur, un grand dortoir, une cuisine et une salle à manger pour le personnel, des remises et des ateliers de réparation et d'entreposage. On choisit des emplacements réservés aux loisirs en vue notamment d'aménager une grande piscine extérieure avec un vestiaire, des courts de tennis, un boulingrin, et un terrain de camping. L'aménagement d'un terrain de golf de neuf trous, sur lequel est construit un vaste pavillon, a constitué une autre réalisation importante.
Un personnel est recruté et un service de gardes est mis sur pied, des logements sont construits aux endroits stratégiques, et la reconstruction ou l'amélioration des routes et des sentiers est entreprise. Dès juillet 1950, les travaux sont suffisamment avancés pour que l'on permette au public d'utiliser les services destinés aux visiteurs. Le parc est inauguré officiellement le 29 juillet 1950 par le ministre des Mines et Ressources, Robert H. Winters. Des personnalités notamment le lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick D.L. MacLaren, et le premier ministre, J.B. McNair, sont invitées aux cérémonies d'ouverture qui comprennent l'inauguration du terrain de golf et de la piscine.
L'augmentation du nombre d'employés et de gardes exige d'autres travaux d'aménagement. En 1952 et 1953, on construit des logements pour l'ingénieur et le garde en chef du parc. En 1953, une remise pour le matériel des gardes s'ajoute à l'ensemble des bâtiments de l'administration centrale. Des postes sont établis au lac Wolfe en 1950, à Point Wolfe en 1952, et au lac Brook, situé sur la limite orientale du parc, en 1956. En 1950, on installe à l'entrée nord-ouest un poste de contrôle de la circulation qui, pendant quelques années, servira également de bureau de renseignements. Un bâtiment comprenant plusieurs ateliers s'ajoute en 1961-62 à ceux situés près du siège administratif. Des garages sont construits à tous les postes de garde, près des logements de l'administration centrale, et à la résidence du directeur. La construction d'une tour de détection des incendies sur le versant de la colline d'Hastings en 1950 aide à la prévention des incendies dans le parc. Une autre tour sera construite au nord-ouest du lac Laverty en 1963. L'installation d'un système radioélectrique à très haute fréquence, mis en service en octobre 1961, améliore les communications entre l'administration centrale et les postes du parc.
Les routes
Un autre travail d'envergure fut d'établir un nouveau tracé et de reconstruire la route provinciale 14 (l'actuelle route 114) qui traverse le parc depuis le pont de la rivière Aima, à la limite sud-est, jusqu'au lac Wolfe, qui s'appelait alors le lac View, à la limite nord-ouest. Le chemin sinueux recouvert de gravier qui existait en 1948 est devenu une route moderne au cours des trois années suivantes. Le tracé de la route a été modifié à plusieurs endroits, notamment sur la colline Hastings. En 1950, la route est refaite et recouverte de gravier et d'un mortier de ciment sur ses 20 km. Elle sera asphaltée l'année suivante. Après que l'on eut, en 1954, modifié le tracé de la route provinciale 114 pour la faire passer directement à côté de la limite nord-ouest du parc, on construisit en 1955 un nouveau tronçon de 800 m dans le parc pour relier la nouvelle route provinciale à l'ancienne route. Ce tronçon est asphalté en 1956. Une grande partie de la route Point Wolfe, l'une des promenades les plus populaires, est reconstruite entre 1948 et 1950. Les derniers 800 m sont reconstruits en 1956, et la route entière est améliorée et asphaltée en 1960. En 1950, on modifie le tracé d'un tronçon reliant la route Point Wolfe à Herring Cove, qui sera élargi et reconstruit au cours de l'année 1953-1954, et recouvert d'une couche de mortier en 1960. De 1953 à 1956, on améliore les routes secondaires du parc, notamment les routes Old Shepody et Forty-five. Cette dernière traverse la rivière qui porte le même nom en empruntant un ancien et pittoresque pont couvert.
Les ponts
Il existait plusieurs ponts couverts lors de la création du parc. On a supprimé, en 1955, celui qui franchissait la décharge du lac Bennett après que le tracé de la route 114 eut été modifié, mais on a conservé et entretenu ceux qu'empruntent les routes Forty-five et Point Wolfe. En 1957, on a exécuté d'importants travaux de réparation au pont de la route Point Wolfe. Le plus long pont couvert dans les environs du parc était celui qui donnait accès à la route 114 à partir d'Alma. Il franchissait la rivière Upper Salmon en quatre travées, dont trois étaient couvertes, et il a servi de point de repère jusqu'à ce qu'il soit remplacé en 1967.
L'histoire de ce pont est intéressante du point de vue politique. Une loi provinciale votée en 1949, rendait le gouvernement fédéral propriétaire du pont et de la route d'accès à partir de l'est, mais le ministre des Ressources et du Développement avait refusé les titres de propriété. Étant donné que l'ouvrage était surtout utilisé par les visiteurs du parc, c'est l'administration de ce dernier, qui, pendant des années, en a assuré l'entretien, notamment en installant un nouveau tablier en 1954 et en repeignant le pont en 1957.
La province envisageait en 1960 de reconstruire le pont dans le cadre d'un programme visant à faciliter l'accès aux ressources (Roads to Resources Agreement), mais le projet n'a pas abouti. La détérioration progressive du pont s'avérant dangereuse pour le public, les agents du Service des parcs nationaux et ceux du ministère provincial des Travaux publics ont entamé des négociations à ce sujet au cours d'une réunion tenue à Frédéricton en septembre 1965. À la suite de cette réunion, le ministre des Affaires du Nord et des Ressources nationales et le ministre provincial des Travaux publics sont parvenus à un accord prévoyant la construction d'un nouveau pont. Aux termes de cet accord, le gouvernement fédéral s'engageait à payer 25 pour 100 du coût du pont et la totalité des frais requis pour la construction d'un nouvel accès à l'extrémité occidentale du pont, le reste des frais étant assumé par la province. L'accord est signé le 31 mai 1966, et le nouveau pont est construit et ouvert à la circulation en juin 1967. On a supprimé la voie dangereuse que l'on devait emprunter pour accéder à l'ancien pont en venant de l'est, en construisant le nouvel ouvrage 91 m en aval. En novembre 1967, l'ancien pont est démoli, les gouvernements fédéral et provincial se partageant les frais de démolition.
Lotissement urbain
En 1950, à la suite de l'arpentage d'une petite section du parc située près du siège administratif, on a déterminé des emplacements pour la construction de bâtiments destinés à assurer les services essentiels aux visiteurs. Un premier lot est loué en 1951 pour y ériger une petite station-service, et sur un second on construit, en 1953, un magasin de souvenirs. Malgré tous les efforts de l'administration du parc pour inciter un concessionnaire à ouvrir un restaurant, ce service n'a pas été offert pendant plusieurs années. En 1954, on fait beaucoup de publicité pour un emplacement réservé à la construction d'un restaurant, et on accorde une concession, mais l'intéressé se désistera par la suite. Enfin, en 1959, les exploitants d'une concession de chalets construisent un restaurant-dépanneur. Avant l'ouverture du restaurant, on avait loué des locaux dans le chalet du club de golf pour y installer un salon de thé, ce qui avait permis de répondre en partie aux besoins des visiteurs. Cette exploitation devait peu à peu devenir un véritable restaurant.
Avant la création du parc, il existait déjà à Herring Cove quelques chalets construits sur des terrains privés. Leurs propriétaires avaient été priés de quitter les lieux à la suite des mesures d'expropriation prises par le gouvernement provincial. En vue de fournir d'autres terrains destinés à la construction de résidences d'été, le Service des parcs nationaux entreprend en 1950 l'arpentage du lotissement Bayview, situé à l'ouest de la piscine, sur une crête qui domine la baie de Fundy. Cet emplacement, appelé Devil's Half-Acre était assez grand pour contenir trois ensembles comprenant un total de 25 lots. En 1952, on termine la construction d'une route partant de la route Point Wolfe et menant au lotissement mais la location de lots pour la construction de chalets est abandonnée en raison du coût élevé des services d'eau et d'égout. Au début de 1956, on vante les mérites du lotissement, destiné à l'aménagement de chalets, mais on ne reçoit aucune offre. En 1957, une partie du lotissement est louée à l'école d'art et d'artisanat du Nouveau-Brunswick.
Hébergement
Normalement, les logements destinés à l'hébergement des visiteurs dans les parcs nationaux sont construits par des entreprises privées. Toutefois, comme ces dernières ne répondaient pas à la demande, le ministère des Ressources et du Développement a entrepris la construction de chalets dans trois parcs nationaux des provinces de l'Atlantique. Les plans prévoyaient l'aménagement de chalets d'un style différent dans le parc de Fundy et 14 chalets ont été construits en 1949. Après une adjudication publique, ces bâtiments sont loués à un concessionnaire en 1950. Cette année-là, on ajoute 15 chalets ainsi qu'un bâtiment servant à l'administration et on autorise le concessionnaire à les utiliser. En 1957, les chalets et les bâtiments annexes sont vendus au concessionnaire.
Le besoin croissant d'installations d'hébergement amène le ministère à entreprendre, dans le cadre d'un programme visant à créer des emplois pendant l'hiver de 1957-1958, la construction d'un motel de 20 chambres et l'aménagement d'un ensemble de 24 chalets sur les pentes de la colline Hastings, à l'est de la route 114. Le motel et les chalets offrent une vue superbe sur la baie de Fundy. La construction commencée en février 1958 sera terminée au début de l'année suivante. À la suite d'une adjudication publique, le motel et les chalets sont donnés à bail à deux concessionnaires différents en avril 1959. Dans le courant de l'année, on ajoute un bâtiment servant à l'administration, qui depuis lors porte le nom de « chalets alpins » {Alpine chalets).
Terrains de camping
Depuis sa création, le parc national de Fundy a joui d'une popularité exceptionnelle auprès des campeurs. Le premier terrain de camping, situé sur une bande de terre dominant Aima et la rivière Upper Salmon, est ouvert en 1950, plus tard, on y ajoute d'autres installations, notamment un abri-cuisine et des services d'utilité et, en 1953, on le dote de 50 emplacements additionnels. Le terrain initial comportait quelques emplacements réservés aux remorques. En 1959, on aménage un terrain consacré uniquement aux remorques, et on y installe les services essentiels; ce terrain, une fois préparé, sera en mesure d'accueillir 29 véhicules. On ouvre aussi dans les environs plusieurs petites aires de camping au lac View, appelé aujourd'hui lac Wolfe, au lac Bennett et à Herring Cove. Plus tard, le terrain d'Herring Cove sera réservé à l'utilisation diurne et on procédera à l'aménagement d'un terrain sans service à Houston Place, qui depuis a été nommé Mic Mac. Depuis 1968, ce terrain est utilisé pour le camping collectif.
Dès 1958, le nombre de campeurs utilisant les installations du parc avait augmenté de 3 000 par rapport à 1957, et de 8 000 par rapport à 1956. En 1959, on entreprend la construction d'un terrain de camping à Point Wolfe. La façade des bâtiments érigés sur ce terrain est en brique. En 1962, 100 emplacements seront ouverts aux campeurs qui, l'année suivante, disposeront de 150 emplacements additionnels. Ce terrain de camping sera doté en 1967 d'une nouvelle installation grâce à l'aménagement de douches payantes dans les salles de bain. La demande incessante de nouveaux terrains de camping entraîne l'aménagement d'un autre terrain équipé le long de la route 114, à environ trois kilomètres au nord-ouest de l'administration centrale du parc. On utilisait cet emplacement, appelé d'abord Bogie Farm et plus tard Chignecto, pour absorber le trop-plein des autres terrains. L'aménagement du nouveau terrain est entrepris en 1964. Il était conçu de façon à fournir des emplacements sur les côtés nord et sud de la route. La partie nord du terrain est ouverte le 1er juillet 1967 et, au cours des neuf semaines qui suivent, elle accueille 21 800 campeurs. Quant à la partie sud, elle est achevée en juillet 1968. À la fin de la saison de 1968, le nombre de visiteurs ayant utilisé le terrain avait augmenté de 37,5 pour 100, par rapport à l'année précédente. En 1968, on envisage l'aménagement d'un autre terrain de camping équipé sur la rive sud-est du lac Wolfe, près de l'angle nord-ouest du parc. À la fin de cette année, les travaux sont déjà bien avancés, étant donné qu'on a défriché 200 emplacements de camping et tracé des voies d'accès. Les travaux se poursuivront en 1969 et 1970, année pendant laquelle une partie du terrain sera ouverte aux visiteurs.
Alimentation en eau
La première conduite d'eau alimentant l'administration centrale du parc date de l'année 1949-1950. L'eau provenait du ruisseau Dickson dans lequel on avait installé un bassin collecteur. Un système de pompes conduisait l'eau jusqu'à un réservoir construit à flanc de coteau, situé à un niveau supérieur à celui du terrain de golf. Bien qu'en 1955, la capacité du réservoir ait été accrue, l'approvisionnement en eau était insuffisant pendant les périodes de faibles précipitations. Afin de répondre à la demande qui serait créée après la construction de nouveaux logements pour les visiteurs, on commence en 1957 l'installation de canalisations. En 1958 et 1959, on construit sur les pentes de la colline Hastings au-dessus du bureau principal du parc, deux réservoirs en béton d'une capacité de 15 911 hL et 455 hL ainsi qu'une chambre de vannes. L'eau provenait de la rivière Upper Salmon grâce à une station de pompage construite à l'embouchure du ruisseau Kinnie. Cette nouvelle installation est mise en service en avril 1969, et en novembre 1960, on complète l'aménagement d'un nouveau réseau de distribution dont la construction a nécessité 1 890 m de tuyaux en fer coulé. La construction d'une station de pompage en brique en 1959 et, l'année suivante, d'un réservoir en béton d'une capacité de 9 092 L permet d'alimenter suffisamment le nouveau terrain de camping de Point Wolfe. L'eau servant à cette installation provient de la rivière Point Wolfe. Quant au terrain de camping de Chignecto, il est alimenté par de l'eau provenant du réservoir de l'administration centrale, qui est pompée et acheminée vers un réservoir construit sur le terrain de camping pour être ensuite distribuée.
La piscine
La construction d'une vaste piscine extérieure creusée sur le littoral de la baie de Fundy à l'embouchure du ruisseau Dickson a permis l'aménagement d'une importante aire de loisirs dans le parc. Les travaux ont été entrepris en 1948 et achevés en 1950. La piscine est alimentée en eau salée provenant de la baie, l'eau étant ensuite filtrée et chauffée à l'intérieur du bâtiment attenant à la piscine. Cet édifice comprend également des vestiaires pour hommes et pour femmes ainsi que des locaux réservés à l'administration. Après l'ouverture du parc en 1950, un concessionnaire a exploité une buvette dans ce bâtiment pendant plusieurs saisons. En 1955, on a dû agrandir le vestiaire des hommes en raison de l'augmentation du nombre des baigneurs. Pour ce faire, on a déménagé la buvette que l'on a installée, la même année, dans un nouvel édifice construit à proximité du parc de stationnement public. En 1957, on a installé un coupe-vent en verre à l'extrémité sud de la piscine, afin de protéger les clients contre les vents soufflant de la baie.
Le terrain de golf
Dès ses débuts, le terrain de golf du parc a joui d'une grande popularité. C'est l'un des principaux architectes paysagistes du Canada, Stanley Thompson, qui avait, en 1947, choisi son emplacement, dans la vallée du ruisseau Dickson. Plus tard, Thompson entreprendra, sous contrat, l'arpentage du terrain et élaborera un plan général en vue de la création d'un terrain de 18 trous ainsi que des plans détaillés en vue de l'aménagement immédiat de neuf trous. La construction, commencée en 1948, est pratiquement terminée l'année suivante. Le parcours, qui comprend de nombreux accidents de terrain, est ouvert en juillet 1950. Un vaste pavillon construit en moellons de grès complète les installations. Ce pavillon comprend un salon, des bureaux, ainsi que des vestiaires pourvus de douches et de toilettes à l'usage des hommes et des femmes. En 1953, on accorde par voie d'adjudication publique une concession en vue de l'établissement d'un salon de thé dans le bâtiment. Après avoir rénové et agrandi la cuisine et les installations frigorifiques, on consacre la majeure partie du salon du pavillon au salon de thé afin de répondre aux besoins des visiteurs. Une petite boutique spécialisée, qui avait été construite en 1950 près du premier tee, sera remplacée par un plus grand bâtiment en 1962. Aux termes de son contrat, l'expert consulté pour la création du terrain de golf devait également élaborer des plans et des devis en vue de l'aménagement de courts de tennis et d'un boulingrin. Ces installations sont construites en 1950 près du pavillon du terrain de golf. On a en outre aménagé un vaste terrain pour la pratique des sports de plein air à l'est des courts de tennis et du boulingrin.
Autres attraits
En 1951, on a construit de nouvelles installations à l'intention des visiteurs, notamment une grande salle de réunion située à proximité du terrain de camping qui se trouve près du bureau principal du parc. Ce bâtiment, conçu pour servir de lieu de réunion et de divertissement aux visiteurs du parc, était réservé au public. De plus, on a aménagé un amphithéâtre en plein air comptant 800 sièges sur un emplacement situé près du centre administratif et dominant l'étang McLaren. Les plans prévoyaient également la construction d'un kiosque à musique dans lequel on pouvait installer un écran ce qui a permis la représentation de divers spectacles en plein air.
La pêche sportive
Le parc offre des possibilités diverses en ce qui concerne la pêche à la ligne. On trouve la truite mouchetée et la truite arc-en-ciel dans de nombreux petits lacs et ruisseaux et le saumon de l'Atlantique dans les rivières Upper Salmon et Point Wolfe. En 1950, on a entrepris des études biologiques portant sur les eaux du parc, et le rempoissonnement des lacs et des cours d'eau a donné des résultats satisfaisants. La construction en 1952 d'un barrage et d'un canal de trop-plein à la décharge du lac Bennett a fait monter le niveau de l'eau de 1,82 m et a eu des conséquences favorables pour la pêche. C'est dans ce lac et dans le lac Wolfe que les pêcheurs à la ligne ont attrapé les plus grosses truites.
En 1953, on a ouvert le barrage construit près de l'embouchure de la rivière Point Wolfe pour inciter le saumon à remonter le courant. Toutefois, cette tentative n'a pas réussi à accroître la pêche de façon significative, et elle a malheureusement entraîné l'assèchement de l'étang pittoresque situé en amont du barrage. En 1958, on fermera le pertuis du barrage et on installera des vannes d'écluse pour permettre le passage des saumons à marée haute à l'automne.
Quelques années après l'incendie qui, en 1952, avait détruit une usine près d'Alma, on a remarqué que la quantité de saumons dans les rivières Upper Salmon et Aima s'était nettement accrue. On explique cette augmentation par la disparition d'un barrage utilisé autrefois au cours de l'exploitation forestière et qui avait été emporté par les eaux en crue. En 1967, on entreprend le repeuplement du cours supérieur des rivières Point Wolfe et Upper Salmon. On espère que d'autres études et de nouveaux rempoissonnements permettront de repeupler en saumon ces importantes rivières.
Art et artisanat
Les visiteurs du parc qui aiment s'adonner à leur passe-temps favori utilisent largement les installations mises à leur disposition par l'école d'art et d'artisanat du Nouveau-Brunswick, qui est parrainée par le gouvernement de la province. Pendant plusieurs saisons, on a permis à l'école d'utiliser provisoirement la salle de réunion construite en 1951 à proximité du bureau central du parc. On se servait de la salle principale pour y exposer des travaux d'artisanat et on donnait des cours au soussol. Dès 1956, le ministère provincial de l'Industrie et du Développement est en mesure d'entreprendre la construction d'ateliers. Après avoir examiné plusieurs emplacements, on choisit le lot « C » du lotissement de Bayview qui domine la baie de Fundy. Deux bâtiments sont construits en août 1956 et, l'année suivante, on achèvera la construction de trois autres ateliers. Pour les alimenter en eau durant l'été, on prolonge la canalisation principale du parc. La province assume les frais de cette installation. En 1960, on autorise l'école à élargir le champ de ses activités en mettant à sa disposition deux nouveaux lots. En août de la même année, on construit un sixième bâtiment. Depuis lors, l'école est devenue une attraction populaire, et, chaque année, de nombreux visiteurs que l'on initie au tissage, au travail du cuir, du bois et du métal, viennent y acquérir une connaissance pratique dans le domaine de l'artisanat. Les artisans rapportent avec eux les pièces réalisées à l'école.
Programme d'interprétation
La topographie du parc, qui comprend à la fois des forêts, des campagnes et un littoral pittoresque baigné par les marées exceptionnelles de la baie de Fundy, se prête à l'étude des phénomènes naturels. Avant la mise sur pied d'un programme d'interprétation en 1961, un agent du Service canadien de la faune avait entrepris, en 1948, une étude, qui lui avait permis d'identifier 77 espèces d'oiseaux. Au cours de l'été de 1949, un agent saisonnier du parc entreprend une étude botanique qui lui fait découvrir une abondance de plantes parmi lesquelles il recueille 200 espèces afin de les disposer dans un herbier. On ouvrira en 1959 les premiers sentiers le long du ruisseau Kinnie et près des chutes du ruisseau Dickson. Après la nomination d'un naturaliste saisonnier en 1961, on organise des feux de camp et des excursions. Quatre ans plus tard, on nommera un naturaliste permanent qui, l'année suivante, sera aidé d'un adjoint saisonnier. L'ouverture du sentier Coppermine en 1960 et l'aménagement du sentier Beaverlodge en 1965 permettent d'étendre le réseau de sentiers. Dès 1968, plus de 65 000 visiteurs participeront au programme d'interprétation. On organise la même année à Herring Cove une exposition afin d'expliquer le phénomène des marées exceptionnelles de la baie de Fundy. Les articles d'exposition, notamment une maquette réduite de la baie et quatre panneaux d'illustration, seront installés en 1969. On prévoit organiser de nouvelles expositions ailleurs dans le parc, pour expliquer les aspects historiques et écologiques intéressants se rapportant tant au passé qu'au présent.
Recherche sur la culture de la pomme de terre
La présence d'une station de recherche sur la culture de la pomme de terre, construite sur un haut plateau à l'ouest d'Herring Cove, a donné au parc national de Fundy un caractère particulier. Avant la création du parc, le ministère fédéral de l'Agriculture y avait, pendant quelques années, poursuivi des essais en vue d'améliorer la culture de la pomme de terre. En raison de son isolement le terrain occupé convenait parfaitement à la culture de la pomme de terre, et, en 1947, on a permis l'utilisation permanente du sol pour une période de dix ans. En 1949, on cesse d'exploiter un petit terrain de moindre importance situé près de Herring Cove et, deux ans plus tard, on porte la superficie de la station de recherche à dix hectares. En 1958, on autorise l'exploitation de six hectares supplémentaires. Au cours des ans, on a modernisé la station en y construisant des bâtiments pour les services administratifs et l'entreposage. On a creusé des puits pour assurer l'alimentation en eau et on a entouré les champs de pomme de terre de clôtures pour empêcher les chevreuils de passer sur les terres cultivées.
On justifie l'occupation de cet emplacement en se fondant sur le fait que la recherche poursuivie fournit, de par sa nature même, un service aux Canadiens et qu'elle profite particulièrement à l'une des industries agricoles fondamentales de la province. Bien qu'on ait prolongé indéfiniment le délai initialement prévu pour l'arrêt de l'expérimentation dans le parc, des propositions relatives à la planification des terres ont en fin de compte mené à la décision d'installer ailleurs la station de recherche. En octobre 1970, à la suite d'audiences publiques tenues après la présentation de plans directeurs provisoires du parc national de Fundy, des représentants de Parcs Canada et du ministère de l'Agriculture conclurent une entente ayant pour objet de mettre fin aux recherches sur la pomme de terre à l'intérieur du parc. Un nouvel emplacement fut trouvé à Benton, au Nouveau-Brunswick, et le 31 décembre 1974, l'ancien emplacement de Herring Cove a été libéré.
Projets d'agrandissement du parc
Bien que le parc de Fundy soit parmi les plus petits du réseau, il est rapidement devenu si populaire que ceci eut pour effet de mettre à rude épreuve ses installations destinées au grand public. Les terrains de camping ont attiré un nombre toujours croissant de campeurs venant non seulement du Canada mais aussi de l'Est des États-Unis. En 1950, durant sa première année complète d'activité, le parc a reçu près de 63 000 visiteurs. Deux ans plus tard, le nombre total des visiteurs dépasse 100 000 personnes, et en 1960, ce chiffre a plus que doublé. Toutefois, au cours des années 60, le nombre des visiteurs s'est accru considérablement pour atteindre, en 1966, le chiffre record de 753 000. Entre 1967 et 1970, le taux de fréquentation du parc a légèrement baissé, mais la moyenne annuelle de visiteurs est demeurée nettement supérieure à 600 000. En 1971, le nombre de visiteurs s'élevait à 760 000.
De temps à autre, des propositions ont été faites par des organismes et des habitants du Nouveau-Brunswick qui préconisaient un agrandissement du parc vers l'ouest, afin d'inclure les terres qui bordent la baie de Fundy dans le comté de Saint-Jean. L'un des objectifs de ce projet était d'étendre le réseau routier du parc vers l'ouest, afin de permettre la construction d'une route côtière qui devait être appelée « Fundy Trail ». En raison de l'absence de propositions fermes de la part du gouvernement provincial, ce projet ne s'est pas réalisé. Toutefois, en 1967, on a légèrement agrandi le parc, en achetant deux petites parcelles contiguës à la route 114, à l'angle nord-ouest du parc afin d'empêcher tout aménagement inopportun le long de la limite du parc. Les négociations en vue de l'acquisition de nouveaux terrains situés aux abords de la route 114 et de l'ancienne route Shepody prennent fin en 1972, lorsque la Couronne reçoit de la société J.D. Irving Limited les titres de propriété de deux parcelles qui, ensemble, couvrent une superficie de 53 ha.
Entre temps, le parc national de Fundy, constitue de bien des façons, un avantage pour les Canadiens. Il préserve comme patrimoine naturel une région qui comprend le plateau des hautes terres calédoniennes et le littoral de la baie de Fundy et qui offre des paysages qu'on ne retrouve nulle part ailleurs au Canada. Le parc sert d'habitat à une variété d'animaux et il présente des possibilités exceptionnelles pour de nombreuses activités de loisirs de plein air. Les projets futurs d'utilisation et d'expansion du parc devraient contribuer à augmenter sa valeur auprès des Canadiens.
Références
1. Webster, J.C., An Historical guide to New Brunswick, Bureau d'information touristique du Nouveau-Brunswick, 1930.
2. Dossier F. 2 de la Direction des parcs nationaux, 12 mars 1926.
3. Telegraph Journal de Saint-Jean, 27 septembre 1929.
4. Hansard, 26 mai 1930.
5. Dossier F. 2 de la Direction des parcs nationaux, 12 novembre 1930.
6. Statuts du Nouveau-Brunswick, 21 George V, chapitre LVII (1931).
7. Dossier F. 2 de la Direction des parcs nationaux, 21 avril 1933.
8. Ibid., 9 mars 1937.
9. Statuts du Canada, 1 George VI, chapitre 35 (1937).
10. Hansard, 11 juillet 1947, p. 5592.
Le parc national de Terra-Nova
Le parc national le plus à l'est du Canada, Terra-Nova, est un exemple frappant des terres du littoral de Terre-Neuve. Situé dans la baie Bonavista, à environ 77 km au sud de Gander, il offre des aspects extraordinaires : promontoires rocheux, littoral fort échancré, arrière-pays recouvert d'arbres aux cimes ondoyantes. Le parc, d'une superficie de 396 km2, s'étend entre le bras nord-ouest de la baie Alexander et le fjord Clode. Il englobe également plusieurs îles situées au large de la section est du parc.
Les fjords qui délimitent ou découpent le littoral en sont les traits caractéristiques. Les glaciers ont façonné les rochers, laissant derrière eux sable, graviers et rochers. À la pointe des fjords Newman et Clode, les bancs sont constitués du sable et des graviers autrefois déposés par ces glaciers, tandis que les nombreux petits lacs d'eau douce et marécages situés à l'intérieur du parc ne sont que le résultat de l'action érosive des anciens glaciers qui les ont creusés en forme de cuvettes. L'influence exercée par la proximité de la mer est très marquée dans tout le parc. Le climat, touché par le courant froid du Labrador, dans l'océan Atlantique, se caractérise par des étés frais, des hivers doux et de nombreuses précipitations atmosphériques. En mai et en juin, il est fréquent d'apercevoir les icebergs de l'Arctique au large.
Les forêts qui recouvrent le parc sont de type boréal; les épinettes noires et les sapins baumiers en sont les espèces prédominantes. D'un bout à l'autre du parc, on rencontre des bouleaux et des peupliers blancs, qui, dans les vallées arrosées par des cours d'eau, viennent s'entremêler avec les aulnes et les érables rouges. Nombreux sont les terrains spongieux étroitement liés aux marais tourbeux de sphaignes. L'un des plus vastes est le « Gros Bog » situé dans la partie sud-ouest du parc. On peut également y voir des arbrisseaux tels que le laurier des marais, le cassandre caliculé, la sarracénie pourpre et le thé du Labrador. La faune y est peu variée; ce manque de diversité s'explique principalement par la situation de l'île, isolée du continent. Les caribous de Terre-Neuve qui autrefois ont émigré dans l'île par milliers, se montrent parfois aux alentours du parc. Par contre, les orignaux que l'on a transportés dans la colonie de Terre-Neuve en 1878, puis en 1904, sont une espèce répandue et on peut les voir paître le long de la route transcanadienne. On trouve également des ours noirs dans ce parc.
Premières propositions de création d'un parc
En 1947, pour la première fois, on a étudié la possibilité d'élargir le réseau des parcs nationaux jusqu'à Terre-Neuve. Pendant cette année, des membres de la Convention nationale de la colonie de la Couronne ont rencontré des représentants du gouvernement canadien à Ottawa pour déterminer « la base juste et équitable sur laquelle pourrait se fonder la confédération entre les deux pays ». La délégation terre-neuvienne était composée de : F.G. Bradley, c.r., président, et de six autres notables dont Joseph R. Smallwood. Le Canada était représenté par un comité de membres du Cabinet composé et présidé par Louis S. Saint-Laurent, secrétaire d'État aux Affaires extérieures. Les réunions ont eu lieu dans l'édifice central du parlement, du 25 au 29 septembre. Pendant ces jours, la délégation terre-neuvienne a été informée de la constitution canadienne et des fonctions attribuées aux divers ministères et organismes gouvernementaux. À leur tour, les Terre-Neuviens ont fourni des renseignements concernant leur province aux représentants du gouvernement. Les représentants provinciaux ayant demandé des renseignements, on leur a remis des documents spéciaux sur la création de parcs nationaux. Dans les documents fournis, il était clairement précisé que le gouvernement fédéral examinerait toute offre faite par n'importe quelle province désirant créer un parc national dans une de ses régions les plus remarquables tant sur le plan naturel que récréatif, à condition que le titre de propriété soit offert gracieusement, sans hypothèque, ni restriction. On a également déterminé la marche à suivre détaillée en vue de la création d'un parc national et les devoirs dont devrait s'acquitter un gouvernement provincial.1
Avant et après l'entrée de Terre-Neuve dans la Confédération le 31 mars 1949, des pourparlers ont eu lieu à Ottawa entre des hauts fonctionnaires du gouvernement terre-neuvien et ceux du Service des parcs nationaux du ministère fédéral des Mines et Ressources. Ces entretiens ont été suivis d'une requête officielle formulée le 24 décembre 1949 par l'honorable Edward Russel, ministre des Ressources naturelles, où il demandait l'examen de plusieurs régions provisoirement choisies dans la nouvelle province en vue de la création d'un parc national.2 La proposition a été acceptée par l'honorable Colin Gibson, puis par le ministre fédéral des Mines et Ressources, et en mai 1950, James Smart, chef du Service des parcs nationaux, a été chargé de visiter les régions choisies et de présenter un rapport.
M. Smart s'est d'abord rendu à Saint-Jean afin de discuter avec les autorités provinciales. Le garde de parc en chef de la province, le capitaine H.W. Walters, a été nommé pour l'accompagner pendant sa tournée d'inspection. Voici les lieux qui ont été proposés : les régions de la péninsule Avalon situées près de la rivière Salmonier et de la baie Placentia, la partie supérieure de la péninsule Burin située entre la baie Placentia et la baie Fortune, la région située dans la baie Bonavista ainsi que celle qui s'étend entre la baie Trinity et la baie Conception. Voici les critères adoptés en vue du choix d'une région propice à la création d'un parc : accessibilité aux grands centres urbains, un paysage caractéristique de la province, y compris un paysage côtier; emplacement attrayant pour les touristes de l'extérieur; lieu qui inciterait les visiteurs des autres provinces à y venir; accessibilité à partir de la route transcanadienne; un minimum de modification des installations permanentes des alentours.
Dans son rapport, M. Smart confirme que la région située dans la baie Bonavista au centre du fjord Newman convient le mieux pour créer un parc et si la province y consent, il en recommande le choix.3 Selon lui, la région, d'une superficie de 647 km2 environ, représentait le paysage maritime le plus remarquable de la province. La route transcanadienne traverse la partie occidentale du parc; ainsi la route du parc serait reliée à Saint-Jean, le plus grand centre urbain de Terre-Neuve, et à l'aéroport de Gander. Qui plus est, la région proposée qui regroupe bon nombre de cours d'eau et lacs d'eau douce ainsi qu'une partie de la rivière Terra-Nova est un lieu de pêche au saumon et à la truite de l'Atlantique. D'autre part, le choix serait fait de façon à déranger le moins possible les propriétaires de terrains privés et les habitants sédentaires.
Bien qu'en février 1951, le rapport ait été envoyé au sous-ministre des Mines et Ressources, pour qu'il en fasse part au ministre, la province de Terre-Neuve n'en a pas été informée. Cependant, le 13 février, M. Smart avisait le capitaine Walters qu'il préférait que le futur parc soit créé dans la baie Bonavista. À cette même date, on prévenait le capitaine Walters que la création immédiate d'un parc était peu probable étant donné qu'on ne voterait pas les crédits nécessaires à cette entreprise.
Aucune mesure officielle n'a été prise par la province jusqu'au 24 décembre 1953, date à laquelle le premier ministre Smallwood a envoyé une lettre au premier ministre fédéral, M. Saint-Laurent, l'informant que le gouvernement terre-neuvien acceptait la région proposée avec satisfaction et qu'on demandait au gouvernement fédéral d'entériner cette décision. Le premier ministre Smallwood, a suggéré que l'aménagement du parc soit retardé de deux ou trois ans. Au cours de cet intervalle le Canada pourrait envisager la construction d'une route menant au futur parc, route qui ne serait qu'un tronçon de l'autoroute transcanadienne.4
En février 1954, le premier ministre fédéral a informé M. Smallwood que, à la suite d'entretiens avec ses collègues, on avait approuvé la création d'un parc national à Terre-Neuve. M. Saint-Laurent a également affirmé que le gouvernement était prêt à instituer, dans le cadre du Parlement, des mesures législatives visant à déclarer parc toutes terres qui, selon le Canada et la province, répondaient aux exigences établies, à condition que la province présente au Canada un titre franc d'hypothèque. Le gouvernement canadien, dès réception de l'engagement de la province à présenter un titre exempt de frais et d'hypothèque, veillerait à la rédaction du projet de loi requis et à sa présentation au Parlement.5
M. Smallwood a aussi été clairement prévenu que le gouvernement fédéral était prêt à mener à bonne fin la création du parc, même s'il n'avait pas l'intention de commencer les travaux avant que les crédits ne soient disponibles. Cependant, le premier ministre affirmait que cette restriction ne devait pas retarder outre mesure la construction de la route transcanadienne qui traverserait le parc.
Pourparlers au sujet des limites
En octobre 1954, J.P. Murray, sous-ministre des Mines et Ressources de Terre-Neuve, entame les négociations par une lettre adressée à R.G. Robertson, sous-ministre des Affaires du Nord et des Ressources nationales, afin de délimiter les frontières du parc. Dans sa lettre, M. Murray remet en question le choix de la région de la baie Bonavista et du fjord Newman comme étant le plus propice à la création d'un parc national, et il demande à connaître les considérations qui ont déterminé ce choix. Il souligne l'importance des ressources forestières dans l'économie de la province et la nécessité de lui conserver toutes les bonnes régions forestières susceptibles d'être exploitées. Selon lui, une politique de mise en valeur des forêts du parc fondée sur le principe du rendement soutenu maximal serait une méthode efficace de fournir du travail aux forestiers et des matières premières aux industries, et la mise en oeuvre d'une telle politique contrebalancerait, dans une certaine mesure, les inconvénients que causerait le don de cette région en vue de la création d'un parc national.6
En outre, M. Murray a rappelé les besoins urgents de la province en matière d'énergie électrique additionnelle et il a affirmé catégoriquement qu'il ne pouvait recommander l'annexion de la rivière Terra-Nova au parc, à moins que le droit d'utiliser le potentiel hydro-électrique ne soit réservé à la province.
On a consulté J.A. Hutchison, directeur du Service des parcs nationaux, pour préparer la réponse à la lettre de M. Murray. M. Hutchison a expliqué les restrictions qu'imposait la Loi sur les parcs nationaux quant à l'utilisation ou à l'exploitation des ressources naturelles dans les parcs. D'après lui, il ne fallait pas envisager la mise en valeur commerciale des forêts des parcs d'après le principe du rendement soutenu et il ajoutait qu'en vertu de la loi, il ne pouvait y avoir production d'énergie hydroélectrique que pour les besoins du parc.
M. Robertson a rédigé sa réponse de façon à fournir aux autorités de Terre-Neuve toutes les raisons justifiant le choix de la région du fjord Newman comme endroit propice à la création du parc national proposé. Sa réponse comportait également un résumé détaillé des remarques qu'avait faites James Smart dans son rapport sur les divers emplacements visités. M. Robertson expliquait à M. Murray qu'en ce qui a trait au bassin hydrographique de la rivière Terra-Nova, la Loi sur les parcs nationaux interdisait l'aménagement hydraulique au sein d'un parc, si l'énergie qui y était produite devait être utilisée à l'extérieur. Parmi les solutions possibles, on envisageait la possibilité d'exclure du parc toute zone susceptible de servir à un aménagement hydro-électrique. En retour, on pourrait contrebalancer cette perte en ajoutant une autre zone. M. Robertson, à titre d'exemple, mentionnait le lac Maccles qui est situé à l'ouest, doté d'attraits naturels remarquables et bien connu pour la pêche au saumon.
Négociations relatives aux ressources forestières
La proposition d'exploiter les ressources forestières du parc a fait l'objet d'importantes négociations. Il y a eu des consultations avec l'honorable J.W. Pickersgill, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et député de Bonavista-Twillingate, qui avait reçu copie de la lettre de M. Murray, et avec l'agent forestier du Canada D.A. Macdonald. Tous deux étaient en faveur d'un plan d'aménagement forestier. Dans sa réponse à M. Murray, le sous-ministre offrait donc une concession qui dérogeait aux pratiques forestières en vigueur dans les parcs nationaux. A ce propos, il écrivait :
En vertu de la Loi et du règlement, il serait possible de mettre sur pied un programme de coupe relativement vaste, en vue de bien administrer et de bien protéger les forêts, compte tenu, bien sûr, de leur état. Il me semble qu'après avoir dressé un inventaire des ressources de la région, nous serions en mesure d'adopter un plan de coupe annuelle, lequel fournirait de nombreux emplois et une grande quantité de bois d'oeuvre. J'insiste sur le fait que toute coupe prévue par un tel plan devra se faire conformément aux meilleures pratiques forestières et sous la surveillance directe des agents du parc. On abattrait les arbres choisis et marqués par ces agents. La coupe effectuée à des fins commerciales, même en conformité avec les principes régissant la politique de la mise en valeur des forêts, n'est pas praticable dans une forêt qui doit être laissée en grande partie à l'état naturel pour répondre aux exigences du parc.7
En février 1955, l'honorable F.W. Rowe, ministre provincial des Mines et Ressources, informait l'honorable Jean Lesage, ministre des Affaires du Nord et des Ressources nationales, que le gouvernement de Terre-Neuve ne pourrait pas indiquer de limites pour le parc avant que ses fonctionnaires aient eu l'occasion de rencontrer leurs homologues fédéraux. À la même occasion, il exprimait l'espoir que le gouvernement fédéral poursuive l'élaboration de mesures législatives qui permettraient la création du parc une fois qu'il y aurait eu accord sur les frontières. Plus tard, en mai, M. Rowe s'est rendu à Ottawa et des dispositions furent prises pour que G.L. Scott, ingénieur en chef du Service des parcs nationaux, procède à une reconnaissance des éventuels terrains propices à la création d'un parc national à Terre-Neuve.8
M. Scott a visité la péninsule Burin, la baie Bonavista et les régions adjacentes, soit en empruntant les routes praticables, soit par hélicoptère; pendant son séjour, il a eu des entretiens avec un certain nombre de représentants de l'administration terre-neuvienne, y compris F.W. Rowe et son sous-ministre, P.J. Murray. M. Scott s'est rendu compte que les représentants provinciaux étaient fort peu disposés à ce qu'un parc national comprenne des terrains boisés pouvant être exploités commercialement. Le rapport d'une commission royale sur les conditions des forêts de Terre-Neuve, qui avait récemment été déposé devant le Parlement de la province, signalait que toute expansion de l'industrie provinciale du papier et de la pâte à papier nécessiterait une utilisation complète de la région productrice de l'île.
Au cours de ces entretiens, M. Scott a proposé l'annexion d'une région située à l'ouest du fjord Clode pour remplacer les terrains du bassin hydrographique de la rivière Terra-Nova qui étaient apparemment réservés en vue d'un aménagement hydro-électrique. Cette région, arrosée par le ruisseau North-West et d'autres cours d'eaux, comportait les particularités propices à la conservation de la faune et à la pêche sportive. Cependant, les représentants provinciaux hésitaient à se prononcer au sujet de cette région avant d'en avoir examiné les ressources forestières.9
Pendant ce temps, on présentait au Parlement un projet de loi qui modifiait la Loi sur les parcs nationaux et comportait des clauses conditionnelles en vue de la création d'un nouveau parc à Terre-Neuve. Accepté le 28 juin 1955, ce projet de loi autorisait la proclamation de la création du nouveau parc, une fois qu'un titre de propriété franc d'hypothèque et acceptable tant par le Canada que par la province aurait été cédé au Canada.10
Rapports provinciaux
Le 31 août 1955, le premier ministre de la province, M. Smallwood, a de nouveau écrit au premier ministre du Canada, M. St-Laurent, au sujet du parc. Il admettait que la partie nord-est de Terre-Neuve, connue sous le nom de Terra-Nova, représentait l'endroit le plus propice à l'aménagement d'un parc. Il serait, selon lui, quelque peu difficile de prendre une décision quant aux frontières du parc et de céder le terrain, et ce pour deux raisons. D'abord, la rivière Terra-Nova représentait un potentiel hydro-électrique qui serait manifestement exploité bientôt. Il était donc important que le parc n'englobe pas cette région; M. Smallwood a également mentionné le rapport de la Commission royale sur l'exploitation forestière, généralement connu sous le nom de rapport « Kennedy », dans lequel on indiquait que l'île était suffisamment boisée pour justifier l'implantation d'une troisième usine de papier. Par conséquent, ses collègues et lui pensaient qu'il était primordial que cette terre recouverte de bois nécessaire à l'exploitation d'une troisième usine de papier ne soit pas cédée au gouvernement fédéral en vue de la création d'un parc national. Toutefois, le gouvernement provincial et les deux sociétés de bois déjà existantes proposèrent d'entreprendre une étude détaillée sur les ressources en bois que l'île offrait, étude qui dès le début, porterait sur la région proposée en vue de la création d'un parc.11 Frank Jenkins, forestier-conseil, a été chargé de l'enquête.
À la fin de décembre 1955, la démarche importante suivante a lieu lorsque le premier ministre Smallwood fait parvenir à l'honorable J.W. Pickersgill une lettre dans laquelle il accuse réception du rapport « Jenkins » sur les ressources en bois de la région proposée pour la création du parc. Le rapport révèle que la région est constituée à environ 60 pour 100 de terrains boisés productifs sur lesquels se trouve une grande quantité de bois à pâte vendable. D'après le premier ministre, ces données semblent exclure la possibilité de créer le parc dans la région à moins que l'on ne prenne des dispositions pour que la troisième usine de papier puisse utiliser le bois, si elle était établie.12
Le contenu de cette lettre est porté à la connaissance du ministre des Affaires du Nord et des Ressources Nationales, l'honorable Jean Lesage, et à son sous-ministre, R.G. Robertson. On consulte alors le directeur du Service forestier, D.A. Macdonald, au sujet de la possibilité, soit de couper le bois et d'en faire le commerce, soit de faire de cet endroit une station d'expérimentation forestière au sein du parc. M. Macdonald se montre réticent, car il existait déjà cinq stations similaires au Canada. Les hauts fonctionnaires du service forestier trouvent également difficile d'émettre une opinion au sujet de la coupe du bois en se fondant sur les renseignements dont ils disposent à ce moment-là.
Les choses sont restées inchangées jusqu'au 2 octobre 1956, date à laquelle M. Pickersgill, M. Lesage et son sous-ministre, M. Robertson, ont discuté de l'impasse à laquelle ils avaient abouti quant à la création du parc et, surtout, de la question de l'exploitation des zones boisées. M. Pickersgill est d'avis qu'il suffirait probablement, pour en arriver à une entente définitive sur le parc, d'élargir quelque peu la proposition d'aménagement des forêts au sein du parc que M. Robertson avait présentée dans sa lettre du 26 octobre 1954 à M. Murray. M. Pickersgill proposait qu'une fois la troisième usine de papier établie, il faudrait étudier la coupe du bois en fonction des besoins de l'usine, compte tenu des conditions suivantes : faire la coupe de façon scientifique et sous le contrôle des autorités du parc; accomplir toutes les activités dans des zones que ne voient pas les visiteurs; vendre le bois ainsi coupé au gouvernement provincial ou aux exploitants de l'usine de papier, au prix fort du marché.13
Après avoir examiné la proposition de ses hauts fonctionnaires, le 17 octobre, M. Lesage informe M. Pickersgill que, pour le bois adulte et le bois ayant dépassé l'âge de la coupe, l'insertion du paragraphe suivant pourrait apporter des modifications à la proposition déjà formulée :
En général, le ministère des Affaires du Nord et des Ressources nationales serait prêt à procéder à la coupe du bois adulte et du bois ayant dépassé l'âge de la coupe, en veillant toutefois à ne pas nuire au reboisement naturel des forêts, c'est-à-dire à ne pas dépasser le taux annuel de régénération. Ce bois serait d'abord utilisé pour les besoins du parc. Le ministère accepterait de vendre le bois d'oeuvre excédent à des taux commerciaux et, de préférence, à une troisième usine de papier et de pâte à papier si une telle usine était établie à Terre-Neuve.14
De plus, la proposition comportait une condition relative à l'exclusion de la coupe des arbres bordant les routes et poussant aux alentours de l'administration centrale et dans les zones aménagées à l'intention des touristes.
Entente
Il semble que ces renseignements aient été immédiatement transmis à M. Smallwood, car le 13 novembre, le Premier ministre informe M. Lesage qu'il a été mis au courant de la possibilité qui existe de permettre la coupe dans le parc du bois à maturité et du bois en voie de dépérissement, tout en respectant la régénération naturelle annuelle des forêts et de vendre le bois d'oeuvre non utilisé pour les besoins du parc, de préférence, à une troisième usine, une fois cette dernière implantée dans la province. Il va de soi que la certitude d'un tel compromis écarte le dernier obstacle qui s'opposait à la création du parc, ainsi que M. Smallwood le confirmait :
J'ai consulté mes collègues et nous avons conclu qu'une telle certitude dissiperait nos craintes. Nos fonctionnaires sont maintenant prêts à rencontrer ceux de votre ministère pour discuter de la délimitation des frontières du parc, afin de procéder à la cession du terrain le plus tôt possible de façon que la création du parc ne soit pas remise à plus tard.15
Il y a donc eu par la suite entretiens et échanges de lettres entre les agents des ministères fédéraux et provinciaux concernés par l'administration des parcs nationaux et des ressources naturelles. Dans une lettre adressée à l'honorable W.J. Keough, ministre provincial des Mines et Ressources, M. Lesage a confirmé la politique qui régirait l'utilisation du bois à maturité et du bois en voie de dépérissement au sein du parc. Une autre proposition visant à annexer au parc une région située aux alentours de la rivière Northwest, à l'ouest du fjord Newman, a été rejetée lorsque M. Keough a déclaré que la région offrait des possibilités d'aménagement hydro-électrique. Finalement, c'est le 14 février 1957 que M. Keough présente, au nom de la province de Terre-Neuve, le titre de propriété des terrains acceptables, qui sont divisés en deux parties par une bande de terre nécessaire pour faciliter l'aménagement hydro-électrique de la rivière Terra-Nova, si la province décidait d'en entreprendre la réalisation. Dans sa réponse, M. Lesage propose que la bande de terre séparant les deux zones soit exclue du transfert du droit de propriété, mais qu'une description distincte de chacune des zones soit fournie. Il ajoute que, au cas où la province aurait besoin plus tard de la plus petite des zones pour un aménagement hydro-électrique, le gouvernement fédéral, d'un commun accord, renoncerait à son droit de propriété grâce à une loi du Parlement. Cette proposition est acceptée, et en mars 1957, on se met d'accord sur les limites du parc.17 La limite occidentale décrit une ligne irrégulière vers le sud depuis l'est de Trayton dans la baie Alexander jusqu'à un endroit situé à l'est de la rivière Northwest dans le fjord Clode. La région comprend le fjord Newman, toute la côte nord du fjord Clode et les îles avoisinantes qui leur font face, y compris l'île Swale qui s'étend sur une longueur de huit kilomètres.
Le 2 avril 1957, par décret du conseil exécutif, le gouvernement de Terre-Neuve cède au Canada une région d'une superficie de 404 km2, cession qui est acceptée le 11 avril 1957 par un autre arrêté en conseil fédéral. Le 12 mars 1957, MM. Keough et Lesage signent l'accord proposé qui prévoit l'exclusion de tout terrain du parc dont Terre-Neuve aurait besoin pour un aménagement hydro-électrique.18 Conformément à la loi adoptée en 1955, le nouveau parc qui, par la suite, est appelé Terra-Nova, est créé par voie de proclamation dans la Gazette du Canada du 11 mai 1957. Après une étude des limites du parc faite en 1958, on a précisé que le parc allait couvrir une superficie de 396 km2.
Ainsi, par la création du parc de Terra-Nova, le réseau des parcs nationaux s'étendait jusqu'à la partie la plus orientale du Canada. Il gardait comme bien public une partie grandiose et magnifique du littoral Atlantique de Terre-Neuve. Le parc et ses caractéristiques ne répondaient pas cependant tout à fait aux espoirs des agents des parcs nationaux qui firent les premières visites sur le terrain. Le parc ne renfermait aucune zone pouvant accueillir le caribou des bois, espèce de la famille des cervidés, qui, autrefois, peuplait l'île par milliers. Les plaisirs de la pêche au saumon ne pouvaient être offerts aux visiteurs et, sur les forêts du parc, planait la menace d'une coupe quasi-commerciale destinée à absorber l'accroissement annuel si l'industrie du papier et de la pâte à papier de la province se développait. On pouvait lire dans l'éditorial de l'Evening Telegram de Saint-Jean :
D'après les derniers rapports de la presse canadienne, la superficie du parc national de Terre-Neuve est passée de 1036 km2 ou plus à 388 km2 répartis de chaque côté de la route qui traverse l'île. Cette diminution réduira considérablement la valeur du parc comme lieu de refuge pour la faune, comme endroit propice aux études scientifiques et comme lieu de divertissement pour vacanciers ...
Il est regrettable que sur une superficie de 414 398 km2, on n'ait pu créer un parc national de 1 000 à 1 300 km2, sans que toutes nos industries ne soient menacées. Dès 1950, le gouvernement fédéral est prêt à établir un parc national à Terre-Neuve, mais le gouvernement provincial hésite depuis sept ans et son comportement révèle qu'il serait ravi de réserver une région à la création d'un parc national, à condition que le gouvernement fédéral lui permette d'implanter une usine de pâte à papier au beau milieu du parc, ou d'y ouvrir une mine, ou d'y établir plusieurs scieries, ou encore d'y construire des barrages et des canaux en vue d'un aménagement hydro-électrique ...
Les lecteurs qui se rappellent les articles enthousiastes et les magnifiques photos publiés dans le Telegram au cours de ces trois dernières années au sujet de la région proposée pour la création d'un parc national et qui connaissent bien les beautés maritimes et terrestres des fjords Clode et Newman et de la baie Alexander, seront fort déçus d'apprendre que le parc national n'a pu comprendre une plus grande partie de cet endroit idéal et s'est vu réduit, à cause de manoeuvres politiques, à un simple droit de passage pour grand-route.19
Rétrospective historique
Terre-Neuve est une des premières régions d'Amérique du Nord découvertes par les Européens. D'après certains historiens, Jean Cabot est arrivé au cap Bonavista le 24 mai 1497. Saint-Jean, capitale de la province, doit son nom à la fête de Saint-Jean-Baptiste, célébrée un mois plus tard. En 1583, par l'intermédiaire de Sir Humphrey Gilbert, l'Angleterre faisait valoir son premier droit de possession de l'île. Terre-Neuve, colonie de la Couronne ou colonie autonome de la Grande-Bretagne pendant plus de 300 ans, est devenue la dixième province du Canada en 1949.
La pêche en eau côtière de Terre-Neuve retenait l'attention du monde entier et a été à l'origine d'un bon nombre des premières colonisations. La première tentative d'établissement en permanence sur l'île a été faite à Cupids dans la baie de la Conception en 1610. On pense que la première occupation permanente des environs du parc remonte au XVIIe siècle. Dans son histoire de Terre-Neuve, R.H. Tait mentionne que Bonavista est l'une des plus anciennes agglomérations et que la première école de l'île y a été ouverte en 1726.20 Salvage, située dans la baie Bonavista, date également des premiers jours de la colonisation, et Happy Adventure, située à l'est de la limite du parc, a été fondée en 1868. Les régions aux alentours des fjords Newman et Clode seront colonisées plus tard; le souvenir en est perpétué dans des villages aux noms variés tels Trayton, Sandringham, Eastport, Charlottetown et Port Blandford.
L'utilisation du bois d'oeuvre pour la construction navale a entraîné l'expansion de l'industrie du bois, et la population, dispersée en petites collectivités établies le long des baies et des passages, comptait surtout sur la pêche et l'exploitation forestière comme moyens d'existence. Une grande partie du parc a subi une coupe intense et plusieurs petites scieries étaient encore en activité en 1957. La plupart d'entre elles fonctionnaient à la vapeur, qui provenait de chaudières où l'on faisait brûler du bois, et quelques-unes étaient hydrauliques. Les incendies étaient fréquents sur les emplacements des scieries et, de temps à autre, les forêts environnantes brûlaient. Dès 1950, un grand nombre d'exploitants de petites scieries doivent cesser leurs activités en raison d'une part de la pénurie de billots ayant une valeur commerciale et, d'autre part, de la concurrence des négociants qui importaient du bois de construction à meilleur prix du reste du Canada. Quelques propriétaires des scieries les plus grandes et les mieux aménagées ont pu poursuivre leurs activités jusqu'à ce que le gouvernement acquière leurs terrains en 1957 en vue d'en faire un parc national. Les usines Turner, à l'embouchure du ruisseau Saltons, et Lane, à la pointe du fjord Newman, figurent parmi les dernières usines que l'on a fermées. À Minchins Cove, toujours sur le fjord Newman, mais un peu à l'est, se trouvaient les usines Powell et King. Une usine est restée en activité à Charlottetown, car cette ville ainsi qu'un petite région environnante ont été exclues du parc lors de sa création.
Premiers travaux d'aménagement
À la suite d'un accord conclu entre le Canada et la province au sujet des limites du nouveau parc, on entreprend l'aménagement de ce dernier en mai 1957. Les travaux sont surtout exécutés sur l'emplacement réservé à l'administration du parc, à la pointe du fjord Newman. Le directeur intérimaire du parc, Fred Dunphy, surveille les travaux d'arpentage visant à délimiter l'emplacement des bâtiments, des routes menant au parc et des installations destinées à l'hébergement des visiteurs. On installe un campement provisoire pour les ouvriers au quai de Lane et on recrute du personnel administratif. Les premiers matériaux et fournitures sont transportés par route, de la gare de ravitaillement située à la baie Alexander jusqu'à Happy Adventure et ensuite expédiés par bateau à l'administration centrale où ils sont débarqués sur un quai. Dès juillet 1957, on peut se rendre de la voie ferrée au ruisseau Salton par la route (transcanadienne ou autre), ce qui permet de réduire à moins de trois kilomètres le trajet qui doit se faire en bateau. En 1957, on construit des édifices provisoires qui comprennent deux dortoirs, une cuisine, une buanderie, et plusieurs petits bâtiments. En juin 1958, J.H. Atkinson est nommé directeur permanent, et, au cours de la même année, on accélère la construction de routes, d'installations pour les visiteurs et de bâtiments, qui sont destinés à servir en permanence. On instaure un service de garde placé sous la direction de Ben Roper et on entreprend un programme d'aménagement des forêts. L'avancement des travaux de construction sur le tronçon nord de la route transcanadienne a progressivement permis aux véhicules transportant les matériaux essentiels d'utiliser cette voie d'accès.
Bâtiments du parc
L'emplacement réservé à l'administration du parc, où l'on avait l'intention de construire des bâtiments pour le matériel d'entretien, un immeuble pour l'administration et des logements destinés au personnel, se trouve sur une bande de terre dominant le fjord Newman et accessible par les routes partant de la Transcanadienne. Les premiers bâtiments permanents construits en 1958 comprennent quatre maisons individuelles et deux duplex pour le personnel, un entrepôt, un atelier, une station génératrice d'électricité et un hangar destiné à l'entreposage du bois de construction. En 1959, on achève la construction d'une jolie résidence pour le directeur, sur une hauteur dominant le fjord Newman, et, au cours de la même année, on érige un nouveau quai et un bâtiment contigu destiné à l'armement des bateaux, et on érige un garage central dans la partie du parc réservée au matériel d'entretien.
On aménage des installations pour assurer l'approvisionnement en eau, en creusant deux puits à proximité de l'embouchure du ruisseau Big et en construisant un réservoir d'une capacité de 909 hL, alimenté par des pompes. L'immeuble de l'administration, dont la construction a été entreprise en 1959, a été mis en service, une fois terminé, en 1960. L'année suivante, on achève l'érection d'un bureau de renseignements le long de la route menant à l'immeuble de l'administration. Un appontement de béton contigu au quai du bureau principal est bâti en 1962, et les employés du parc construisent un nouveau bateau patrouilleur de 13 m de longueur.
Hébergement
Très tôt, on s'est préoccupé de fournir des logements aux visiteurs, à l'intérieur du parc. En 1957, on élabore des plans en vue de faire construire par le Service des parcs nationaux un ensemble de chalets sur le fjord Newman, à environ 800 m au sud du quai. Les dix premiers chalets, dont cinq constituent chacun un appartement et les cinq autres sont divisés en deux appartements, sont construits pendant l'hiver de 1958, tel que prévu par les programmes de construction. En 1960, on achève une route qui conduit aux chalets, et cette année-là, on loue les bâtiments à un concessionnaire, après adjudication publique.
En 1961, neuf autres chalets d'un appartement sont construits sur la concession. Pendant les deux premières années d'exploitation, un chalet comportant deux appartements avait été mis à la disposition du concessionnaire pour qu'il y installe ses bureaux et y loge son personnel. Toutefois en 1962, on ajoute à l'ensemble un nouvel immeuble abritant les locaux administratifs et les services, qui comprennent un restaurant pouvant accueillir 32 personnes, une épicerie et un magasin de souvenirs, une grande cuisine, ainsi que des logements pour l'exploitant et son personnel.
Ouverture officielle
En mai 1960, l'avancement des travaux d'aménagement du parc incite l'honorable Alvin Hamilton, ministre des Affaires du Nord et des Ressources nationales, à envisager l'ouverture officielle du parc pour 1961. C'est pourtant l'honorable Walter Dinsdale, qui a succédé à M. Hamilton en octobre 1960, qui sera l'hôte officiel de la cérémonie. Le 15 juillet 1961, jour d'ouverture du parc, la route transcanadienne qui traverse le parc sur une distance de 43 km est achevée et asphaltée et des bâtiments adéquats destinés à l'administration, au personnel et au matériel d'entretien sont construits. L'aménagement d'un terrain de camping équipé est entrepris et plusieurs emplacements de pique-nique sont installés le long de la route principale.
Les cérémonies se déroulent à proximité du quai du parc, sur le fjord Newman. L'honorable William J. Browne, député de Saint-Jean ouest, qui remplit également les fonctions de solliciteur général, fait office de président. Le premier ministre de Terre-Neuve, Joseph R. Smallwood, et l'honorable Walter Dinsdale prononcent les discours d'inauguration. Au nom des habitants de Terre-Neuve, le premier ministre remercie le gouvernement canadien pour la collaboration qu'il a apportée à la création du parc que M. Smallwood qualifie de « bénédiction du ciel » et de « don de Dieu ».21 M. Dinsdale émet quelques remarques à propos du nom de « Terra-Nova » donné au nouveau parc. Il prévoit que « le parc constitue une terre nouvelle également pour les Canadiens, qui viendront en nombre toujours croissant admirer les plus beaux paysages de Terre-Neuve, pour les visiteurs américains qui découvrent déjà dans la province de nouvelles perspectives de vacances, et pour les émigrants de Terre-Neuve qui peuvent maintenant retourner chez eux pour passer des vacances dans un merveilleux parc national qui donne une image vraiment fidèle de l'île. » M. Dinsdale a mis fin à la cérémonie en hissant le drapeau canadien.
Construction de routes
Le tronçon de la route transcanadienne, long de 42 km, qui traverse le parc dans presque toute sa longueur, constitue l'une de ses principales caractéristiques. À l'origine, le gouvernement provincial prévoyait de construire la route transcanadienne sur un parcours de 1,6 à 8 km à l'est de la voie ferrée, mais au cours des négociations qui ont abouti à la création du parc, on a décidé de faire passer la route plus près du fjord Newman. En avril 1955, le premier ministre Smallwood, adresse une lettre au premier ministre du Canada, M. St-Laurent, dans laquelle il lui explique qu'il ne restera à construire à la fin de l'année qu'un seul tronçon relativement court de la route traversant la province et dont la plus grande partie doit traverser le futur parc. Ayant hâte de voir la route achevée, M. Smallwood demande qu'on lui garantisse que le gouvernement fédéral remboursera à la province le coût de la construction de toute partie éventuelle de la route qui serait comprise dans le parc. La demande est acceptée, à condition que le Service des parcs nationaux soit consulté quant au choix du parcours et que le parc national soit créé dans l'année qui suivra l'achèvement de l'aménagement de la route.
À la suite d'un arpentage préliminaire entrepris en octobre 1955 par G.L. Scott, ingénieur en chef de la Direction des parcs nationaux, on décide de construire une autre route. M. Scott était accompagné de deux agents du gouvernement de Terre-Neuve et d'un fonctionnaire du Service canadien de la faune. La route choisie, qui part d'un endroit situé près de la gare de la baie Alexander, se dirige vers l'est et rejoint presque le bras sud-ouest de la baie Alexander, et, de là, elle descend vers le sud en traversant les hautes terres situées à l'ouest du fjord Newman pour atteindre Charlottetown sur le fjord Clode. À partir de Charlottetown, elle longe le passage en direction de l'ouest, jusqu'à la limite du parc.
En 1956, la province accorde un contrat en vue de la construction d'un tronçon de la route au nord du ruisseau Big, mais après la création du parc en 1957, l'achèvement de ce tronçon et la construction de la partie sud de la route sont placés sous la surveillance du ministère fédéral des Travaux publics. En 1959, on relie les tronçons nord et sud, et dès novembre le régalage de toute la route est achevé. En 1960, la partie de la route qui traverse le parc est recouverte d'asphalte sur une largeur de 13 m.
C'est entre 1958 et 1960 que l'on construit la plus grande partie du réseau routier dans la zone du parc réservée à l'administration centrale. Ces routes mènent aux bâtiments du service d'entretien, au quai du parc, aux logements du personnel, au bureau principal, ainsi qu'aux terrains de camping et de pique-nique du fjord Newman. Les routes conduisant aux tours de détection des incendies sur les collines Blue et Ochre sont tracées en 1958 et recouvertes de gravier en 1959, mais elles ne deviendront des routes secondaires, répondant aux normes de construction prévues, qu'en 1964. En 1958, le gouvernement fédéral, en collaboration avec la province, entreprend la construction d'une route, partant de la Transcanadienne et menant au parc de Terra-Nova. Plus tard, entre 1959 et 1967, la partie de la route qui traverse le parc sur une longueur de 3,5 km sera améliorée grâce à des travaux d'élargissement, de nivellement et d'installation d'un revêtement de gravier. En 1961, on entreprend d'importants travaux en vue de construire une nouvelle route secondaire afin de relier la Transcanadienne à Eastport. Les travaux sur la partie de la route située dans le parc comportaient un tronçon de huit kilomètres difficile à construire, qui comprenait l'aménagement, sur une distance de près de deux kilomètres, d'une chaussée remblayée de pierres destinée à traverser l'embouchure de l'anse Broad. Achevée en septembre 1965, cette nouvelle route offre aux visiteurs qui l'empruntent des vues intéressantes sur la baie Alexander, l'anse Broad et le bras Sud-Ouest.
Aménagement des terrains de camping
Étant donné que les habitants de Terre-Neuve sont particulièrement amateurs de loisirs de plein air, les premiers plans d'aménagement du parc prévoyaient l'installation de terrains de camping et d'aires de pique-nique. Le principal terrain de camping était situé à la pointe du fjord Newman, au sud du siège administratif du parc, sur un emplacement où étaient autrefois installés les logements des employés de la scierie de Lane. La première partie du terrain de camping est déblayée en 1959. L'année suivante, on construit trois abris-cuisines, et on procède à l'installation de l'eau, de l'électricité et d'un système d'égout. Bien que le terrain de camping ne soit pas encore officiellement ouvert, des campeurs audacieux l'utilisent en 1960 et 1961. Au début de la saison de 1962, 100 emplacements sont mis à la disposition des visiteurs, et on commence à délivrer des permis de camping. On construit ensuite d'autres abris-cuisines, une buanderie et des bâtiments abritant des toilettes et des douches, et, dès 1963, l'aménagement de la première partie du terrain de camping, qui comporte 125 emplacements, est achevé.
On entreprend en 1964 la préparation de la deuxième partie du terrain, destinée à fournir 210 emplacements de camping, mais, à la fin de la saison de 1966, le nombre d'emplacements s'élève à 332, et les campeurs peuvent disposer d'abris-cuisines, d'une buanderie et d'installations sanitaires. Les derniers travaux d'aménagement du terrain de camping du fjord Newman commencent en 1967, alors qu'on s'attaque à la réalisation de la troisième partie du programme de construction. Après l'installation des services et la construction des bâtiments nécessaires, cette partie, qui comprend 85 emplacements, est ouverte au public en 1968. Pendant la saison de 1968, le parc a accueilli plus de 100 000 campeurs.
En 1971 on exécute des travaux à proximité de la route 39, dans la baie Alexander, en vue de l'établissement d'un nouveau terrain de camping.
En 1967, on décide d'offrir aux visiteurs la possibilité de faire du camping dans des endroits plus éloignés; à cette fin, on aménage deux terrains de camping sauvage sur le fjord Newman à l'anse Minchin's et à l'anse South Broad. Ces deux endroits, accessibles par bateau, étaient autrefois habités par des collectivités qui y exploitaient des scieries. On y construit des quais, et en 1969, le terrain situé à l'anse South Broad est équipé et prêt à recevoir des visiteurs. Quant au terrain de l'anse Minchin's, il n'est pas encore entièrement achevé.
Aménagement d'aires de pique-nique
Après l'achèvement de la route transcanadienne, le directeur du parc a fait aménager plusieurs aires d'utilisation diurne ou de pique-nique le long de la route, pour permettre aux visiteurs de s'y arrêter pour manger ou se reposer. En 1960, des emplacements de pique-nique pourvus de tables et d'eau douce sont ouverts au ruisseau Cobbler's sur le fjord Clode, au ruisseau South West, au nord du bureau principal du parc, et à Burnt Point, le long de la route d'Eastport, à 1,6 km à l'est de Trayton. Entre 1961 et 1967, on installe une aire de pique-nique bien équipée près du terrain de camping du fjord Newman. Un autre terrain de pique-nique est également installé à l'embouchure du ruisseau Saltons et relié par une route à la Transcanadienne. D'autres terrains de pique-nique plus éloignés ont aussi été aménagés à la plage Platters, sur le fjord Clode, en 1967 et à la pointe du bras Sud-Ouest en 1969. Le bateau reste le seul moyen de se rendre au terrain de la plage Platters; par contre, on peut se rendre en voiture par la route transcanadienne jusqu'au terrain du bras Sud-Ouest, grâce à l'installation, en 1969, d'un vaste parc de stationnement à cet endroit.
Aire d'utilisation diurne de l'étang Sandy
Au début de 1964, on entreprend l'aménagement d'une aire de loisirs destinée au public à l'étang Sandy, situé à environ sept kilomètres au sud-ouest du bureau principal du parc. La même année, on construit une route menant à cet étang et un parc de stationnement; on nettoie la future plage et on défriche les emplacements destinés à servir d'aires de pique-nique. On inaugure l'aire de loisirs en juillet 1965, après y avoir construit un vestiaire pour les baigneurs et un abri-cuisine, et après y avoir installé l'eau et des toilettes. L'étang bordé par une plage de sable en pente procure aux adultes et aux enfants l'avantage de se baigner sans danger. Un barrage provisoire en bois à la décharge de l'étang, construit en 1965, permet de maintenir un niveau d'eau convenable pendant toute la saison estivale. En 1968, on remplacera cet ouvrage par un barrage en béton. La popularité de l'aire de loisirs, qui ne fait que s'accroître après la construction d'une promenade bordée d'un garde-fou le long de la plage, incite les autorités à mettre un autre parc de stationnement à la disposition des visiteurs. En 1970, on agrandit l'aire de pique-nique, on aménage une autre partie de la plage artificielle et on asphalte les deux terrains de stationnement.
Protection des forêts
Immédiatement après la création du parc, on a pris des mesures en vue d'assurer la protection des forêts. Le Conseil du Trésor a consenti à ce que la lutte contre les incendies de forêts soit menée pendant l'année financière 1957-1958 par le ministère des Ressources de Terre-Neuve, et aux frais de ce dernier, en attendant la mise sur pied d'un service de protection du parc. En 1958, on instaure un service de garde du parc, on construit des logements pour le personnel à proximité du bureau principal et on installe un poste de garde le long de la route transcanadienne, près du village de Charlottetown. Au cours de la même année, on érige une tour de détection des incendies sur la colline Ochre, à mi-chemin entre les fjords Newman et Clode, et, en 1962, on en construit une autre sur une hauteur dominant l'étang Blue Hill. On accédait à ces deux tours par des routes partant de la Transcanadienne qui ont été améliorées par la suite. En 1961, on érige des postes de surveillance à l'étang Dunphy et à park Harbour. On accède au premier poste par un sentier partant de la Transcanadienne et au second par bateau.
En 1965, on installe une troisième tour de détection des incendies sur une hauteur dominant la rive ouest de l'étang Dunphy. La tour, connue sous le nom de Gros Bog, est mise en service en 1966, lorsqu'elle est reliée à la route Terra-Nova par un sentier qu'empruntent les motoneiges. Située à une altitude de 216 m au-dessus du niveau de la mer, elle offre une vue remarquable sur la partie sud-ouest du parc. Au cours du printemps de 1970, on construira une autre tour de détection des incendies sur la colline Park Harbour. Les parties qui constituent ce bâtiment de conception tout à fait nouvelle ont été transportées sur les lieux par hélicoptère. Une fois terminée, la tour offre une excellente vue sur le territoire compris entre les fjords Newman et Clode, supprimant ainsi le besoin d'utiliser la tour située sur la colline Ochre pour la détection des incendies. Par conséquent, cette tour, ainsi que le sentier de promenade de la colline Ochre, ont été mis à la disposition du service d'interprétation du parc.
La protection des forêts a été largement facilitée par l'installation d'un réseau radiotéléphonique qui permettait au bureau principal du parc de communiquer avec les postes de garde, les tours de détection des incendies et la plupart des véhicules qui circulent dans le parc.
Eau et électricité
Dès 1965, la canalisation d'eau du bureau principal du parc ne suffit plus à répondre aux besoins créés par l'utilisation des terrains de camping et des autres installations. Cette année-là, on prend des mesures en vue d'aménager une canalisation destinée à amener de l'eau de l'étang Rocky. La nouvelle installation d'eau a nécessité la construction d'un grand réservoir souterrain et d'une station de pompage à proximité de l'ancien réservoir à douves en bois. Au début de 1966, on procède à la mise en place d'un nouveau réseau de distribution, destiné à alimenter en eau les parties deux et trois du terrain de camping du fjord Newman. À la fin de l'automne de la même année, on achève la construction de la conduite d'eau qui part de l'étang Rocky ainsi que du réservoir principal, mais le nouveau réseau ne pourra être mis en service qu'en 1967, en raison de la durée des travaux d'installation du matériel de pompage et de dispositifs de javellisation de l'eau, des essais et des autres travaux essentiels.
À la suite du besoin croissant d'énergie électrique, qui était initialement produite par une centrale diesel située dans la zone d'entretien et de réparation contiguë au bureau principal du parc, on entame des négociations en 1965 avec la Compagnie d'électricité de Terre-Neuve, afin que cette dernière prolonge ses lignes de transport à partir de Traytown. Après la conclusion, en avril 1966, d'un accord prévoyant l'octroi d'une concession d'électricité, la compagnie a construit une ligne de transport de courant triphasé, longue de 16 km environ, jusqu'au bureau principal du parc. Aux termes de cet accord, le gouvernement canadien a versé une importante somme en espèces pour contribuer aux frais de l'installation. En 1966, on déblaie l'emprise et on pose la ligne électrique, et, en janvier 1967, le branchement est entièrement terminé. L'accord conclu confierait à la compagnie l'exclusivité de la vente d'énergie électrique au gouvernement fédéral, lequel garderait le droit de la revendre aux clients du parc. Une partie de l'ancienne centrale est conservée pour servir dans les cas d'urgence.
Programme d'interprétation du parc
Un programme d'interprétation est inauguré dans le parc de Terra-Nova en 1967, après que l'on eut embauché un naturaliste du parc et un naturaliste adjoint. Cette année-là, on invite les visiteurs à participer à des promenades dans la région du fjord Newman, ainsi qu'à des causeries agrémentées par la projection de diapositives et de films, qui avaient lieu près du terrain de camping du fjord Newman. La même année, on ouvre le sentier de promenade de la pointe Sandy le long du littoral du fjord Newman, au nord du quai du parc. En 1968, on trace un autre sentier à proximité de la tour de détection des incendies, située sur la colline Ochre, tour qui, par la suite, sera mise à la disposition du service d'interprétation du parc.
En 1969, le programme d'interprétation est élargi. On aménage des locaux pour l'installation de bureaux et de laboratoires dans le centre d'information du parc, et on acquiert une grande remorque destinée à servir provisoirement de centre d'exposition. La remorque est pourvue d'appareils de projection permettant de montrer des diapositives accompagnées d'un commentaire émis par bande magnétique. L'accroissement du personnel saisonnier chargé du programme d'interprétation permet un élargissement du programme en 1969. L'achèvement, au début de 1970, d'un nouvel amphithéâtre en plein air dans les environs de l'aire de pique-nique du fjord Newman, permet de fournir de meilleurs services aux visiteurs du parc qui assistent aux causeries et aux projections organisées par les naturalistes du parc. Cet amphithéâtre offre plusieurs centaines de sièges au public.
La première des expositions in situ du parc a eu lieu en 1970, à la tour de la colline Ochre. Elle explique l'histoire géologique du parc et l'influence de la période glaciaire sur le paysage actuel.
Perspectives d'avenir
Bien que le parc national de Terra-Nova ne renferme pas toutes les merveilles et les curiosités naturelles imaginées au départ par ses promoteurs, il a atteint une popularité sans cesse croissante tant auprès des habitants que des visiteurs de Terre-Neuve. La route transcanadienne permet aux véhicules en provenance du nord comme du sud d'accéder au parc, et des routes secondaires conduisent à de nombreux points d'intérêt. En 1960, un an avant l'ouverture officielle du parc, ce dernier a accueilli 20 000 visiteurs. L'année suivante, lorsqu'un terrain de camping et des logements ont été mis à la disposition des visiteurs, le parc a reçu près de 30 000 personnes. À la fin de 1965, le nombre annuel de visiteurs était supérieur à 100 000, et en 1969 il dépassait 300 000 personnes.
Les habitants de Terre-Neuve sont de grands amateurs de camping et de pique-nique; ainsi, les aires fournissant ce genre de loisirs ont également accueilli un nombre croissant de visiteurs. En 1963 et 1967, le nombre de campeurs a quadruplé au sein du parc, passant de 8 000 à 34 000. L'agrandissement actuel des aires de pique-nique ou d'utilisation diurne, qui pouvaient recevoir 1 000 personnes en 1971, prouve la popularité de ce genre d'installation.
Il semble peu probable qu'on agrandisse le parc de Terra-Nova à l'avenir. Toutefois, il existe encore dans le parc de nombreux endroits intéressants auxquels il est difficile d'avoir accès. Certains se prêtent à l'aménagement d'aires dans lesquelles les agents du service d'interprétation expliquent les phénomènes naturels au moyen d'expositions in situ et de causeries. À mesure que la construction de routes secondaires et de sentiers de promenade facilitera l'accès à ce parc, le public appréciera davantage ses curiosités naturelles et ses formations géologiques uniques.
Références
1. Convention nationale de Terre-Neuve. Rapport des réunions des délégués de la Convention nationale de Terre-Neuve et des représentants du gouvernement canadien (2 vol.), 1947, Bibliothèque nationale, Ottawa.
2. Dossier T.N. 2 (vol. 1) de la Direction des parcs nationaux.
3. Ibid., 13 fév. 1951.
4. Ibid., (vol. 2), 24 déc. 1953.
5. Ibid., (vol. 2), 3 fév. 1954.
6. Ibid., 1er oct. 1954.
7. Ibid., 26 oct. 1954.
8. Ibid., 2 mai 1955.
9. Ibid., 31 mai 1955.
10. Statuts du Canada, 3-4 Elizabeth II, chapitre 37 (1955).
11. Dossier T.N. 2 (vol. 2) de la Direction des parcs nationaux.
>12. Ministère des Affaires du Nord et des Ressources nationales. Dossier no 33-11-1, vol. 2, 28 déc. 1955.
13. Dossier T.N. 2 (vol. 2) de la Direction des parcs nationaux, 3 oct 1956.
14. Ibid., 17 oct. 1956.
15. Ibid., 13 nov. 1956.
16. Ibid., 28 janv. 1957.
17. Dossier T.N. 2 (vol. 3) de la Direction des parcs nationaux, 28 mars 1957.
18. Arrêté en conseil C.P. 1957-519, 11 avril 1957.
19. St. John's Evening Telegram, 12 avril 1957.
20. Tait, R.H., Newfoundland, A summary of the History and Development of Britain's Oldest Colony from 1497 to 1939, Harrington Press, New York, 1939.
21. St. John's Evening Telegram, 17 juillet 1961.
Le parc national de Kejimkujik
Avec la création du parc national de Kejimkujik en Nouvelle-Écosse un nouveau joyau est venu s'ajouter à l'héritage que constituent les remarquables beautés naturelles du Canada. Contrastant avec le caractère maritime du parc des Hautes-Terres-du-Cap-Breton, le parc de Kejimkujik illustre bien le paysage intérieur de la Nouvelle-Écosse. Il est situé dans l'Ouest de la province, à peu près à mi-chemin entre Annapolis Royal et Digby sur le bassin de l'Annapolis, au nord-ouest, et Liverpool sur l'océan Atlantique, au sud-est. On y accède au nord et au sud par la route provinciale 8 qui coupe la route du parc juste au sud de Maitland Bridge. D'une superficie d'environ 375 km2, ce parc renferme de nombreux lacs, dont beaucoup sont parsemés d'îles, des ruisseaux dévalant en torrents, et des forêts de conifères et d'arbres feuillus qui forment une toile de fond à des paysages rocheux. Le parc porte le nom du plus grand de ses lacs, Kejimkujik, mot micmac pour lequel diverses traductions ont été données. Un spécialiste soutient que le mot, qui s'écrit de plusieurs façons, signifie : tentative de fuite. Un autre prétend que le mot veut dire : gonflements.1 Thomas Raddall propose une traduction plus vraisemblable : rétrécissement; les Micmacs ont ainsi appelé la décharge du lac lorsque des barrages à poissons qu'ils avaient construits ont refoulé l'eau et fait se gonfler le lac.2 L'orthographe Kejimkujik, adoptée pour le parc, a été approuvée par la Commission géographique du Canada le 18 mars 1909.
Bon nombre des caractéristiques physiques du parc datent de la dernière période glaciaire au Canada. D'imposants glaciers et des couches de glace couvraient alors la région; ils ont dégagé par érosion la croûte rocheuse et creusé des dépressions qui abritent aujourd'hui des lacs peu profonds. Après que le climat se soit réchauffé, les glaces ont fondu, charriant d'énormes blocs de granit qui ont été laissés ça et là sur le sol et dans les lacs. La couche de terre abandonnée après le retrait des glaces est généralement mince et rocailleuse. Là où elle est plus épaisse, dans la partie est du parc, elle a formé des collines allongées ou arrondies en forme de dômes, appelées drumlins. La partie ouest du parc, plus élevée, repose sur une couche de granit et présente un aspect passablement rocheux.
Le lac Kejimkujik mesure huit kilomètres de longueur sur cinq kilomètres de largeur. Il est alimenté par trois rivières et plusieurs ruisseaux, et se déverse dans la rivière Mersey, laquelle entre au nord-est et sort au sud-est, en passant par le lac George. Une partie du lac Kejimkujik est si peu profonde et si rocheuse qu'il est dangereux de s'y aventurer en bateau. Les lacs Peskawa et Peskowesk, dans la partie sud-ouest du parc, et les lacs Big Dam et Frozen Océan, au nord-ouest, comptent parmi les plus grands. Ils s'écoulent tous vers le sud-est dans la rivière Mersey. Dans la partie est du parc, le plus grand lac est le lac Grafton.
Premières propositions
Des démarches pour la création d'un deuxième parc national en Nouvelle-Écosse ont été entreprises dès 1945. Cette année-là, les chambres de commerce de la vallée de l'Annapolis ont parrainé, lors d'une réunion à Kentville, une résolution qui recommandait la création d'un parc national au cap Blomidon, surplombant le bassin Minas. La proposition a été présentée au premier ministre de la Nouvelle-Écosse, l'honorable A.L. MacDonald, qui, à son tour, l'a présentée au ministre fédéral des Mines et Ressources, l'honorable J.A. Glen. Celui-ci a rappelé à MacDonald que la région du cap Blomidon avait déjà été considérée en 1934, en vue d'y aménager un parc national, mais qu'elle avait été rejetée parce qu'elle ne répondait pas aux critères fixés pour les parc nationaux.3 On a continué, cependant, à exercer des pressions pour que cet endroit soit de nouveau étudié. Des propositions demandant que le cap Blomidon devienne un parc national ont donné lieu, en mai 1949, à une nouvelle visite de la région par James Smart, contrôleur au Bureau des parcs nationaux à Ottawa et de E.L. Boulter, forestier provincial adjoint. Dans son rapport, Smart a déclaré ne pas pouvoir recommander cette région pour qu'elle soit aménagée en parc national.4
En décembre 1960, le premier ministre, R.L. Stanfield, s'entretient à Ottawa avec l'honorable Walter Dinsdale, ministre des Affaires du Nord et des Ressources nationales, au sujet de la création d'un deuxième parc national. Une fois encore, le cap Blomidon fut mentionné, mais Dinsdale rappelle que deux études ont déjà été faites et que l'endroit a été jugé inapproprié.5 Ils ont mentionné un autre endroit situé au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse sans prendre aucun engagement. La question fait de nouveau l'objet d'entretiens entre Dinsdale et Stanfield à l'été de 1961. En octobre, Dinsdale propose par lettre à Stanfield de clarifier la situation en laissant la province suggérer divers sites acceptables et pouvant faire l'objet d'études approfondies. La proposition ayant été acceptée, on a pris, en mai 1962, des arrangements pour une première visite de trois endroits proposés6 soit une région située autour du lac Kejimkujik, une autre aux environs du cap Blandford sur la côte sud de l'Atlantique à l'ouest d'Halifax, et enfin le cap Blomidon. Le groupe d'experts, composé de deux agents de la Direction des parcs nationaux à Ottawa et d'un représentant du gouvernement provincial, a présenté un rapport favorable sur la région du lac Kejimkujik après une brève visite des lieux en juin. Leur recommandation d'effectuer une étude poussée de la région a été adoptée et on y a donné suite en septembre 1962. Le groupe comprenait deux membres de la Division de la planification de la Direction des parcs nationaux à Ottawa, Lloyd et G.D. Taylor, et G. Stirret, naturaliste en chef des parcs. La province était représentée par le sous-ministre des Terres et Forêts, G.W.I. Creighton. Après avoir examiné des cartes et des photos aériennes et visité la région à pied, en bateau et en avion pour mener à bien une étude détaillée des lieux, le groupe a dressé un avant-projet des limites.
Un rapport complet, rédigé par les agents des parcs nationaux qui avaient procédé à la visite, indiquait qu'une région couvrant environ 388 km2 aux alentours du lac Kejimkujik constituerait une acquisition appréciable au réseau des parcs nationaux. Le rapport recommandait également que le parc, s'il était créé, devrait comporter une bande typique du littoral de la province tel que le représentent les régions de l'île du cap La Hâve, à l'est de Liverpool, et de la baie Hell, à l'entrée du port Medway.7
Création du parc
Un exemplaire du rapport fut remis à Stanfield le 28 décembre 1962. Dans sa lettre d'introduction, Dinsdale informait le Premier ministre que, si la Nouvelle-Écosse acceptait le rapport, il recommanderait à ses collègues d'accepter les obligations qu'entraînerait l'aménagement d'un nouveau parc dans cette province.8 Au cours d'une réunion, tenue à Ottawa le 25 février 1963, le premier ministre Stanfield confirmait que la province était prête à mettre les terres nécessaires à la disposition du gouvernement fédéral, à condition que les limites soient bien précisées et que l'approvisionnement en eau des installations hydro-électriques existantes à l'extérieur du parc ne soit pas affecté par les futurs aménagements du parc.9 L'offre a été acceptée et un arpentage des limites fut proposé. L'élection fédérale d'avril 1963 a amené un nouveau gouvernement, mais le premier ministre Stanfield n'a pas tardé à réaffirmer l'intention de son gouvernement de ne pas abandonner son projet de parc national. Le nouveau ministre responsable des parcs nationaux, l'honorable Arthur Laing a ratifié la proposition et a obtenu l'approbation du Cabinet le 6 juin 1963. Dans un communiqué émis conjointement par MM. Laing et Stanfield le 24 juillet 1963, les gouvernements fédéral et provincial se sont engagés à créer un nouveau parc.10
Des mesures pour fixer les limites définitives du nouveau parc ont été prises en août 1963, lorsque des agents de la Direction des parcs nationaux et du ministère provincial des Terres et Forêts se sont rencontrés à Halifax. Des vols de reconnaissance ont été effectués au-dessus du lac Kejimkujik et de la région côtière devant faire partie du parc. En juillet 1964, la province recevait une demande officielle pour l'octroi de 222,5 ha additionnels le long de la limite proposée au nord-est de la région de Kejimkujik afin de faciliter la construction, au meilleur endroit possible, d'une voie d'accès depuis la route 8.
En août 1964, la province a commencé à faire l'acquisition de terrains appartenant à des particuliers. Le regroupement des terres a été facilité par un échange conclu avec une grande compagnie de pâtes et papier ce qui a permis d'inclure dans le parc quelque 16 188 ha situés au sud-ouest du lac Kejimkujik. Le premier transfert des titres de propriété par la province au gouvernement du Canada a eu lieu en octobre 1964. L'arrêté en conseil indiquait toutefois que les terres avaient été acquises en vertu de la Loi sur les expropriations en vue de l'aménagement d'une « aire de loisirs ». Le ministère de la Justice a recommandé à la province de voter une loi spéciale autorisant l'acquisition des terres en vue de créer un parc national. Cette loi, qui fut adoptée par la province en mars 1965, a préparé l'acceptation des titres de propriété par le Canada.11 Un autre retard est survenu après que les conseillers juridiques d'Ottawa eurent déclaré que l'arrêté en conseil provincial qui permettait la cession des terres au gouvernement du Canada ne comprenait pas de dispositions prévoyant le transfert inconditionnel de leur administration et de leur gestion. Ils ont proposé que la juridiction exclusive, notamment sur les mines, les minéraux, la forêt, la chasse et la pêche, fasse l'objet d'un accord entre le Canada et la province.12 Cette proposition a été communiquée au sous-ministre des Terres et Forêts de la Nouvelle-Écosse ainsi qu'un projet d'accord rédigé selon une entente conclue en 1936 entre le Canada et la Nouvelle-Écosse au sujet de la création du parc des Hautes-Terres-du-Cap-Breton.
En mai 1967, la Nouvelle-Écosse a transféré au gouvernement du Canada des titres en bonne et due forme sur les terrains destinés à la création du parc, et, le 26 juillet 1969, le gouverneur général en conseil a autorisé leur acceptation formelle.13 L'arrêté en conseil permettait aussi au gouvernement du Canada de conclure avec la Nouvelle-Écosse l'accord prévu. Ce dernier, qui est signé en août 1967 par l'honorable Arthur Laing, ministre des Affaires du Nord et des Ressources nationales, représentant le Canada, et par l'honorable E.D. Haliburton, ministre des Terres et Forêts, représentant la province, a confirmé le transfert des terres, mines et minéraux compris, et a donné au Canada la compétence exclusive de voter des lois relatives à la gestion, l'exploitation, l'entretien et la conservation des terres faisant partie du parc national. L'accord contenait également des dispositions prévoyant qu'aucune des parties ne devait permettre la construction d'ouvrages qui, de quelque façon que ce soit, nuiraient au débit ou à la qualité des eaux du cours supérieur de la rivière Mersey qui traverse le parc.14
Toutefois, la création officielle du parc national sur les deux territoires cédés a été retardée. En général, les nouveaux parcs sont établis par voie de proclamation dans la Gazette du Canada. Un projet de loi destiné à modifier la Loi sur les parcs nationaux a été rédigé et imprimé au printemps 1964, mais il est resté lettre morte. D'autres projets de loi en vue de l'établissement du parc ont été rédigés au cours des années suivantes mais, pour diverses raisons, aucun n'a été présenté à la Chambre. Ce n'est que le 7 mai 1974 que la sanction royale a été accordée à une modification de la Loi sur les parcs nationaux, qui permet d'inclure en annexe à la loi une description des terres comprises dans le parc national de Kejimkujik. En attendant la passation de cette loi, la province de la Nouvelle-Écosse a contribué à assurer la protection de la faune en établissant un refuge sur les terrains du futur parc, par un arrêté en conseil adopté en octobre 1967.
Occupation indienne
La plus grande partie des terres qui comprennent aujourd'hui le parc était autrefois habitée par les Micmacs. Cette branche de la famille des Algonquins occupait jadis tout le territoire qui forme aujourd'hui la Nouvelle-Écosse, la partie septentrionale du Nouveau-Brunswick ainsi que toute l'Île-du-Prince-Édouard. Des inscriptions et des gravures trouvées le long du lac démontrent que la région du lac Kejimkujik était un lieu de campement très fréquenté par les Indiens. Ces dessins, qui représentent l'orignal et le caribou, des techniques de chasse et de pêche, et des coiffures d'Indiennes Micmacs sont remarquables à l'entrée de la baie Fairy, à Peter Point et au lac George. Leur existence a été signalée pour la première fois dans un document de Joseph More en 1837. Des objets façonnés, notamment des pointes de flèche, des pointes de lance et des tomahawks, ont été trouvés aux anciens lieux de campement et le long des voies fluviales.
Vers 1835, des représentants du gouvernement ont incité quelques Micmacs à abandonner leur vie nomade pour s'installer sur des réserves. L'une d'entre elles, décrite par Joseph Howe en 1842 sous le nom de « réserve indienne du lac Fairy », était située à l'intérieur des limites actuelles du parc.15 L'Indien le plus célèbre de la réserve était John Jeremy qui vivait avec sa famille à l'endroit appelé aujourd'hui Jim Charles Point. Environ 40 Indiens vivaient autour du lac Fairy ou lac Kejimkujik. Quelques années plus tard, Jim Charles devenait un membre influent de la réserve indienne du lac Kejimkujik. Ayant acquis les possessions de six autres Indiens, il devint propriétaire des terres situées à Jim Charles Point en 1862. Il est également devenu célèbre pour avoir découvert de l'or, mais, bien qu'on le crût riche pendant quelques années, il mourut dans la pauvreté. D'après Thomas Raddall, auteur réputé de la Nouvelle-Écosse, la mine découverte par Jim Charles est située loin à l'ouest du lac Kejimkujik, sur le bord de la rivière Tusket. Par la suite, cette mine a été jalonnée comme concession et exploitée par d'autres chercheurs d'or.16
Établissement des pionniers
Les premiers colons du comté de Queens sont partis de Liverpool, fondée en 1764, en direction du nord. Caledonia, le plus grand village situé à proximité du parc, a été fondé en 1820, et les villages de Grafton, Harmony et Kempt ont été établis vers 1821.17 Au fur et à mesure que progresse la colonisation, on assiste à une expansion de l'industrie du bois. On utilisait la rivière Mersey pour transporter les billots au printemps jusqu'aux usines situées à Milton et à d'autres endroits des environs de Liverpool. De gros tas de sciures et de dosses à différents endroits témoignent de l'existence d'une industrie disparue aujourd'hui. Le lac Big Dam et les chutes Mill doivent leur nom au commerce du bois qui, aux environs de 1842, alimentait près de 60 scieries dans le comté de Queens et les comtés voisins.18 Après la découverte d'or dans la région, Caledonia assiste à une ruée qui atteint son apogée dans les années 1890. Un hebdomadaire, le « Caledonia Gold Hunter » qui a été fondé dans cette ville en 1888, a continué à paraître sous un autre nom pendant près de 50 ans jusqu'à ce que les presses soient détruites par un incendie.
Période touristique
Dès le début du XXe siècle, le lac Kejimkujik fut un centre de villégiature. En 1908, A.B. Payne a fait le récit d'une expédition de pêche en canot à l'intérieur de la Nouvelle-Écosse, à partir de Jacques Landing sur la rivière Mersey, juste en amont de sa jonction avec le lac Kejimkujik. La vocation touristique de la région a été remarquée en 1873 par James F. More qui a décrit la beauté des îles du lac Kejimkujik - qu'il appelait Cegemecaga - et l'abondance des poissons.19 On a progressivement construit des auberges et des chalets, et on a organisé des excursions en bateau sous la direction d'un guide, de sorte qu'au cours des années qui ont suivi, les touristes ont pu passer dans la région des vacances paisibles et reposantes.
Ked-ge Lodge, la plus grande des installations touristiques, a débuté comme club de chasse et de pêche. Il a été fondé en 1908 à Jim Charles Point par un groupe de sportifs d'Annapolis Royal et de l'Est des États-Unis. À partir de 1909, on a commencé à héberger des visiteurs payants, après que le premier édifice central eut été construit. L'auberge et les camps ont été vendus plusieurs fois de 1944 à 1964. L'emplacement a alors été exproprié en vue de la création du parc. Parmi les autres bâtiments construits au bord du lac se trouvait le Merrymakedgie, composé d'un groupe de chalets construits par les frères Minard vers 1911. Le dernier propriétaire fut Arthur Merry, qui a donné son nom aux chalets. Les chalets Rogers, situés à Jacques Landing sur la rivière Mersey, ont été pendant plusieurs années le lieu où l'Association des guides de la Nouvelle-Écosse a tenu son congrès annuel. Le camp Baxter's situé à Indian Point n'a existé que pendant les années 1920. Un certain nombre de chalets privés étaient construits depuis quelques années autour du lac lorsque la province de la Nouvelle-Écosse en fit l'acquisition en vue de regrouper les terres du futur parc national.
Aménagement
On a consacré beaucoup de réflexion et d'efforts à la planification et à l'aménagement du parc national de Kejimkujik. Contrairement aux autres parcs du réseau il ne renferme pas de lotissement urbain, ni d'établissement d'hébergement, sauf les terrains de camping, ni de magasin, à part de petites concessions pour la vente de nourriture et d'articles de première nécessité aux campeurs. Ses aménagements de loisirs ne comprennent ni terrain de golf, ni court de tennis, ni aucune autre commodité de type urbain. Par contre, tout a été mis en oeuvre pour que les visiteurs puissent passer de vivifiantes vacances en plein air. Dans l'ensemble, les travaux d'aménagement étaient axés sur la construction d'établissements de services destinés à permettre une bonne administration du parc, ainsi que l'utilisation par les vacanciers des emplacements de camping, des aires de pique-nique, des plages, des cours d'eau et des autres caractéristiques du parc qui en font l'endroit idéal pour toute la famille.
Des études sur le terrain menées en 1964 par des agents du Service des parcs nationaux ont permis d'élaborer un plan directeur provisoire. Il a été approuvé en janvier 1965 sous réserve d'une révision ultérieure. Après qu'il eut été modifié, le plan prévoyait le zonage du parc suivant quatre catégories bien distinctes. La première réservait des terrains pour l'aménagement d'aires de loisirs en plein air, et la seconde pour la préservation d'aires de nature sauvage. Quant à la troisième catégorie, elle prévoyait la création d'aires naturelles, qui forment une zone de transition entre les endroits aménagés et les aires de nature sauvage. Enfin, une catégorie spéciale, était destinée à préserver les caractéristiques écologiques uniques du parc. Le plan d'aménagement reconnaissait également la nécessité de construire des voies d'accès principales et secondaires et de réserver des emplacements pour la construction de bâtiments destinés à l'administration et aux services d'entretien. Le plan projetait aussi l'aménagement d'aires d'utilisation diurne, de pique-nique, de camping et d'autres aires de loisirs de plein air. Avec le concours de spécialistes de la planification on a pu préparer en détail l'aménagement des espaces et adopter un programme dont la réalisation devait avoir lieu par étape.
Des complications juridiques ont retardé le transfert des titres de propriété relatifs aux terrains qui devaient constituer le parc. Afin de pouvoir entreprendre les travaux d'aménagement essentiels, l'honorable Arthur Laing a demandé à l'honorable E.D. Haliburton, ministre provincial des Terres et Mines d'autoriser le personnel chargé de l'exécution des travaux à entrer sur le territoire du parc. Cette autorisation, qui a été accordée au début de 1965, a permis de terminer les travaux d'arpentage essentiels pour l'aménagement des routes et des emplacements, de déblayer les espaces prévus pour les bâtiments et les routes et de démolir les constructions devenues inutiles.
En avril 1965, on a confié la direction du parc à C.E. Doak, qui possédait une vaste expérience dans ce domaine. Jusqu'à ce qu'il s'installe à titre permanent dans le parc, le 6 juillet, il exerçait ses fonctions à partir du bureau régional des parcs nationaux à Halifax. Entre temps on avait recruté du personnel pour le parc, notamment un ingénieur, un comptable, un garde et d'autres employés, qui se sont mis à la tâche au début de l'été de 1965. Un bureau principal provisoire a été établi à l'endroit où se trouvaient les chalets Rogers, à Jacques Landing sur la rivière Mersey. Plusieurs bâtiments qui servaient à l'hébergement des visiteurs ont été transformés en bureau, atelier de menuiserie, entrepôts et autres installations à l'usage du personnel. On a installé à l'intention des ouvriers un campement qui se composait de remorques pourvues d'une cuisine, d'une salle à manger, d'une salle de bain et de chambres à coucher. Une installation complète d'eau et d'égouts a été aménagée pour desservir les remorques, le bureau administratif provisoire et le bureau sur place du ministère des Travaux publics. La construction d'un édifice préfabriqué en février 1966 a permis de fournir de meilleurs locaux à l'administration.
À la fin de 1967, on choisit un terrain situé sur la route 8, à 1,6 km environ à l'ouest de l'entrée du parc, pour y bâtir de nouveaux locaux destinés à l'administration. À la suite d'un arpentage exécuté à cet endroit, on délimite des emplacements pour la construction d'un immeuble de l'administration et d'un vaste parc de stationnement. En septembre 1968, on entreprend la construction de cet immeuble, qui comprend également un bureau de renseignements pour les visiteurs. Après l'installation des services essentiels, l'immeuble est achevé au printemps de 1969. En 1968, on avait également entrepris la construction de bâtiments destinés aux services entretien de l'immeuble administratif et, dès la fin de l'année, on avait achevé la route qui y conduisait, et installé l'eau, le système d'égout ainsi que d'autres services. Ces bâtiments seront achevés et utilisés en 1969.
Hébergement du personnel
Après la nomination du directeur et d'autres employés du parc, en 1965, plusieurs chalets de l'ancien camp Merrymakedgie situés sur la rive orientale du lac Kejimkujik ont servi de logements provisoires au personnel. A l'automne de 1965, on a déblayé une aire pour les remorques du personnel le long de la route 8 et, dès mars 1966, on avait relogé tout le personnel à cet endroit. En 1967, on a décidé de construire à l'extérieur du parc des logements permanents pour tout le personnel du parc, à l'exception des gardes. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord a entrepris les démarches nécessaires auprès de la Nouvelle-Écosse en vue d'acheter 12 lots dans la municipalité de Calédonia.20 En novembre 1967, on entreprend la construction de cinq maisons, qui seront achevées et habitées en septembre 1968. Trois autres logements destinés au personnel sont bâtis en 1969. On a abandonné l'usage de loger le personnel à l'intérieur du parc afin que les employés et leur famille puissent bénéficier des avantages économiques, sociaux et scolaires qu'offre la vie en milieu urbain. Par contre, les logements des gardes ont été construits dans le parc, près du bureau principal et des bâtiments qui servent à l'entreposage du matériel et à garer les véhicules des gardes.
Construction de routes
Même si l'on pouvait, avant la création du parc, avoir accès aux établissements d'hébergement pour touristes et aux chalets privés situés au bord du lac Kejimkujik, les routes étaient relativement difficiles et parfois impraticables, en raison du mauvais temps. Au début des travaux d'aménagement du parc, on entretenait ces chemins à partir de la route 8. En octobre 1964, on a commencé l'étude du tracé des routes prévues dans le plan, laquelle s'est poursuivie jusqu'en 1965. Dès juin 1965, les autorités avaient approuvé le tracé définitif de la route principale du parc, qui partait d'un point immédiatement à l'est de Maitland Bridge sur la route 8, et se prolongeait jusqu'à la décharge du lac Grafton. On avait également établi le tracé provisoire de routes menant à la baie Jeremy, du lac Big Dam, et aux lacs Indian Point et Peskowesk, destinées à être des embranchements d'une route qui devait faire le tour du lac Kejimkujik. En mars 1966, la société qui avait obtenu le contrat pour l'exécution des travaux, commence la construction de la route principale qui part de l'entrée du parc, et termine le tronçon de 11 km en août 1967. Après la route principale, la deuxième route qui devait être construite en priorité était celle qui menait à la baie Jeremy, où devait être aménagé le premier grand terrain de camping du parc. La construction de cette route exigeait que l'on choisisse un emplacement pour le pont qui devait franchir la rivière Mersey. L'emplacement définitif est choisi en juin 1966, et la construction du pont et de la route conduisant à Jim Charles Point sur la baie Jeremy est entreprise en avril 1967. On achève en juillet 1968 la route principale et une route ne couvrant qu'une faible distance, au terrain de camping. Quant au pont sur la rivière Mersey, il sera achevé et ouvert à la circulation en septembre.
Aménagement des terrains de camping
Le propriétaire des chalets Merrymakedgie exploitait un petit terrain de camping avant l'acquisition de l'emplacement lors de la création du parc. Dans le cadre du programme d'aménagement du parc, on a nettoyé ce terrain, on l'a alimenté en eau grâce à un puits qui existait déjà, et on y a installé des tables de pique-nique et des foyers afin de pouvoir accueillir provisoirement des campeurs. Au cours de l'été de 1964, 51 groupes de campeurs ont utilisé ces installations et, l'année suivante, le terrain a reçu plus de 200 campeurs.
En 1967, on a entrepris l'aménagement du plus important terrain de camping du parc à la baie Jeremy, sur la rive septentrionale du lac Kejimkujik. Le plan d'ensemble prévoyait de l'installer par étapes dans trois secteurs différents portant les noms de Meadow, Slapfoot et Jim Charles. On a d'abord concentré les efforts sur le secteur central Slapfoot et, dès la fin de l'année, on avait aménagé 98 emplacements de camping, achevé les routes menant au terrain et construit 44 foyers. En 1968, on a terminé deux bâtiments comprenant des toilettes et des installations sanitaires, et on a ouvert le terrain au public au début du mois de juillet de la même année. La conduite provisoire d'eau, qui datait de 1968, est remplacée l'année suivante par des installations permanentes d'eau et d'égout.
Les travaux d'aménagement du premier secteur (Meadow), ont également débuté en 1967 et se sont poursuivis au cours des deux années suivantes. Après avoir érigé en 1969 des bâtiments de service et installé l'eau, l'électricité et un système d'égout, on a pu mettre 154 emplacements additionnels à la disposition du public. Le déblaiement du troisième secteur (Jim Charles) a commencé vers la fin de 1968. L'aménagement d'emplacements de camping individuels, la construction de bâtiments de service et l'installation des services, qui se sont poursuivis pendant toute l'année 1969, ont permis d'ouvrir au public 78 emplacements de camping en août 1970. On compte aménager d'autres terrains de camping au lac Big Dam et à Indian Point dès qu'on disposera des fonds nécessaires.
Terrains de pique-nique
Le plan d'ensemble du parc prévoyait également des aires d'utilisation diurne destinées à permettre aux visiteurs de profiter davantage des installations de pique-nique, de natation et de canotage, et de se livrer à d'autres activités de plein air. La première aire de ce genre a été aménagée sur la rive orientale du lac Kejimkujik près des anciens chalets Merrymakedgie. En 1965, un de ceux-ci a été transformé en cabine de bain provisoire. Plus tard, on a amélioré la plage sur laquelle donnent les chalets en y transportant du sable. On a de plus doté cette aire de matériel de pique-nique et d'installations sanitaires, et on a creusé un puits afin de l'alimenter en eau potable.
Conformément au plan, on a entrepris l'organisation du terrain au début de 1968. Un contrat a été accordé pour la construction d'un grand bâtiment abritant des vestiaires et une salle où un concessionnaire pourrait vendre des boissons gazeuses, des cigarettes et des souvenirs.
On a construit deux abris-cuisines équipés de poêles, de tables et de bancs, et on a déblayé et aménagé quatre terrains de stationnement. Le vestiaire est terminé vers la fin de juin, et le concessionnaire tenant la buvette commence à servir les visiteurs en juillet 1968. La construction d'un amphithéâtre provisoire en plein air a permis d'étendre le programme d'interprétation du parc.
On a également choisi et aménagé partiellement des emplacements destinés à servir d'aires d'utilisation diurne secondaires. Ils sont situés à Jacques Landing, près des anciens chalets Rogers, aux chutes Mill, reliées par un sentier à la route principale du parc, et à l'extrémité méridionale de Jim Charles Point, où se trouve la plage de l'ancienne auberge Ked-ge. Les aires de Jacques Landing et de la plage Ked-ge ont été pourvues d'installations pour la natation, le canotage et les pique-niques. Par contre, les travaux ne sont pas encore terminés aux chutes Mill.
Canotage
Le lac Kejimkujik et quelques-uns des principaux cours d'eau qui s'y jettent offrent d'intéressantes possibilités de faire du canot et du kayak. On a installé une rampe de mise à l'eau à Jacques Landing à l'intention des propriétaires d'embarcation. Les visiteurs peuvent louer des canots et des kayaks à cet endroit. Même s'il est parsemé de rochers, le lac Kejimkujik se prête bien à la navigation, et des cartes ont été faites pour faciliter la navigation des embarcations à moteur. L'administration du parc a encouragé les canoteurs en faisant construire des abris le long de deux des routes les plus achalandées. L'une de ces routes longe la rivière Little à partir du lac Big Dam jusqu'au lac Kejimkujik. L'autre va de Jacques Landing à la rivière Mersey en passant par les lacs Kejimkujik et George.
Protection des forêts
Le service de surveillance du parc a été instauré en juin 1965 lors de la nomination de Freeman Timmons, garde expérimenté arrivant du parc des Hautes-Terres-du-Cap-Breton. À la fin de 1965, on nomme un garde en chef et, en septembre 1966, on crée deux autres postes. Un système radiophonique à très haute fréquence est mis en place au siège provisoire de l'administration du parc en février 1966, et sera ensuite réinstallé dans le nouvel immeuble de l'administration en 1969. Ce système permet de communiquer avec les employés au volant de véhicules. Le parc a fait, en 1966, l'acquisition d'un équipement de protection contre les incendies, qui comprend des pompes portatives, un tuyau et un fourgon-pompe, ainsi qu'une gamme d'outils. Grâce à l'achèvement du nouvel édifice, le service de gardes dispose de locaux plus appropriés. Les logements des gardes et de leurs familles sont situés dans quatre habitations modernes complétées en août 1970 sur un emplacement aménagé par un architecte paysagiste, à l'est de l'immeuble de l'administration.
Une tour d'observation, érigée en 1968 sur une colline située à environ 1,6 km à l'ouest de la baie Minard sur la rive ouest du lac Kejimkujik, facilite la détection des incendies. Pour se rendre à cette tour, on a tracé un sentier en 1967 à partir de l'un des chemins forestiers se trouvant dans le secteur sud-ouest du parc. Des travaux d'amélioration effectués en 1968 ont transformé ce sentier en route secondaire.
Service d'interprétation
La nomination, en septembre 1967, d'un naturaliste permet d'entreprendre la recherche sur l'histoire naturelle et humaine du parc. Au début de 1968, le naturaliste donne des conférences et des projections audio-visuelles à des clubs des principales collectivités dans les environs du parc. Plus tard, il met sur pied un programme d'été comportant des excursions guidées le jour et des projections audio-visuelles le soir. Il a également constitué une bibliothèque renfermant des ouvrages sur les parcs, un herbier, une collection de diapositives, et il a dressé un bilan des résultats de ses recherches sur l'histoire naturelle du parc.
En 1969, on aménage un bureau local et un atelier dans un édifice situé à Jacques Landing. En outre, on installe dans une grande remorque une exposition qui donne aux visiteurs un aperçu de certaines caractéristiques naturelles du parc. On projette des diapositives en couleur d'une durée de neuf minutes montrant quelques-uns des spécimens les plus intéressants de la faune du parc. Le travail du naturaliste et de son équipe, chargée d'organiser des soirées d'interprétation, a été facilité par la construction d'un grand amphithéâtre au terrain de camping de la baie Jeremy. L'amphithéâtre, qui avait été complété en 1969, a été pourvu l'année suivante d'un équipement de rétro-projection ainsi que d'un écran fixe.
L'alevinière
Datant d'avant la création du parc et gérée par le Service des pêches et de la mer d'Environnement Canada, l'alevinière constitue l'une des curiosités du parc. Située sur le ruisseau Brook qui relie le lac Grafton au lac Kejimkujik, elle a été exploitée depuis 1937, d'abord de façon saisonnière jusqu'en 1952, puis, de façon permanente grâce à la construction d'un bâtiment permettant l'élevage des alevins pendant toute l'année. Un étang, formé par la construction d'un barrage en terre et en rondins, sur le ruisseau Mill, alimente l'alevinière à raison d'un débit de 11 365 L d'eau à la minute. Aujourd'hui, l'alevinière est gérée par un surintendant résidant et destinée uniquement à l'élevage du saumon de l'Atlantique.
Jusqu'en 1968, alors que l'élevage de la truite a été abandonné, elle était l'une des sources qui fournissaient des alevins pour le rempoissonnement des lacs et cours d'eau de la région du lac Kejimkujik. Le programme d'alevinage de truites mouchetées brunes était mené dans le parc depuis 1964. L'alevinière est située au bout de la route principale du parc, qui part de la route 8 à l'entrée du parc et conduit au lac Kejimkujik. Un parc de stationnement est à la disposition des touristes qui désirent visiter cette exploitation particulièrement intéressante.
Ouverture officielle
La plupart des plus grands travaux prévus dans le plan d'aménagement du parc avaient été exécutés totalement ou en partie dès le début de l'été de 1969. La principale voie d'accès, un grand terrain de camping et une aire d'utilisation diurne étaient ouverts au public, et le personnel était installé dans un grand immeuble neuf. Les travaux étant suffisamment avancés, l'inauguration officielle du parc a pu avoir lieu le 9 août 1969. L'honorable Jean Chrétien, alors ministre des Affaires indiennes et du Nord, a déclaré le parc ouvert lors d'une cérémonie au cours de laquelle on a hissé le drapeau canadien. Cette cérémonie s'est déroulée devant le nouvel édifice de l'administration. En terminant son discours M. Chrétien a mis l'accent sur la valeur des parcs nationaux pour le Canada.
Les parcs nationaux contribuent fortement à consolider l'unité nationale. Nos parcs nationaux reflètent l'aspect originel du Canada, et sont des refuges inviolables où l'homme peut retrouver intactes les beautés de la nature. Mais c'est l'homme qui doit agrandir et protéger ces lieux. Telle est la tâche qui nous attend.
Ont aussi pris la parole à cette cérémonie d'ouverture l'honorable G.I. Smith, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, et l'honorable Allan J. MacEachen, alors ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration et député d'Inverness-Richmond aux Communes.
Perspectives d'avenir
Dès ses débuts, le parc national de Kejimkujik a attiré des visiteurs qui venaient camper, pique-niquer et pêcher, ou simplement observer les travaux d'aménagement. On ne dispose pas de chiffres sur la fréquentation du parc à cette époque, mais les installations temporaires étaient parfois utilisées à leur pleine capacité pendant la fin de semaine. En 1967, on a estimé que le nombre de baigneurs seulement s'était chiffré à près de 3 500. Au cours de la saison de 1968, plus de 58 000 personnes ont utilisé les terrains de camping et les aires d'utilisation diurne. Ce chiffre a presque doublé l'année suivante quand on a enregistré 104 000 visiteurs, et dès 1970, le total des personnes ayant utilisé le parc était passé à 125 000.
Le public a manifesté son intérêt à l'égard du parc et de la préservation de ses caractéristiques naturelles à l'occasion d'une audience publique tenue à Halifax en avril 1970 en vue de réexaminer le plan d'ensemble. La Direction des parcs nationaux et des lieux historiques avait reçu avant l'audience 62 mémoires contenant de nombreuses recommandations qui traitaient non seulement des projets d'aménagement mais également de la politique à adopter pour les parcs. Ces mémoires soulignaient aussi le besoin de protéger et de préserver le caractère sauvage de la région. À la suite d'une étude détaillée de chacune des recommandations contenues dans les mémoires, on a apporté quelques modifications au plan directeur provisoire.
Le projet d'aménagement d'un centre de canotage à la baie Fairy, au nord de la principale aire d'utilisation diurne, a été critiqué parce qu'on a jugé qu'il était nécessaire de maintenir l'équilibre écologique fragile de cet endroit. On a donc interrompu les travaux entrepris et on a cherché un autre emplacement. On a également décidé d'attendre les résultats d'une étude écologique approfondie avant de se prononcer sur les limites des zones à inclure dans la classification des terrains du parc. Une autre décision importante prise à l'issue de l'audience a été la remise sine die de la construction de la route qui devait contourner le lac Kejimkujik. Cette décision n'empêchera pas, toutefois, la construction de voies d'accès conduisant à des endroits situés au nord-ouest du lac où il est prévu d'aménager un terrain de camping et une aire d'utilisation diurne.
L'inclusion dans le parc d'autres régions côtières ne s'est pas encore concrétisée. Toutefois, les recherches entreprises par des agents des parcs nationaux afin de trouver des endroits propices et les négociations qui se poursuivent avec les autorités provinciales permettront probablement d'atteindre cet objectif souhaitable.
Références
1. Dossier Ke 326 de la Direction des parcs nationaux, lettre du 11 février 1966 du secrétaire administratif du Comité permanent canadien des noms géographiques au directeur des Parcs nationaux. Ministère des Affaires du Nord et des Ressources nationales.
2. Raddall, Thomas, Footsteps on Old Floors, Doubleday and Company, New York, 1968.
3. Dossier U. 2-12 de la Direction des parcs nationaux, vol. 1, 9 avril 1946.
4. Ibid., 7 déc. 1949.
5. Ibid., 21 déc. 1960.
6. Ibid., 7 juin 1962.
7. Taylor, G.D., Projet de création d'un parc national au lac Kejimkujik, en Nouvelle-Écosse, Dossier Ke. 2 de la Direction des parcs nationaux, vol. 1, 14 nov. 1962.
8. Dossier Ke. 2, de la Direction des parcs nationaux, 28 décembre 1962.
9. Ibid., 25 fév. 1963.
10. Ibid., 24 juil. 1963.
11. Statuts de la Nouvelle-Écosse, 14 Elizabeth II, vol. 4, 31 mai 1965.
12. Dossier Ke. 2, de la Direction des parcs nationaux, vol. 4, 31 mai 1965.
13. Arrêté en conseil C.P. 1967-1477, 26 juillet 1967.
14. Dossier Ke. 2 de la Direction des parcs nationaux, vol. 6, 31 août 1967.
15. Howe, Joseph, Indian Affairs letters, memoranda, plans and descriptions of Indian Reserves, vol. 432, 1843, Archives provinciales de la Nouvelle-Écosse, Halifax.
16. Raddall, p. 214.
17. More, James F., The History of Queens County, Nova Scotia, Nova Scotia Printing Company, Halifax, 1873.
18. Ibid., p. 89.
19. Ibid., p. 215.
20. Arrêté en conseil, C.P. 1967-2033, 26 oct 1967.
Le parc national de Kouchibouguac
En octobre 1969, le ministre Jean Chrétien et le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Louis J. Robichaud signaient une entente sur l'aménagement d'un nouveau parc national sur la côte est du Nouveau-Brunswick.
Le parc, d'une superficie de 233 km2, porterait le nom de la baie de Kouchibougouac sur laquelle il se situe, le long de la partie nord du détroit de Northumberland. La municipalité voisine, Richibouctou, est à environ 88 km au nord de Moncton.
Le projet prévoyait que certains secteurs du parc seraient aménagés de façon à sauvegarder leur état naturel, ainsi que leur faune et leur flore. Certains autres secteurs seraient aménagés à des fins de récréation, soit des terrains de camping et de pique-nique, des sentiers d'observation de la nature, des routes et des installations pour la natation et les excursions en bateau. Le parc contiendrait aussi des centres d'interprétation pour expliquer les aspects naturels et humains de son histoire.
La particularité la plus frappante de Kouchibougouac est l'étendue de 25 km de barres de sable en bordure de la côte. Derrière ce ruban de dunes, les lagunes et les baies offrent d'excellents oasis pour la natation et le canotage.
La plaine intérieure du parc est sillonnée de plusieurs rivières et ruisseaux. Elle renferme également des secteurs boisés et des fondrières et marécages d'eau douce ou salée.
On rencontre souvent dans cette région l'ours noir, le lynx roux, le cerf de Virginie, l'orignal, le renard et l'écureuil, alors que la faune ailée comprend des espèces des marais, des champs, des bois et des rivages. Le bécasseau, le canard huppé, l'eider commun, la gelinotte huppée, la corneille, la mouette et le héron sont des hôtes communs du parc. Au printemps et à l'automne, les oiseaux migrateurs y font halte pour se nourrir et se reposer.
Kouchibougouac est le second parc national du Nouveau-Brunswick et le sixième des provinces de l'Atlantique.
Le parc national du Gros-Morne
Le 31 octobre 1970, les gouvernements du Canada et de Terre-Neuve adoptaient un protocole d'entente pour créer le parc national du Gros-Morne sur la côte ouest de cette province. D'une superficie d'environ 1 554 km2 et situé à 764 km au nord-ouest de St-Jean, Gros Morne allait être le second parc national de Terre-Neuve et le septième des provinces de l'Atlantique.
Le parc englobe une des plus belles parties des monts Long Range, ainsi que de pittoresques régions côtières et nombre de lacs, des chutes, et de denses forêts de bouleaux, d'épinettes et de sapins. Il constitue donc un apport important, du point de vue des loisirs et de l'écologie, au réseau des parcs nationaux du Canada.
Aux termes de l'accord, les limites du parc longent des régions situées à proximité d'un certain nombre de localités côtières, depuis Rocky Harbour jusqu'à Norris Point, Curzon à Glenburnie et St. Pauls à Cow Head. Cette délimitation a éliminé la nécessité de déplacer des gens vers d'autres secteurs, tout en permettant aux régions voisines du parc de bénéficier des avantages découlant de l'affluence des touristes.
De plus, l'accord prévoyait la cession au gouvernement fédéral de toutes les terres de la Couronne, ainsi que l'acquisition des propriétés privées, des biens loués à bail, des droits d'exploitation forestière et d'autres actifs privés, à un coût devant être acquitté à parts égales par les gouvernements fédéral et provincial.
Le gouvernement avait adopté un budget de 10 millions de dollars pour procéder au cours des six années suivantes à la phase initiale d'aménagement; cette somme ne couvrait pas l'achat de terres. On avait également prévu un montant supplémentaire de 350 000 $ par année pour les dépenses courantes du parc.
On entreprit immédiatement l'aménagement de terrains de camping et de pique-nique, et d'autres installations diverses de sorte que les visiteurs puissent profiter le plus tôt possible d'une partie de ce territoire.
Dans l'intervalle, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien entreprit l'élaboration d'un plan de gestion approprié à l'écologie des lieux et aux besoins des visiteurs. Le plan prévoyait des études sur les possibilités du parc pour la pêche sportive, ainsi que des installations diverses pour la pratique du ski, les excursions en raquettes et d'autres sports d'hiver. Il était également prévu de doter le parc d'une composante sous-marine consistant en une zone de protection de l'environnement marin.
Le parc national de Pukaskwa
En juillet 1971, Jean Chrétien et le ministre ontarien des Terres et Forêts signaient un protocole d'entente sur la création du parc national de Pukaskwa sur la rive nord du lac Supérieur.
En février 1978, le ministre fédéral chargé de Parcs Canada et le ministre des Ressources naturelles de l'Ontario complétaient le transfert de propriétés provinciales au gouvernement fédéral pour le parc national de Pukaskwa. Les terres et les étendues d'eau couvraient une superficie de 1 878 km2.
Le gouvernement fédéral, la Province et les autochtones de la région ont convenu que les Indiens conserveraient les droits exercés dans la région du parc en vertu du traité Robinson-Supérieur et qu'ils continueraient d'y chasser et pêcher en vertu du Traité de 1850.
Notant que les Indiens Ojibways ont toujours habité la région de Pukaskwa, le gouvernement fédéral s'engageait à ce que l'aménagement du parc ne modifie en rien les droits traditionnels des Indiens assujettis au traité Robinson-Supérieur tout en offrant des avantages économiques substantiels et des emplois aux Indiens de la région.
En vertu de la convention fédérale-provinciale, l'exploitation minière à l'intérieur du parc serait interdite; l'Hydro-Ontario se voyait accorder un permis d'entretien et d'exploitation d'une ligne de transport d'électricité traversant déjà la région; l'Ontario assurerait la protection du parc contre les incendies de forêt; les quelques propriétés privées encore situées sur le territoire du parc seraient acquises par l'Ontario et cédées par la suite au gouvernement fédéral.
Le parc national de Pukaskwa est un oasis de nature sauvage accidentée. Le terrain est montagneux, criblé de crêtes, de falaises et de lacs ceinturés par les rochers. La rive du lac Supérieur qui borde le parc sur une distance de 80 km et qui forme des baies abritées suivies de grands caps à découvert constitue le paysage proéminent du parc.