Petite histoire des parcs nationaux du Canada

Chapitre 1
Les premières années (jusqu'à 1900)

Introduction

L'an 1885 a été important pour les Canadiens. Les annales témoignent de la réalisation d'un rêve national longtemps caressé : la liaison entre l'Est du Canada et la côte du Pacifique par la construction d'un chemin de fer. C'était aussi cette année-là le début de la colonisation des plaines de l'Ouest et la répression du soulèvement armé des Indiens et des Métis des Territoires du Nord-Ouest contre le gouvernement du Canada. À la fin de cette même année, les sources thermales situées dans les montagnes Rocheuses près de la gare de Banff étaient ouvertes au public; c'était la première étape de la création au Canada d'un réseau unique et vaste de parcs nationaux.

Au cours des années, le terme « parc » a eu de nombreuses acceptions qui lui permettent de désigner aussi bien un petit jardin clos qu'une vaste étendue sauvage. Dès le Moyen-Âge en Europe, les parcs étaient des institutions reconnues, certains étaient très grands. La « Forêt nouvelle », dans le sud-ouest du comté de Hampshire en Angleterre, transformée en lieu de chasse gardée par Guillaume le Conquérant en 1079, et le grand parc de Windsor en offrent des exemples. Selon la première édition de l'encyclopédie Britannica publiée à Edimbourg en 1771, un parc est défini comme un vaste enclos réservé à la chasse des animaux sauvages en vertu d'une ordonnance ou d'une proclamation du roi.1 Puisque ces premiers parcs servaient de lieux de chasse pour une minorité privilégiée, leur préservation était indispensable et par conséquent, ils ont favorisé la conservation de la faune indigène et de l'état sauvage qui lui est nécessaire. Hors de ces réserves on pratiquait habituellement une culture intensive des terres arables et la plupart des animaux sauvages y étaient donc menacés d'extinction.

Banff
Banff, 1887
Banff
Banff, 1913


L'idée de parc national

Heureusement, l'acception du terme « parc » est devenue encore plus large avec les années et, en Amérique du Nord, l'expression « parc national » désigne un terrain constitué en héritage public ou bien de l'État, afin de protéger à jamais des paysages exceptionnels, des lieux sauvages, des formations géologiques, des phénomènes naturels ou la flore et la faune du pays. Ces parcs ne sont plus des réserves privées, mais des lieux mis à l'usage et au profit des citoyens du pays auquel ils appartiennent. Depuis sa naissance vers la fin du XIXe siècle, l'idée de parc national s'est propagée à tous les continents et la plupart des grands pays possèdent maintenant quelques parcs nationaux.

La création du premier parc national du Canada est redevable au fait que des législateurs perspicaces avaient compris qu'un phénomène naturel dans un paysage magnifique doit être entouré et géré dans un intérêt public plutôt que privé. La construction du premier chemin de fer continental avait amené à travers les plaines de l'Ouest jusqu'aux montagnes Rocheuses, des centaines de jeunes gens pleins d'audace et d'ambition. Au milieu des cimes, certains d'entre eux ont découvert des sources thermales minérales jaillissant du flanc des montagnes. Cette trouvaille a donné lieu à des revendications contradictoires et attiré l'attention du gouvernement du pays. Placé devant la nécessité d'adjuger le droit de propriété et le privilège d'exploitation à l'un ou l'autre des particuliers, le ministre de l'Intérieur a préféré faire des sources thermales et des terres qui les entourent la propriété de l'État et permettre aux Canadiens et à leurs amis d'en user et d'en tirer le meilleur parti à un coût minimal. Il est intéressant d'analyser les événements qui ont précédé cette décision historique.


Premières explorations

Moins de dix ans avant la construction du chemin de fer, la région des Rocheuses était presque inconnue sauf pour les Indiens, les commerçants, les explorateurs et les quelques personnes qui avaient emprunté ses cols réputés infranchissables. Les premiers voyageurs tels David Thompson, Sir George Simpson, le père Pierre de Smet et James Hector, de l'expédition Palliser, nous ont légué des notes de leurs voyages. Pour les autres, à qui manquaient l'énergie et les ressources nécessaires pour organiser une expédition, les sommets imposants, les vallées profondes et les forêts primitives à l'ouest des grandes plaines, c'était l'inconnu, la sauvagerie, la forêt impénétrable.

Dès les premiers temps, la découverte de la mer de l'Ouest n'a cessé de hanter les explorateurs de l'Amérique du Nord. Ce n'est toutefois qu'au début du XIXe siècle qu'a eu lieu la première percée de la partie centrale des Rocheuses canadiennes. En 1793, Alexander Mackenzie était parti du fort Chipewyan sur le lac Athabasca et, passant par les rivières Pine, de la Paix, Parsnip, Blackwater, Bella Coola et par le fleuve Fraser, il a atteint la côte du Pacifique.2 En 1800, David Thompson et Duncan McGillivray, deux employés de la Compagnie du Nord-Ouest, ont traversé la partie est des Rocheuses en remontant la rivière Bow jusqu'à un endroit situé tout près de la municipalité actuelle d'Exshaw.3 Quelques années plus tard, en 1807, Thompson, un voyageur inlassable, a traversé de nouveau les Rocheuses en partant cette fois de Rocky Mountain House, au nord du lac Windermere, où le fleuve Columbia prend sa source.4 La réputation de Thompson comme explorateur grandit encore lorsqu'il découvrit et traversa au cours de l'hiver 1810-1811 le col Athabasca dont il atteignait le sommet en janvier 1811 pour y camper sur six mètres de neige. Par la suite, les commerçants de fourrures venant de la côte du Pacifique et allant à Fort Edmonton empruntaient chaque année ce passage.

La route tortueuse du col Athabasca, connue sous le nom de piste Athabasca, devait tomber en désuétude après la découverte du col Yellowhead au nord. Cette piste plus facile vers le Pacifique passe par le fleuve Fraser et semble être utilisée depuis 1826.5 Au XXe siècle, les sociétés ferroviaires Grand Tronc et Canadian Northern Railway, fusionnées depuis et devenues le Canadien National, ont construit leurs voies transcontinentales le long de ce col.

En 1841, Sir George Simpson, directeur de la Compagnie de la baie d'Hudson, a frayé une nouvelle route à travers la partie centrale des Rocheuses au cours de son voyage autour du monde. Le récit des voyages de Simpson constitue le premier rapport documenté d'une excursion à l'intérieur de la vallée de la rivière Bow à l'ouest de la ville actuelle de Banff.6 Guidé par un Cri, Simpson a suivi une piste qui traversait le Trou du diable (Devil's Gap), contournait le lac Minnewanka, suivait le cours de la Bow vers l'ouest, puis remontait le ruisseau Healy jusqu'à la ligne continentale de partage des eaux, endroit maintenant connu sous le nom de col Simpson. Émerveillé par ces hautes régions montagneuses, Simpson exprime sa joie à la découverte de bruyères de montagnes. Voici la traduction de son récit :

En raison de la proximité des neiges éternelles, nous avons estimé que nous nous trouvions à sept ou huit mille pieds au-dessus du niveau de la mer et que les sommets voisins surplombaient nos têtes d'environ quatre mille pieds... Outre le paysage magnifique qui s'offre à mes yeux, j'ai trouvé ici un souvenir saisissant des collines de mon pays natal sous la forme d'une plante très voisine de la bruyère des hautes terres d'Écosse et cette découverte était d'autant plus étonnante que durant mes années de voyage, je n'ai jamais rien vu de tel en Amérique du Nord. Très intéressé à vérifier l'identité de la plante, j'en cueillis deux spécimens qui, à la suite d'un examen minutieux, se sont révélés différents de la bruyère brune authentique d'Écosse.7

Dans ce même col, 80 ans plus tard, James Brewster, de Banff a découvert sur un tronc d'arbre tombé l'inscription « GS-JR 1841 ». Ce serait les initiales de George Simpson et de James Rowand, régisseur en chef de la Compagnie, qui, dans la traversée des Rocheuses, l'accompagnait du fort Edmonton à la rivière Kootenay et aux comptoirs de la Compagnie sur le fleuve Columbia et la côte du Pacifique.

Voyages des missionnaires>

Quatre ans après Simpson, le père Pierre de Smet, un missionnaire jésuite, franchissait les Rocheuses par le col White Man au cours de son voyage des territoires de l'Orégon vers les plaines de l'Ouest, où il comptait rendre visite aux Pieds-Noirs. Pour son retour à partir de Fort Edmonton, il emprunte le col Athabasca, puis le cours des rivières Athabasca, Whirlpool et Wood. En remontant la vallée de l'Athabasca, il s'arrête près de Jasper House, poste de traite de la Compagnie du Nord-Ouest. Il y reste plus de trois semaines au cours desquelles il baptise et marie les Indiens et où il jeûne en vue de perdre du poids avant un rude voyage à travers les montagnes. En remontant le col, son groupe croise des commerçants de fourrures de la Compagnie de la baie d'Hudson, dirigés par Edward Ermatinger et en provenance de Fort Vancouver.8

Un autre missionnaire, le révérend Robert T. Rundle, a décrit dans son journal la visite qu'il effectuait en 1847 à l'endroit où se trouve actuellement Banff. En 1841, il avait atteint la rivière Bow jusqu'aux Rocheuses et, six ans plus tard, ses guides indiens le conduisaient au pied du mont Cascade où il campa plusieurs jours.9 Les témoignages de ces missionnaires et pionniers contiennent peu de renseignements scientifiques mais les récits de leurs voyages dans les régions primitives et sauvages qui font maintenant partie des parcs nationaux nous donnent un aperçu intéressant de leurs moyens de transport, de l'effort physique qu'ils devaient déployer et de l'importance de la pêche et de la chasse dans leur alimentation quotidienne.

L'expédition Palliser

Au début de la seconde moitié du XIXe siècle, l'expédition Palliser entreprend l'exploration scientifique de l'Ouest canadien y compris la région montagneuse audelà des plaines. Le groupe avait reçu du gouvernement de la Grande-Bretagne le mandat d'explorer les Territoires du Nord-Ouest du Canada afin de déterminer les possibilités d'immigration et de colonisation et de découvrir éventuellement un itinéraire convenable pour la construction d'une route ou d'un chemin de fer qui traverserait les Rocheuses et relierait les postes et les colonies de l'ouest à ceux de l'est. Cette vaste entreprise était motivée, en partie, par les explorations effectuées au sud de la frontière par le gouvernement américain. En 1853, le président des États-Unis autorisait le secrétaire de la Guerre à effectuer des explorations et des levés pour découvrir l'itinéraire le plus pratique et le plus économique pour la construction d'un chemin de fer du fleuve Mississipi à l'océan Pacifique, ce qui relierait les États de la côte de l'Atlantique à ceux de la côte du Pacifique. Dans l'introduction de son rapport, le capitaine Palliser souligne que des groupes successifs formés par le gouvernement américain ont rédigé des rapports qui, lors de leur publication, formaient « douze grands volumes in quarto remplis d'une foule de précieux renseignements de tout genre sur la région et enluminés de dessins du paysage ».10 Par contre, l'aspect physique de certaines régions de l'Amérique du Nord britannique entre la côte ouest du lac Supérieur et le lac Okanagan, au nord de la frontière, était bien connu, surtout celui de la région de la rivière Rouge où la colonie Selkirk s'était établie. Les vallées de l'Assiniboine et de la Saskatchewan Nord étaient également connues, car la Compagnie de la baie d'Hudson y avait établi des postes de traite. La région méridionale du pays le long de la Saskatchewan Sud demeurait relativement inconnue. Bien que Sir George Thompson eût raconté sa traversée des Rocheuses en 1841 et que James Sinclair eût conduit des groupes par le même passage en allant vers les territoires de l'Orégon sur la côte du Pacifique, on ne disposait d'aucun renseignement précis sur les difficultés qu'ils avaient rencontrées et les moyens de les éviter ou d'en venir à bout. Le capitaine Palliser avait pour mission d'explorer la région de l'Amérique du Nord britannique située entre le bras nord de la rivière Saskatchewan, la frontière, la rivière Rouge et les Rocheuses. Il devait aussi déterminer « s'il existait un ou plusieurs passages praticables à travers les Rocheuses, en territoire britannique, au sud de la route déjà connue entre les monts Brown et Hooker (col Athabasca) et pouvait également, s'il le désirait, continuer vers l'ouest après le passage des Rocheuses jusqu'à l'île de Vancouver ».11

Le capitaine Palliser, chef de l'expédition, avait pour associés le géologue James Hector, le lieutenant Thomas Blakiston, de l'Artillerie royale britannique, le botaniste Eugène Bourgeau et John W. Sullivan, qui faisait fonction de secrétaire de l'expédition. En 1857, on s'est limité à explorer les plaines de l'Ouest, mais en 1858, on poursuivait vers l'ouest jusqu'au-delà des Rocheuses. Des membres du groupe ont exploré la plupart des cols connus de la ligne continentale de partage des eaux, au nord de la frontière. En 1858 également, Palliser conduisit ses hommes de Fort Carlton à la rivière Bow et, par le col Kananaskis, jusqu'à la rivière Kootenay et il revint à Fort Edmonton par le col Kootenay, situé plus au sud. L'année suivante, Palliser visite la région à l'ouest du col Kootenay Nord jusqu'au fleuve Columbia. Il se dirige ensuite vers la côte du Pacifique et atteint Fort Vancouver par le fleuve Columbia. De cet endroit, il vogue vers Fort Victoria sur l'île de Vancouver. Le lieutenant Blakiston mena une expédition dans les régions situées à l'est et à l'ouest des cols Kootenay nord et sud et dans le territoire faisant maintenant partie du parc national des lacs Waterton.

Découvertes de James Hector

Du point de vue des découvertes ultérieures dans les Rocheuses canadiennes, les explorations de James Hector (qui a obtenu par la suite le titre de Sir James) sont les plus intéressantes. En 1858, accompagné du botaniste Eugène Bourgeau, il remonte la rivière Bow au-delà de l'emplacement actuel de Banff.12 Le 15 août, il établit un campement dans la « petite prairie » au pied de « la montagne d'où l'eau tombe » {sic, le mont Cascade). Un détour au sud-ouest par le col Vermilion le conduit aux rivières Vermilion et Kootenay, parcours qui, 50 ans plus tard, sera celui de la grand-route entre Banff et Windermere. James Hector remonte ensuite la rivière Kootenay vers le nord-ouest jusqu'à sa source, puis descend la rivière Beaverfoot jusqu'à la rivière Kicking Horse, ainsi nommée en raison de l'accident qui lui est arrivé. Voici la traduction de deux passages de la narration qu'il donne de cet accident qui est également à l'origine de la désignation de l'un des cols les plus célèbres et les plus fréquentés du Canada:

Le 29 août... Un peu en amont de cette chute, un de nos chevaux de somme, voulant éviter des arbres tombés, a sauté dans la rivière là où, heureusement, il y avait un coude; mais les berges étaient tellement escarpées qu'il nous a été très difficile de le sortir de l'eau. J'ai ensuite voulu rattraper mon propre cheval qui s'était éloigné alors que nous étions occupés à ramener le cheval de bât sur la berge. Il a rué et m'a frappé à la poitrine mais, heureusement, je m'étais suffisamment approché de lui pour ne pas subir toute la force du coup. Toutefois, je suis tombé et j'ai été inconscient pendant quelque temps. C'était fâcheux car nous n 'avions aperçu aucune trace de gibier dans les environs et nous n'avions plus de nourriture; en outre, ma blessure nous empêchait d'aller plus loin, du moins ce jour-là. Mes hommes m'ont installé sous un arbre et je les ai tous envoyés chercher quelque chose à manger.

Le 31 août. Après avoir parcouru un mille en venant du nord-ouest sur la rive gauche de la rivière, que mes compagnons avaient surnommée Kicking Horse à cause de mon accident, nous avons passé sur l'autre rive.13

Au moment de l'accident l'expédition manquait de vivres. Elle dut vivre du gibier de la région et James Hector découvrit que les animaux sauvages étaient très rares à l'ouest de la ligne de partage des eaux et les provisions se bornaient à une faible quantité de pemmican. En remontant la rivière vers l'est, le groupe a traversé la ligne de partage des eaux. Au cours d'une halte de nuit dans le col Kicking Horse, Hector était sur le point de tuer un des chevaux pour le ravitaillement lorsque son guide indien, Nimrod, a fort heureusement ramené un orignal.

Ensuite, James Hector remonte la rivière Bow vers le nord, en suivant le chemin de la future grand-route entre Banff et Jasper, jusqu'à la rivière Saskatchewan Nord. Après un détour vers l'ouest jusqu'au lac Glacier, l'expédition descend la rivière Saskatchewan Nord jusqu'à Rocky Mountain House, puis jusqu'à Fort Edmonton. Au cours de la dernière partie du voyage dans les montagnes, le gibier était abondant et l'expédition a fait bonne chère.

Le guide Nimrod se rappelait avoir vu des troupeaux de bisons le long de la rivière Saskatchewan Nord bien à l'intérieur des montagnes avant leur disparition en même temps que d'autres espèces de gibier probablement au cours d'une épidémie.14

Au début de 1859, Hector quitte Fort Edmonton en hiver pour se rendre à Jasper House sur la rivière Athabasca. Ce voyage selon un itinéraire presque identique à celui qu'emprunte aujourd'hui le Canadien National s'est révélé très pénible. On a fait la majeure partie du trajet en raquettes et les provisions étaient placées sur des traineaux tirés par des chiens. Avant d'atteindre le poste de traite de la Compagnie de la baie d'Hudson, qui venait d'être réouvert, les membres de l'expédition ont dû passer l'Athabasca à gué avec de l'eau jusqu'à la taille par une température de -26° C le 31 janvier. Après cette traversée glaciale, ils atteignaient Jasper House à 22 heures où ils ont été accueillis par le commerçant de la Compagnie, M. Moberley. À partir de Jasper House, Hector et ses hommes ont effectué plusieurs excursions, dont la remontée des rivières Snake Indian, Whirlpool et Athabasca, au cours desquelles Hector nomme bon nombre de montagnes de la vallée de l'Athabasca aux environs de Jasper. Le voyage de retour à Edmonton a eu lieu entre le 16 février et le 6 mars de la même année.

Bow pour effectuer son deuxième voyage dans la vallée de la rivière Bow. Cette année-là, l'expédition se dirige vers le nord, à partir d'une région située près de l'emplacement actuel de la station Lac Louise, traverse la rivière Pipestone et suit la vallée jusqu'au col Pipestone. Le groupe descend la rivière Siffleur jusqu'à la rivière Saskatchewan Nord, tourne vers l'ouest, explore les champs de glace à la source de la rivière Howse, traverse le col Howse et atteint le fleuve Columbia en descendant la rivière Blaeberry. Ensuite, Hector remonte le fleuve Columbia jusqu'à sa source et se rend à Fort Colville pour y rejoindre le capitaine Palliser. Au cours de ses deux années d'exploration, James Hector a parcouru des routes qui, longtemps après, seront empruntées pour la construction des voies ferroviaires et routières à travers les Rocheuses.

Les conclusions du capitaine Palliser

Dans son rapport au ministère des Colonies à Londres, le capitaine Palliser exprime l'avis que quatre cols peuvent se prêter à la construction de chemins à travers les Rocheuses permettant ainsi de relier les plaines de la Saskatchewan à la vallée du fleuve Columbia. Il s'agit des cols Kootenay Nord, Kananaskis, Vermilion et Kicking Horse. Il accorde la préférence au col Vermilion dont l'ascension est la plus graduelle. Le capitaine Palliser ajoute que l'expédition a suivi une route connue pour relier les plaines de la Saskatchewan à la Colombie-Britannique sans traverser aucune partie du territoire américain, mais que les renseignements disponibles sur la région ne l'inciteraient jamais à préconiser la construction d'une voie de communication, uniquement en territoire britannique, pour réunir l'est du Canada à la côte du Pacifique.15 Cette opinion devait heureusement être combattue maintes fois au cours des années ultérieures.

Retour de James Hector

Plus de 40 ans plus tard, Hector, portant désormais le titre de Sir James, revient dans les Rocheuses sur les lieux de ses explorations. En 1903, accompagné de son jeune fils Douglas, il part de Nouvelle-Zélande, traverse le Pacifique et vogue vers le Canada. Il est l'invité de la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique à Glacier House, dans le parc national des Glaciers. Le 12 août, à son arrivée à l'hôtel, son fils tombe malade et est transporté à l'hôpital de Revelstoke où il meurt. Il est enseveli à l'ombre des montagnes qui entourent le fleuve Columbia et que son père avait explorées bien des années auparavant. La visite de James Hector est mentionnée dans le registre de Glacier House par Mme Charles Schâffer qui termine son récit de la tragédie sur cette note dont voici une traduction :

Ce soir-là, le père, le coeur trop lourd pour poursuivre son voyage et ses projets, se tourne vers l'ouest et s'embarque pour la Nouvelle-Zélande à bord du même navire qui les avait conduits tous deux sur le rivage canadien.16

Avant son départ, Sir James s'est fait photographier en compagnie du célèbre alpiniste et vainqueur du Cervin, Edward Whymper, dont il venait de faire la connaissance.

Explorations au-delà des montagnes

Depuis le début du XIXe siècle, la Compagnie de la baie d'Hudson et sa concurrente, la Compagnie du Nord-Ouest, avaient étendu le commerce des fourrures au-delà des montagnes de l'Amérique du Nord britannique. En 1821, la fusion des deux compagnies met fin à cette concurrence destructrice et la Compagnie de la baie d'Hudson, qui survit à cette fusion, s'étend jusqu'au Pacifique. L'établissement de postes le long des cours d'eau, dont le fleuve Columbia qui se jette dans l'océan Pacifique, créait un droit en faveur de la Grande-Bretagne sur la région désignée sous le nom de territoire de l'Orégon. Le traité de l'Orégon de 1846 fixe toutefois la frontière entre l'Amérique du Nord britannique et les États-Unis au 49e parallèle, et bien qu'il reconnaisse que l'île de Vancouver fasse partie du territoire britannique, met fin à la souveraineté britannique dans la région de l'Orégon.

En 1843, la Compagnie de la baie d'Hudson avait construit Fort Victoria à l'extrémité sud de l'île de Vancouver.17 En 1849, le gouvernement impérial de Londres, qui désirait coloniser au moins une partie de la côte du Pacifique, fait don de toute l'île à la compagnie en lui confiant la responsabilité de la coloniser.18 A la suite de l'épuisement des mines d'or de Californie, des travailleurs du sud se tournent vers le nord, après la découverte d'or sur les rives du Fraser en territoire britannique. En août 1858, le gouverneur Douglas de l'île de Vancouver estime qu'il y a 10 000 chercheurs d'or dans la vallée du Fraser.19 Préoccupé de l'afflux d'Américains en territoire britannique, le gouverneur Douglas prend de son propre chef des mesures pour réglementer l'exploitation minière et le commerce sur le continent. Le gouvernement impérial, quant à lui, veut faire des parties du continent qui lui appartiennent une colonie de la Couronne, ce qui est réalisé en août 1858. Plus tard, en 1866, les deux colonies sont réunies par une loi impériale du parlement de Londres.


Entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération

Vers 1860, les gouvernements britannique et canadien se préoccupent du besoin de communication entre la colonie de la Colombie-Britannique, l'île de Vancouver et les provinces du Haut et du Bas-Canada. La position sans défense des colonies de la Colombie-Britannique, séparées du reste du pays, privées de communication ferroviaire et situées le long de la frontière, pose également un problème. Parmi les propositions présentées au ministère des Colonies de Londres par les partisans de l'ouverture d'une voie de communication, citons l'achat des terres de la Compagnie de la baie d'Hudson à l'ouest de l'Amérique du Nord britannique, la création d'une nouvelle colonie de la Couronne et le prolongement du chemin de fer Grand-Tronc - Pacifique vers l'ouest jusqu'à la côte du Pacifique. Toutefois, ce n'est qu'après la réussite dans l'est du Canada du mouvement en faveur de l'union des colonies de l'Amérique du Nord britannique et la réalisation de la Confédération en 1867 que la perspective d'une liaison ferroviaire ou routière devient intéressante. En 1869, la Compagnie de la baie d'Hudson cède sa charte à Sa Majesté la reine d'Angleterre et la Terre de Rupert redevient un territoire de la Couronne. Par un arrêté impérial en conseil en 1870, la Grande-Bretagne cède la Terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest au Dominion du Canada. La Compagnie conserve ses postes de traite et certains terrains spécifiques et continue de se livrer sur une grande échelle à la traite des fourrures et au commerce. Le Canada verse 300 000 livres sterling à la Compagnie en guise de dédommagement. Parmi les terres ainsi acquises, le Manitoba devient la cinquième province canadienne le 15 juillet 1870.


Projet de construction du chemin de fer transcontinental

En 1868, la colonie de la Couronne de Colombie-Britannique demande formellement d'être admise dans la Confédération. Le ministère des Colonies à Londres estime cependant que la Terre de Rupert et les Territoires du Nord-Ouest doivent faire partie du Dominion du Canada avant que la Colombie-Britannique puisse entrer dans la Confédération. À la suite de longues négociations dans lesquelles les questions financières jouaient un rôle prédominant, la Colombie-Britannique est admise dans la Confédération le 20 juillet 1871. En vertu des dispositions non financières de l'union, le Canada doit, dans les deux années qui suivent, entreprendre la construction d'un chemin de fer transcontinental et le terminer en dix ans. De son côté, la Colombie-Britannique s'engage à céder au Canada comme bien public des terres sur une bande ne dépassant pas 32 km de chaque côté de la voie pour la construction d'un chemin de fer. En contrepartie, le Canada devra verser chaque année, à perpétuité, 100 000 $ à la province. L'article de l'entente du 7 juillet 1870 stipule à ce sujet :

Le gouvernement du Dominion s'engage à entreprendre simultanément, dans les deux années qui suivent la date de l'union, la construction d'un chemin de fer du Pacifique aux montagnes Rocheuses et d'un point à choisir à l'est des montagnes Rocheuses vers le Pacifique, et à relier la côte de la Colombie-Britannique au réseau ferroviaire du Canada et, en outre, à achever la construction du chemin de fer dans les dix années qui suivent l'union.20

Sanford Fleming, un Écossais qui avait acquis une grande expérience de la construction ferroviaire dans l'Est du Canada, est nommé ingénieur en chef des Chemins de fer du Canadien Pacifique. Il dresse pour le territoire concerné un plan de travail qui exige 21 équipes et 800 hommes. Walter Moberly, ingénieur torontois qui possède une vaste expérience de la construction routière en Colombie-Britannique, est nommé ingénieur régional. Moberly, qui a découvert le col Eagle dans le chaînon Gold, préconise la construction d'une route vers l'ouest qui passe par le col Howse, contourne un long méandre du fleuve Columbia, franchisse le col Eagle et se dirige vers la côte par le lac Shuswap, la rivière Thompson et le fleuve Fraser jusqu'à l'anse Burrard. Comme on peut s'y attendre, il présente un tracé avantageux de ce parcours. Roderick McLean, ancien ingénieur de l'Inter-colonial Railway, qui travaille en collaboration avec Moberly, suggère un autre chemin par le col Yellowhead, le long du lac Albreda et de la rivière Thompson Nord. En avril 1872, Sanford Fleming informe Moberly que le gouvernement a choisi la route qui passe par le col Yellowhead.

Le gouvernement, dont Sir John A. Macdonald est alors premier ministre, désire que le chemin de fer soit construit par une entreprise privée qui devrait recevoir à titre d'aide des terres que lui concéderaient les provinces concernées.

Deux groupes financiers de l'Est du Canada soumissionnent pour obtenir le contrat de construction; l'un est dirigé par Sir Hugh Allan, de Montréal, et l'autre par l'honorable David L. MacPherson, de Toronto. À la suite des élections fédérales de 1872 où le premier ministre Macdonald remportait la victoire, une charte est accordée à la société dirigée par Hugh Allan. Au cours de la session de 1873, les discussions sur la question ferroviaire entraînent la formation en grande hâte d'une commission royale. Le rapport de cette dernière révèle qu'avant les élections, le gouvernement conservateur dirigé par Macdonald avait accepté une aide financière importante d'Allan à des fins politiques. Ces révélations donnent lieu au « scandale du Pacifique » qui amène la démission de Sir John A. Macdonald en novembre 1873 et l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement libéral dirigé par Alexander Mackenzie. Le contrat de construction du chemin de fer est retiré et Mackenzie entreprend de trouver un remplaçant à Sir Hugh Allan. En raison des conditions offertes, personne ne soumissionne et le nouveau gouvernement décide de construire lui-même le chemin de fer par contrats accordés par le ministère des Travaux publics.

Construction du chemin de fer par le gouvernement

Le 1er juin 1875, le gouvernement entreprend la construction du chemin de fer à quelques kilomètres à l'ouest de Fort William. Les élections de 1878 se soldent par le retour au pouvoir d'un gouvernement conservateur dirigé par Macdonald, et Sanford Fleming, qui reçoit l'ordre de commencer la construction en Colombie-Britannique, recommande de suivre une route longeant la rivière Thompson et le fleuve Fraser jusqu'à l'anse Burrard. Un ingénieur américain renommé, Andrew Onderdonk, reçoit le contrat pour la construction de 204 km de voie ferrée le long du Fraser. Bénéficiant de l'appui financier d'un groupe d'Américains, il commence la construction du tronçon du Pacifique le 14 mai 1879.21 La construction du chemin de fer des Grands Lacs vers l'ouest sous l'égide gouvernementale progressait très lentement bien que des lignes aient été jetées de Selkirk vers l'est ainsi que vers le sud afin de rejoindre un chemin de fer américain à la frontière, ce qui permettrait de relier Winnipeg à St. Paul. Vers 1880, en raison des problèmes posés par la cueillette de fonds pour financer la construction, le premier ministre Macdonald décide de confier la poursuite du travail à des entreprises privées subventionnées par le gouvernement du Canada. Il incite George Stephen, un marchand prospère de Montréal, également président de la St. Paul, Minneapolis and Minnesota Railway, à former un groupe pour l'achèvement de la voie transcontinentale canadienne. Les négociations débutent en avril 1880 et le contrat définitif est signé à Ottawa le 21 octobre 1880.22 En février 1881, le premier ministre obtient l'accord du Parlement sur un projet de loi ratifiant un contrat qui accorde une subvention de 25 000 000 $ et de 10 117 361 ha de terrain et prévoit l'achèvement des tronçons du chemin de fer situés entre Selkirk et le lac Supérieur et entre Kamloops et Port Moody.23 Ce groupe, constitué sous le nom de Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique, a entrepris de terminer et d'installer le chemin de fer à partir de la tête de ligne occidentale du Canada Central Railway, près de l'extrémité est du lac Nipissingjusqu'à Port Moody sur le fleuve Fraser, avant le 1er mai 1891.

Découverte du col Rogers

La nouvelle société décide de trouver une route plus au sud que le col Yellowhead pour la traversée des Rocheuses parce qu'elle croit qu'un emplacement plus proche de la frontière favoriserait les échanges. Sanford Fleming est alors en disgrâce et le major A.B. Rogers, ingénieur américain qui possède une vaste expérience dans le domaine de la construction de chemins de fer, est nommé responsable de la section ferroviaire des montagnes. Rogers reçoit la charge de découvrir la route la plus simple et la plus courte entre Savona Ferry en Colombie-Britannique et Moose Jaw dans les Territoires du Nord-Ouest. En mai 1881, il trouve dans les monts Selkirk le col qui portera son nom et, en juillet 1882, il se rend du fleuve Columbia, en empruntant le ruisseau Beaver, au sommet du col Rogers et dans la vallée de la rivière Illecillewaet. Voici la traduction d'un passage d'une lettre adressée par Rogers le 10 juillet 1883 au directeur général de la compagnie de chemins de fer, W.C. Van Horne :

Lundi, le 17 juillet 1882, accompagné de deux hommes Blancs et de trois Indiens, j'ai quitté le fleuve Columbia pour entreprendre un autre voyage dans les monts Selkirk en passant par le ruisseau Beaver. Le 24 juillet, j'ai découvert un passage praticable traversant le sommet, passage qui rejoint l'embranchement est de la rivière Illecillewaet et le 6 août, je suis revenu au campement.24

À la suite d'un examen minutieux de la vallée de la rivière Bow par le major Rogers, le col Kicking Horse, découvert par James Hector en 1858, est choisi comme route pour la construction du chemin de fer à travers les Rocheuses. En novembre 1882, Rogers établit le tracé définitif de la voie qui va vers l'est du sommet du col Kicking Horse sur une distance de 64 km et vers l'ouest, sur 13 km, ce court tronçon parcourant la région du fleuve Columbia, où le travail de construction est particulièrement difficile. Les levés définitifs dans la vallée Kicking Horse sont terminés en 1883.25

Les montagnes Rocheuses sont franchies

Alors que la construction du chemin de fer dans les Prairies progresse à une vitesse étonnante et que la voie ferrée atteint Calgary en août 1883, le doute subsiste dans les cercles gouvernementaux quant aux avantages qu'offre la route des cols Kicking Horse et Rogers par rapport à celle du col Yellowhead. Sanford Fleming, qui avait été ingénieur en chef du chemin de fer pour le gouvernement de 1871 à 1881, est chargé d'examiner le nouvel emplacement et de rédiger un rapport. En août 1883, Fleming quitte port Arthur en compagnie de son fils Sanford et de G.M. Grant, recteur de l'université Queen's à Kingston. Ils voyagent en train jusqu'à Calgary et vont en voiture au col Kicking Horse. Du sommet du col vers l'ouest, la route est très accidentée. Ils descendent la rivière Kicking Horse au-delà de l'emplacement actuel de Field, parcourent à cheval et à pied le sinueux canyon qui suit, jusqu'au fleuve Columbia, où ils rejoignent le major Rogers.26 Ce dernier guide le groupe au col Rogers et descend avec eux la rivière Illecillewaet jusqu'au canyon Albert par un sentier aménagé à leur intention. L'expédition traverse ensuite avec peine la région très sauvage qui la sépare du fleuve Columbia, où un groupe en provenance de Kamloops les rejoint. Fleming et ses compagnons poursuivent leur route vers la côte en passant par le col Eagle, Kamloops et le fleuve Fraser. L'expérience réussie de Fleming avait pour la première fois amené des gens à parcourir l'itinéraire choisi pour la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique et dissipa les doutes sur l'opportunité du choix de l'emplacement de la voie.27 Un compte rendu détaillé de l'expédition de Fleming se trouve dans son livre « England and Canada, a Summer Tour between Old and New Westminster ».

Une fois le chemin à travers les Rocheuses et les Selkirk fermement tracé, la construction du chemin de fer dans les montagnes bat son plein. À la fin de 1883, la voie touche à Laggan, qui porte à présent le nom de station du lac Louise, et en juin 1884, elle atteint Field plus à l'ouest en Colombie-Britannique. La compagnie avait acheté les lignes ferroviaires déjà en service entre Montréal et Ottawa et entre Ottawa et Callander. Vers la fin de 1885 est complété le tronçon entre Callander et Fort William près du lac Supérieur dont la construction fut difficile, et son exploitation débute le 2 novembre.28 Le 7 novembre 1885, le dernier crampon du tronçon en montagne est posé à la station Craigellachie dans le col Eagle, en Colombie-Britannique, et une ligne ininterrompue entre Montréal et Port Moody en Colombie-Britannique est achevée. L'année suivante, elle est prolongée à l'ouest jusqu'à un nouveau terminus, Vancouver. L'achèvement de la voie principale quatre années et demie avant la date promise était tout un événement. Le lien si longtemps désiré entre la côte du Pacifique et les provinces de l'Est du Canada est noué. De plus, au cours des années ultérieures, la voie ferrée permet la colonisation de nombreuses régions du pays, favorise le commerce et la poursuite de la prospérité.


L'exploration scientifique

L'achèvement rapide du chemin de fer transcontinental avait encouragé l'exploration et la recherche scientifiques dans l'Ouest canadien. Au début des années 1880, le ministère de l'Intérieur, alors responsable de la gestion des terres de l'État dans les Territoires du Nord-Ouest, parraine des études topographiques et géologiques intensives. On découvre l'emplacement et l'étendue des grandes richesses naturelles du pays et aussi les endroits favorables au tracé des routes. En 1882, des groupes chargés d'établir des levés topographiques se répartissent le territoire de Winnipeg jusqu'au pied des Rocheuses. Les premiers levés géologiques dans l'Ouest canadien sont établis en 1881 par George M. Dawson, et au cours des cinq années suivantes, des explorations intensives se poursuivent dans les Rocheuses sous la conduite de G. Dawson, de J.B. Tyrell, de James White et de R.J. McConnell. En 1881, Dawson et McConnell découvrent sur le versant est des Rocheuses d'importants gisements de charbon qui, dans les années subséquentes, permettront l'aménagement d'industries à Canmore et à Banff. À partir des données recueillies lors de ces études, Dawson dresse, en 1886, une carte géologique d'une partie des Rocheuses où se trouve maintenant le parc national de Banff. La nouvelle de la présence de minerais dans les montagnes attire une foule de prospecteurs, de mineurs, de promoteurs et d'entrepreneurs désireux de profiter de l'exploitation des ressources naturelles disponibles. On accorde de nombreuses concessions minières et plusieurs demandent l'autorisation de couper le bois des hautes forêts denses qui couvrent de nombreuses vallées. Ce déferlement d'êtres humains s'accompagne de certaines des plaies de la civilisation. Ainsi, des incendies de forêt ravagent les pentes inférieures dans les régions situées le long de la voie ferrée.

En 1881, deux années avant que des rails atteignent Banff, on découvre des gisements de cuivre et d'argent à proximité du mont Castle, appelé aujourd'hui mont Eisenhower. Selon une légende régionale, Joseph « Joe » Healy avait acheté le minerai d'un Indien et l'avait apporté à Calgary et à Fort Benton au Montana. En 1883, avant la construction du chemin de fer, des mineurs en herbe arrivaient sur les lieux et établissaient une agglomération de tentes et de baraques qui grandissait à vue d'oeil. Connu sous le nom de Silver City, le village groupait à son apogée une population de plus d'un millier de personnes. Les bâtiments, pour la plupart en bois rond, servaient de quartiers à des magasins, des hôtels, une boulangerie, un salon de coiffure, des pensions et des restaurants.29 À un certain moment, quatre mines étaient exploitées. On avait vendu des actions d'une fausse mine d'or, un souterrain intentionnellement saupoudré de poussières d'or, et les fraudeurs s'étaient enfuis avec les recettes avant la découverte de leur méfait. En 1884 et 1885, des agents de la Direction des levés topographiques se sont mis à l'oeuvre au lotissement de Silverton et les possibilités d'exploitation des gisements de cuivre et d'argent se sont alors révélées inexistantes. La plupart des gens quittèrent l'endroit pour participer à une nouvelle ruée près de Golden en Colombie-Britannique.30 Un habitant de l'agglomération initiale, James Smith, mieux connu sous le surnom de « Joe », est demeuré seul dans la ville déserte pendant plus de 50 ans. En 1937, Smith, alors âgé de 86 ans, se laissa convaincre de quitter la maison où il avait vécu durant 54 ans. Malheureusement, il vécut un mois à peine dans sa nouvelle demeure, l'hospice Lacombe à Midnapore. Dans un rapport officiel adressé à Ottawa, le directeur du parc national de Banff soumettait l'avis que Smith n'avait vraisemblablement pas pu s'adapter au changement brusque de son mode de vie. En 1938, la direction du parc détruisait les derniers vestiges de Silver City.


Découverte des sources thermales

A mesure que la construction du chemin de fer progresse au-delà de Calgary et se poursuit dans les collines jusqu'aux montagnes, un monde nouveau s'offre aux travailleurs qui y participent. Venus de régions aussi éloignées que les provinces de l'Atlantique et sans doute attirés par l'aventure dans la grande nature, nombre d'entre eux s'adonnent à la prospection et à la chasse durant leurs loisirs ou leurs jours de congé. Un jour frais de novembre 1883, un contremaître, Frank McCabe, et un de ses ouvriers, William McCardell, découvrent les sources thermales maintenant connues sous le nom de Cave et de Basin. Le jour de leur découverte, le 8 novembre selon McCabe, ils quittent Padmore en draisine sur la nouvelle ligne et traversent la rivière Bow sur un radeau grossier pour aller examiner le pied du mont Terrace (appelé aujourd'hui mont Sulphur).31 À cet endroit, ils se trouvent soudainement face à un bassin alimenté par une source d'eau chaude et découvrent aussi la source de la grotte à laquelle ils accèdent par un trou dans la voûte. Quelques semaines plus tard, McCardell construit une cabane rudimentaire à proximité des sources et il s'y rend de temps à autre au cours de l'hiver suivant en compagnie de McCabe et parfois de son frère Tom. Au cours d'une excursion dans le voisinage des sources, McCabe et McCardell remarquent les vapeurs s'échappant d'un flanc de la vallée de la rivière Spray. Ils imaginent la présence d'autres sources d'eau chaude, mais abandonnent leur recherche probablement en raison du mauvais temps. Toutefois McCardell affirme avoir vu par la suite la source supérieure ou source « chaude » mais il n'a laissé aucune preuve de sa découverte.

Plusieurs années après la découverte des sources thermales Cave et Basin, William McCardell rédige un compte-rendu de sa découverte à laquelle il associe le nom de son frère Thomas. Cette référence n'est pas corroborée par les rapports contenus dans les dossiers de l'ancien ministère de l'Intérieur. Thomas McCardell témoigne lors de l'enquête publique, qui a lieu à Banff en 1886, sur les réclamations des prétendus découvreurs. Il informe le Commissaire de n'avoir pas fait de réclamation et que si réclamation il y avait, c'était en tant que commanditaire.

La nouvelle de la présence des sources thermales se répand très rapidement parmi les travailleurs de la construction. Paradoxalement, McCabe et McCardell ne cherchent pas à protéger leurs intérêts dans cette découverte ni à en tirer profit jusqu'au moment où d'autres ouvriers travaillant dans la région construisent des cabanes et utilisent les sources au pied de la montagne et en flanc de montagne. En octobre 1884, l'un des plus entreprenants de ceux-ci, David Keefe, grâce à un renseignement de McCabe, découvre la source en flanc de montagne et aménage un sentier qui surplombe la rivière Spray. En 1884 et 1885, Théodore Sebring George Whitman et Frank McCabe construisent des cabanes près de la source en flanc de montagne. Les travailleurs qui participent à la construction du chemin de fer sont relativement jeunes. McCabe et McCardell sont tous deux âgés de 26 ans lorsqu'ils découvrent les sources. Frank McCabe est né en Nouvelle-Écosse et s'est installé au Manitoba en 1880. Quant à William McCardell, originaire de Stratford en Ontario, il travaillait à la construction de chemins de fer au Manitoba et dans les Prairies depuis 1882 avant de faire la connaissance de McCabe en 1883 et de devenir son compagnon de travail. L'erreur qu'ils ont commise de ne pas revendiquer la propriété de leur découverte dès le début peut être attribuée à plusieurs facteurs. Tout d'abord, ils n'ont pas reconnu les possibilités touristiques des sources thermales. En outre, ils ne disposaient pas du capital nécessaire pour exploiter leur découverte. Plus tard, lors de l'enquête, McCabe a témoigné que selon les renseignements fournis par un intermédiaire, il fallait effectuer un levé avant de pouvoir jalonner la région des sources comme concession minière. Comme il n'existait aucun levé des terrains avoisinants et aucun point de repère, le coût d'un levé de Morleyville aux sources, ce qui représente une distance de 32 km, dépassait leurs moyens.

Revendications de propriété

En 1885, stimulé par le fait que d'autres personnes avaient l'intention de réclamer des droits sur les sources, McCabe revendiquait enfin un titre de propriété sur sa découverte. Cette demande est faite sous la forme d'une lettre adressée le 20 mars au ministre de l'Intérieur à Ottawa, au nom de McCabe, McCardell, Archie McNeil et C.W.H. Sansom.32 Quelques jours plus tard, le ministre reçoit une lettre datée du 27 mars, de Théodore Sebring, qui prétend avoir découvert la source en flanc de montagne près de laquelle il a construit une maison. McCabe est évidemment au courant de la réclamation de Sebring puisque le 18 mai, il adresse une autre lettre au ministre afin de contester le droit de Sebring et d'affirmer le sien en raison de l'antériorité de sa découverte. Ces lettres, dont le sous-ministre adjoint de l'Intérieur accusait réception, incitent le ministère à envoyer un agent sur les lieux. Cette inspection est effectuée par J.M. Gordon, agent des terres fédérales à Calgary, qui fait parvenir un rapport à Ottawa le 23 juin 1885. Sa description des sources, la première qu'ait reçue le ministère à Ottawa, vaut la peine d'être lue. En voici une traduction :

J'ai immédiatement visité les sources qui, selon mes calculs, se situent dans la moitié est de la section 28, canton 25, rang 12, à l'ouest du cinquième méridien. Il y a deux sources qui ne sont séparées que par un mur de roc. L'une coule au grand air dans un bassin d'environ 15 pieds de diamètre. L'autre se trouve à l'intérieur d'une grotte et pour l'atteindre, il faut monter environ 40 pieds le long de la colline et descendre environ 45 pieds par une petite ouverture.

L'eau de cette deuxième source est recueillie dans un bassin d'approximativement 25 à 30 pieds de diamètre et d'une profondeur d'environ 3,5 pieds. L'eau des deux sources est très imprégnée de soufre, surtout celle de la source extérieure. À mon avis, la température de l'eau est d'environ 90 degrés.

Tout le monde dans le voisinage des sources reconnaît que Frank McCabe et son associé, William McCardell, les ont découvertes et, bien qu'ils ne les aient peu ou pas mises en valeur, ils semblent être en droit d'en réclamer la propriété. En ce moment, aller aux sources n'a rien de bien agréable car il faut marcher environ trois milles sur un parcours difficile jusqu'à la rivière Bow, traverser cette rivière sur un petit radeau de bois et marcher à nouveau à peu près trois quarts de mille dans une région où se trouve un marécage où l'eau monte jusqu'à la cheville. Le terrain près des sources offre un nombre illimité d'emplacements pour la construction d'édifices de toutes sortes et, avec les fonds nécessaires, cet endroit pourrait devenir très attrayant. Je joins une déclaration de McCabe relative à sa revendication de propriété des sources.33

Cession des droits sur les sources

Le 25 août, le sous-ministre de l'Intérieur reçoit une lettre de Calgary, expédiée par D.B. Woodworth, député de Rings en Nouvelle-Écosse, qui recommande d'accorder toute l'attention nécessaire à la demande de McCabe de reconnaître ses droits de propriété sur les sources. On devait s'apercevoir que les recommandations de Woodworth n'avaient rien d'altruiste : le 31 août, il déposait devant l'agent des terres fédérales à Calgary un acte de cession par McCabe et McCardell de tous leurs droits sur les sources contre une somme de 1500 $. Dans un télégramme adressé le 9 septembre au ministre de l'Intérieur à Ottawa, McCabe et McCardell désavouent cette cession que McCabe avait signée en son propre nom et au nom de McCardell. Afin de prouver le bien-fondé de leurs réclamations, les découvreurs ont ensuite recours aux services d'un avocat de Calgary, J.A. Lougheed, qui les aide à rédiger des déclarations, qu'ils remettent à l'agent des terres fédérales à Calgary. Dans ces documents, McCabe affirme qu'il avait été conduit à céder ses droits sur les sources par suite d'une manoeuvre qui l'avait induit en erreur et sans savoir la portée de son geste et que Woodworth ne lui avait versé aucune somme d'argent ni d'autre indemnité. Quant à McCardell, il rappelle qu'il n'a pas signé la cession en faveur de Woodworth et ajoute que ni McCabe ni personne n'est habilité à signer pour lui.

Recommandation en vue de la création d'une réserve publique

Une autre revendication des droits sur les sources provient de David Keefe dans une lettre adressée le 27 août 1885 à l'agent des terres fédérales à Calgary. L'auteur prétend avoir découvert la source à flanc de montagne. Cette réclamation est soumise au surintendant des Mines, William Pearce, qui s'était rendu à Calgary en raison de ses fonctions au sein du Conseil des terres fédérales. Pearce informe Keefe qu'il n'existe aucun règlement concernant l'acquisition de titres de propriété sur des sources d'eau chaude parce qu'elles ne sont ni des terres agricoles ni des mines. Sur le conseil de Pearce, Keefe présente alors au ministre de l'Intérieur la demande officielle d'être reconnu comme découvreur.

À la fin de l'été 1885, les agents du ministère de l'Intérieur à Ottawa étudient sérieusement la possibilité de garder les sources thermales à l'écart de l'exploitation privée. À la fin de juillet et au début d'août, le sous-ministre A.M. Burgess correspond avec Charles Drinkwater, secrétaire de la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique. Drinkwater incite vivement le gouvernement canadien à adopter des mesures semblables à celles du gouvernement américain pour protéger les sources thermales de l'Arkansas.34 Des députés qui avaient visité Banff au cours de l'été, notamment James Trow et l'honorable P. Mitchell, recommandent la formation d'un parc public pour la préservation des sources. Le 11 septembre, le sous-ministre intérimaire John Hall demande à l'arpenteur général de prendre les mesures nécessaires pour déterminer les quatre zones terrestres qui pourraient le mieux protéger les sources de Banff. Cette demande est promptement agréée et P.R.A. Bélanger, qui travaille pour l'arpenteur général, doit quitter son poste à Morleyville et se rendre à Banff. Du 21 septembre au 10 octobre, il effectue le premier arpentage des sources à trois endroits différents et recueille des renseignements qui permettent d'avoir une idée précise des terrains environnants.

Le premier ministre John A. Macdonald est déjà au courant de la controverse qui entoure l'attribution des découvertes lorsqu'il reçoit une lettre à ce sujet de l'honorable P. Mitchell, député de Northumberland.35 Le 16 octobre, dans une lettre adressée au sous-ministre Burgess, Macdonald dit espérer que les responsables aient soigneusement veillé à garder en réserve les sources thermales de Banff ainsi que toutes les terres adjacentes, et exprime le désir que personne ne s'en empare et qu'on empêche quiconque de s'en emparer. L'honorable Thomas White qui, au début d'août 1885, avait remplacé l'honorable David L. Macpherson comme ministre de l'Intérieur, visite Banff en octobre au cours d'un voyage dans l'Ouest canadien. Le 23 octobre, il adresse de Calgary une lettre de conseil à son sous-ministre, lettre dont voici un extrait :

Mon cher Burgess, je viens de visiter les sources thermales de Banff et j'ai décidé qu'il importe de transformer en réserve, par un arrêté en conseil, les zones où se trouvent les sources et celles qui les entourent. Je vous fais parvenir une note de service que M. Pearce a rédigée pour moi et je désire que vous prépariez une recommandation à l'intention du Conseil pour réserver ces zones. Il importe que ces mesures soient prises sans délai. Nous étudierons à mon retour la question de ce que nous ferons ensuite de ces terres.36

Création de la réserve des sources thermales

Une proposition dûment rédigée est présentée au Conseil privé et le 25 novembre 1885, l'arrêté en conseil n° 2197 est approuvé. Les dispositions prévoient qu'une étendue d'un peu plus de 36 km2 située sur le versant nord du mont Sulphur est consacrée à la création d'un parc. La clause décisive de l'arrêté en conseil se traduit comme suit :

Il plaît à son Excellence le gouverneur général en conseil d'ordonner par les présentes, sur l'avis du Conseil privé de la Reine pour le Canada et avec son approbation, à la suite de la découverte de plusieurs sources thermales minérales près de la gare de la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique à Banff dans le district provisoire de l'Alberto, Territoires du Nord-Ouest, sources qui promettent d'être très salutaires pour le public, et afin que la Couronne soit investie du pouvoir d'administrer judicieusement les terrains adjacents aux sources, que lesdits terrains situés dans la région qui comprend les sources et les terres contiguës soient préservés de toute vente, colonisation ou appropriation, soit toutes les zones 13, 14, 15, 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28, ainsi que les parties des zones 34, 35 et 36 situées au sud de la rivière Bow et à l'intérieur du canton 25, rang 12, à l'ouest du cinquième méridien.

Les sources thermales de Banff font dès lors partie des biens de l'État et ne peuvent devenir propriété ou exploitation privées. Au cours des années suivantes, les mesures prises par le gouvernement seront en général cordialement accueillies mais décevront amèrement ceux qui revendiquaient leurs droits de découvreurs. Le sénateur et ministre de l'Intérieur, James Lougheed, qui portera plus tard le titre de Sir James, écrit à l'honorable Thomas White au nom de McCabe et McCardell et propose que le gouvernement leur verse une indemnité pour leurs frais de déplacement et de séjour, pour la perte de temps qu'ils ont subie et pour l'entretien d'une maison qu'ils avaient construite près des sources afin de protéger leurs intérêts. Au cours d'un voyage dans l'Ouest canadien, Lougheed rencontre le ministre et est informé qu'il est peu probable que le ministère de l'Intérieur accorde jamais aux découvreurs ou à leurs représentants, un droit sur les sources.

Un homme politique hardi de Nouvelle-Écosse, D.B. Woodworth, avait également écrit au ministre pour l'informer de ses droits sur les sources, droits qu'il prétendait avoir achetés à McCabe et McCardell. Dans sa lettre, il attire l'attention sur les dépenses qu'il a encourues pour la mise en valeur des sources, notamment par l'achat d'un immeuble destiné à servir d'hôtel, l'achat de matériaux pour la construction d'un traversier sur la rivière Bow et par l'ouverture d'une route vers les sources. La réponse de White le 19 décembre 1885 est importante du point de vue politique. Le ministre informe Woodworth qu'il ne reconnaît l'existence d'aucun droit de découverte sur les sources thermales de Banff. Cependant, il est tout disposé à admettre « qu'il faut tenir compte des personnes qui revendiquent la découverte et qui ont encouru des dépenses en croyant que celles-ci leur assureraient un droit de propriété sur les sources ».37 Woodworth fait appel au premier ministre John A. Macdonald dans une lettre le 23 janvier 1886 à laquelle il joint un court exposé des motifs de ses revendications et où il demande la permission de défendre sa cause lui-même devant le Conseil des ministres. Il présente aussi au ministre une réclamation de 4397 $, montant qu'il estime avoir dépensé pour la mise en valeur des sources Cave et Basin.

Ouverture d'une enquête publique

Sous la pression des demandes d'indemnité, le ministère de l'Intérieur ouvre une enquête sur les réclamations relatives aux sources. Le 7 février 1886, le sous-ministre Burgess envoie un télégramme à J.A. Lougheed à Calgary pour lui demander s'il désire présenter au ministère des documents en faveur de ses clients McCabe et McCardell. L'avocat répond que ces derniers sont dans les montagnes, ce qui pourrait retarder l'obtention et l'envoi d'affidavits. En outre, il informe Burgess que, plusieurs mois avant la cession de leurs droits de propriété sur les sources par McCabe à Woodworth, McCabe et McCardell avaient aussi cédé la moitié de leurs droits sur leurs découvertes à William Hall et James Grierson, Hall ayant consigné cet acte de cession au bureau du greffier des terres à Calgary. Le 22 février, Lougheed envoie une longue déposition sous serment de McCardell où le découvreur nie avoir, en quelque manière, autorisé McCabe à vendre pour lui à Woodworth ses droits sur les sources. Les dossiers du ministère indiquent qu'avant qu'il n'obtienne de McCabe la cession des droits sur les sources thermales, Woodworth avait conclu un accord verbal par lequel il s'engageait à partager ces droits avec McCabe, McCardell, Hall, Grierson et R.R. Fitch, ce dernier étant son représentant sur les lieux. Ayant ainsi respecté ce qu'il considérait comme les droits de McCabe et McCardell, Woodworth avait entrepris des travaux qu'il avait confiés à Fitch. Ce dernier s'installait près des sources et, avec l'aide de McCabe, établissait le tracé d'une route depuis la voie ferrée jusqu'à la rivière Bow. On achetait un immeuble à Silver City pour le déménager près des sources et l'utiliser comme hôtel. En outre, Woodworth obtenait du gouvernement territorial l'autorisation d'exploiter un traversier sur la rivière Bow, achetait des câbles d'acier pour le maniement du traversier et chargeait Fitch de recruter de la main-d'oeuvre pour la construction d'une route carrossable de la rivière aux sources.

Les associations conclues par McCabe et sa cession des droits de McCardell sur les sources avaient eu lieu en l'absence de ce dernier qui avait quitté Banff pour aller travailler en Colombie-Britannique. Devant l'insistance de son frère Tom, McCardell revient à Banff et tous deux rencontrent Woodworth. Cette entrevue, organisée par Woodworth, a lieu dans une cabine appartenant à Fred et Ben Woodworth, près de la gare de Banff au pied du mont Cascade. Le but de cette réunion était évidemment d'inciter William McCardell à reconnaître qu'il avait accordé à McCabe l'autorisation de céder ses droits. Au cours de cette rencontre qui avait lieu le soir, Fitch, l'agent de Woodworth, un inconnu pour McCardell, se cachait derrière un rideau. Les récits ultérieurs de l'entrevue sont contradictoires, McCardell, d'une part, niant qu'il ait jamais autorisé McCabe à céder pour lui ses droits sur les sources, et Fitch, d'autre part, affirmant dans une déclaration sous serment que McCardell avait admis avoir donné à McCabe la lettre nécessaire à cette autorisation.

Audiences publiques à Banff

En avril 1886, le surintendant de mines William Pearce reçoit l'instruction verbale du ministre de l'Intérieur de mener une enquête sur toutes les réclamations de terres situées à proximité des sources thermales de Banff. Pearce avait des relations avec le Conseil des terres fédérales à Winnipeg et connaissait très bien les problèmes des terres dans les Territoires du Nord-Ouest. L'avis préalable de l'enquête est publié dans le « Herald » de Calgary et les dates des audiences, qui ont lieu à Banff les 8 et 9 juillet 1886, sont choisies pour convenir à D.B. Woodworth qui désire retourner en Nouvelle-Écosse après la prorogation de la session parlementaire avant de revenir dans l'Ouest.38

Au total, 14 témoins se présentent et les demandes de dédommagement ou de reconnaissance d'autres requérants sont étudiées. Comme Woodworth, l'un des principaux intéressés, participe activement à l'enquête, McCabe et McCardell remettent leur cause aux mains de J.A. Lougheed. Avant d'entendre les témoignages, Pearce, en qualité de commissaire, fait une lecture sommaire à l'auditoire de toutes les lettres et affidavits relatifs au droit de propriété sur les sources qui ont été versés aux dossiers du ministère de l'Intérieur jusqu'en février 1886 et depuis ce mois. Certaines dépositions sous serment permettent de faire d'intéressantes études de caractère ou de manque de caractère des témoins et démontrent que l'art de brasser des affaires était déjà poussé en 1886.

Témoignages des requérants

Le premier témoin, et celui qui demeurera le plus longtemps à la barre, est Frank McCabe. Il raconte que, né en Nouvelle-Écosse, contremaître à la construction du chemin de fer, il avait découvert avec McCardell les sources thermales Cave et Basin. Il reconnaît avoir conclu un contrat d'association avec William Hall et James Grierson avant de céder ses droits et ceux de McCardell au député D.B. Woodworth. Il se justifie en déclarant que McCardell lui avait envoyé une lettre l'autorisant à « faire son possible avec les sources » mais il admet n'avoir reçu aucune procuration de lui. C'est invraisemblable, mais McCabe affirme en outre qu'il a signé le contrat sans en lire le contenu, à la demande de Woodworth, il a signé aussi pour McCardell et que, même si le document accusait réception de la somme de 1500 $, il n'a jamais reçu un sou de Woodworth.39 Le témoignage de McCabe contient une révélation intéressante : l'homme affirme qu'il n'a pas autorisé l'insertion des noms d'Archie McNeil et C.W.H. Sansom à côté de son nom et de celui de McCardell dans sa lettre du 20 mars 1885 au ministre de l'Intérieur. Il explique qu'à l'origine, il avait rédigé le brouillon d'une lettre au ministre pour lui demander, en son nom et celui de McCardell, de leur céder les sources situées au sud-ouest de Banff. Plus tard, il confiait son brouillon à McNeil, un menuisier de Calgary pour qu'il le mette au propre et jette la lettre à la poste. Évidemment McNeil a saisi l'occasion pour ajouter son propre nom et, quant à y être, celui d'un ami, complètement inconnu de McCabe.

William McCardell déclare dans son témoignage qu'il avait travaillé pour plusieurs entrepreneurs de construction ferroviaire au cours de l'automne de 1883 avant d'être sous la direction de McCabe. Il confirme que McCabe et lui ont découvert les sources thermales Cave et Basin le 8 novembre 1883 alors qu'ils faisaient de la prospection et que par la suite il avait construit une cabane près des sources avec des matériaux achetés à Calgary. Sur les renseignements fournis par McCabe et par son frère Thomas, il avait gravi le versant de la montagne en partant de la vallée de la rivière Spray jusqu'à la source en montagne ou source chaude en décembre 1883 ou en janvier 1884. McCardell explique aussi que McCabe et lui avaient abandonné toute tentative d'obtenir les sources en concession minière parce qu'ils n'avaient pas assez d'argent pour défrayer l'arpentage nécessaire à une description précise du terrain revendiqué. Lors de l'interrogatoire, il admet que McCabe a conclu un contrat d'association avec Hall et Grierson sans son consentement écrit ou sa signature et que McCabe a également signé son nom sur la cession des droits sur les sources en faveur de D.W. Woodworth sans son autorisation écrite. Il reconnaît par ailleurs que dans une de ses lettres à McCabe, il lui avait recommandé de faire de son mieux pour mettre les sources en valeur.

William George Hall témoigne qu'en 1883, il était employé par la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique comme chef de train à l'extérieur de Calgary et que durant les étés de 1884 et 1885, il était conducteur de trains de passagers entre Medicine Hat et Laggan. Il avait appris par McCabe l'existence des sources thermales de Banff en 1884 et, comme il connaissait quelque peu la valeur commerciale des sources thermales de l'Arkansas, il avait tenté d'obtenir une part dans les sources de Banff. Il raconte qu'il a conclu une association avec McCabe et James Grierson en mai 1885 et qu'il a versé le contrat au Bureau des titres de biens-fonds à Calgary. En juin 1885, il a rencontré le sous-ministre de l'Intérieur à Ottawa comme représentant de McCabe et McCardell et en août 1885, il s'entretenait avec D.B. Woodworth à qui il donnait des renseignements sur les sources thermales. Par l'entremise de Woodworth, il fait la connaissance de R.R. Fitch qui lui est présenté comme le député MacDougall. Il apprenait ensuite du docteur Brett, médecin de la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique, qu'il n'existait pas de député nommé MacDougall au Parlement. Woodworth s'était proposé d'élargir le groupe de mise en valeur des sources en y ajoutant Fitch. Mais, avant que cette proposition ne fût adoptée par écrit. Hall apprenait que Woodworth avait obtenu de McCabe la cession de ses droits et de ceux de McCardell. En conflit avec Woodworth, Hall accusait ce cernier d'être responsable de son renvoi de la compagnie de chemins de fer.

David Keefe, un autre requérant, raconte pour sa part qu'il travaillait comme contremaître de section à la construction du chemin de fer depuis 1884 et qu'il tenait une pension dans la maison de section de la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique près de la gare de Banff. En juillet 1884, il apprend par McCabe l'existence des sources thermales, et après s'être construit un radeau, traverse la rivière Bow et va aux sources thermales Cave et Basin en compagnie d'autres personnes. Il déclare en outre avoir découvert la source chaude en montagne en octobre 1884, en suivant le filet d'eau vers son origine. Par la suite, il a ouvert un chemin vers les sources et aménagé un traversier sur la Bow. Il admet que George Whitman a construit la première maison près de la source en montagne et que Sebring et McCabe y ont également élevé des cabanes. Afin d'appuyer sa demande, Keefe fait valoir qu'à l'inverse de ceux qui ont caché leurs découvertes, il a fait connaître les sources et les avantages que l'on pourrait tirer de leur utilisation.

Théodore Sebring, citoyen américain originaire de l'Ohio, dit au commissaire qu'il avait tenu une pension à Silver City, à l'ouest de Banff, de 1883 à 1885. À la fin de 1884, il apprenait de Keefe l'existence des sources thermales et, en février 1885, à la suite d'une visite aux sources thermales de Cave et Basin et à la source en montagne, il se construisait une cabane près de la source supérieure. Bien qu'il fût exact qu'il avait jalonné un terrain autour de la source supérieure et tenté d'en devenir ainsi propriétaire, il n'avait jamais prétendu être l'un des découvreurs.

Le témoignage de Joseph Healy, citoyen américain né en Irlande, contestait la découverte de McCabe et McCardell. Healy affirmait qu'il avait vu la vallée de la Bow en 1863 pour la première fois, qu'il se trouvait à proximité de Banff en 1874 et qu'il avait découvert la source supérieure qui se jette dans la rivière Spray en juillet 1874. Il déclarait en outre qu'il avait découvert les sources Cave et Basin la même année ou l'année suivante. Bien que les dates citées dans son témoignage aient été plutôt imprécises, il connaissait bien la vallée de la Bow puisqu'il avait été l'un des pionniers de la ruée vers l'argent de Silver City. Healy clarifia sa position en ajoutant que, même s'il avait parlé de ses trouvailles à des connaissances, il n'avait jamais tenté de les faire reconnaître officiellement et qu'il ne réclamait aucune indemnité.

Revendications de découverte antérieure

Le commissaire Pearce rappelle aussi l'intérêt dans l'affaire d'un Américain originaire de l'Ohio, Willard B. Younge, qui dans des lettres au ministre de l'Intérieur, affirmait avoir découvert les sources thermales en 1875, construit une cabane à proximité où il passait l'hiver suivant et accompli des travaux pour améliorer l'accès aux sources. Les lettres de Younge indiquaient qu'au printemps de 1885 environ, il avait l'intention de demander une concession statutaire à proximité de la source, puis qu'il avait appris que cette région avait été réservée. Pour appuyer sa déclaration, Younge se servait de lettres de témoignages de pionniers de la région, notamment Andrew Sibbald et le révérend John MacDougall, tous deux de Morley, qui confirmaient le fait que Younge avait remonté la Bow vers sa source pendant l'hiver de 1875-1876. Au cours de son contre-interrogatoire, McCabe admet l'existence en 1884 près des sources de Cave et Basin d'une maison que Younge aurait pu avoir construite. Le commissaire Pearce étudie également la réclamation de J.R. Grant, de Brussels en Ontario, faite par affidavit et envoyée par la poste. Grant prétend qu'il a découvert les sources en totalité ou en partie en septembre 1883 : il avait même rempli une bouteille avec l'eau pour la faire analyser. Toutefois, pendant son voyage de retour vers l'est, sa malle avait été endommagée et l'eau s'était perdue.

Pearce lut à l'auditoire le témoignage de R.R. Fitch recueilli par lui à Ottawa. Une déclaration sous serment faite le 20 mai 1886, fournit des précisions sur le travail de Fitch pour Woodworth et sur son association avec McCabe, McCardell et les autres personnes qui prétendaient avoir des droits sur les sources.

Dans son rapport au ministre le 16 août 1886, Pearce décrit le déroulement de l'enquête et remarque que les règlements ministériels ne prévoient pas l'attribution de droits sur les sources minérales en raison de leur découverte. Il souligne que l'utilité des sources dépend entièrement de leur emplacement, de leurs dimensions et de leur mise en valeur. Etant donné que Younge n'a aucunement contribué à l'exploitation des sources, il rejette sa demande d'indemnité. Il ne trouve pas justifiables non plus les demandes de Grant et de Sebring et fait remarquer que Sebring n'a pas participé à la découverte et que la cabane qu'il a construite près de la source thermale supérieure ne constitue pas une amélioration. Dans son examen du témoignage de David Keefe, le commissaire souligne que ce requérant a contribué plus que tout autre à faire connaître les sources au public et à les rendre accessibles. Il note par ailleurs que Keefe avait ses raisons de faire de la publicité aux sources puisqu'il tenait une pension dans la maison de la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique à Banff et que cette pension avait été longtemps le seul endroit à proximité des sources où l'on pouvait passer la nuit et prendre des repas.

Bien que D.B. Woodworth ait assisté à l'enquête et soumis certains témoins à un contre-interrogatoire serré, il n'avait convoqué aucun témoin pour lui-même et a refusé de comparaître à la barre. En fait, il a quitté les lieux avant que les audiences ne fussent terminées, après avoir dit au commissaire qu'il jugeait que certains témoignages avaient été préjudiciables à sa condition d'homme public et n'auraient pas dû être proférés.

J.A. Lougheed affirmait que la cession de McCabe et McCardell à Woodworth n'était pas valable puisque McCabe l'avait signée sans autorisation et qu'elle ne portait pas de sceau. Il ajoutait que le contrat était nul aussi parce que Woodworth n'avait pas versé la somme de 1500 $ dont parle le document de cession. Lougheed juge R.R. Fitch, dont le témoignage avait été recueilli par Pearce à Ottawa, comme un « homme absolument indigne de confiance ».

Recommandations du commissaire Pearce

Le commissaire Pearce terminait son rapport en proposant que le gouvernement du Canada accorde une indemnité :

a) de 100 $ à David Keefe, en reconnaissance des heures consacrées à faciliter pour les intéressés l'accès aux sources;

b) de 675 $ à Franklin McCabe et William McCardell en reconnaissance des dépenses encourues pour l'aménagement des sources et du temps passé près des sources à protéger leurs intérêts;

c) de 1000 $ à D.B. Woodworth, député, en reconnaissance des dépenses encourues pour l'acquisition des droits de propriété de McCabe et McCardell, pour la construction d'une route et l'achat d'un édifice devant servir d'hôtel près des sources et pour ses dépenses personnelles.

Le ministre approuvait ensuite les recommandations et sur l'autorisation du gouverneur en conseil, on versait les indemnités aux personnes en question.

Quoique le rapport de Pearce fasse état de toutes les réclamations de droits de découvreurs connues et recommande que certains des principaux intéressés soient indemnisés, il ne reconnaît aucun d'entre eux comme le découvreur des sources thermales. Il peut s'agir d'un oubli de la part de Pearce ou d'une omission volontaire. Le commissaire était sûrement au courant du contenu de la correspondance du ministre à ce sujet. L'honorable Thomas White écrivait au député D.B. Woodworth qu'il ne pouvait donner suite à aucune revendication de droit de découvreur sur les sources.40 Toutefois, selon les données recueillies à l'enquête, il est à peu près certain que Willard Younge avait visité l'emplacement des sources Cave et Basin en 1875 et y avait construit une cabane où il avait habité l'hiver suivant.

Malgré leur arrivée tardive sur la scène, McCabe, McCardell et Keefe méritent que l'on fasse honneur à leurs découvertes personnelles et collectives des années 1883 et 1884. Leurs efforts en vue d'acquérir un droit de propriété sur une telle merveille de la nature et la publicité accordée à leur revendication ont attiré l'attention sur cette région superbe des sources thermales de Banff. L'indemnité que leur a attribuée le gouvernement, quoique minime par rapport aux normes actuelles, ne venait pas uniquement sanctionner les gestes qui ont amené les sources à devenir propriété de l'État d'abord et plus tard partie intégrante du premier parc national du Canada. Plusieurs années après, Pearce observait : « Ces revendications étaient dépourvues de fondement juridique, mais à la suite d'entretiens à leur sujet avec le ministre de l'Intérieur, nous avons jugé bon de ne pas appliquer rigidement la loi et de verser plutôt une petite somme en dédommagement ».41


Proposition d'aménagement des sources

Les sources thermales étant désormais une propriété de l'État, le gouvernement devait organiser leur aménagement et leur emploi. Même sous leur forme naturelle plutôt fruste, les sources avaient grandement attiré l'attention et un grand nombre de malades y venaient chercher un soulagement à des maux divers. Les seuls endroits pouvant servir de logement étaient des cabanes érigées par des squatters ambitieux. La compagnie du chemin de fer Canadien Pacifique s'était procuré des échantillons de l'eau des sources thermales de Cave et Basin et de la source supérieure et les avait fait parvenir à Ottawa à l'analyste fédéral, Sugden Evans. Le secrétaire de la compagnie, Charles Drinkwater, informait le ministère de l'Intérieur des résultats de l'analyse et par la suite le sous-ministre écrivait en avant-propos dans le rapport annuel du ministère de 1886 :

Les propriétés curatives des eaux étant réelles et remarquables, des mesures immédiates ont été prises, sur vos instructions (celles du ministre}, pour effectuer un relevé topographique des terres de la réserve et, selon le plan établi à cette fin, pour entamer la construction de routes, de ponts et d'autres installations permettant de faire de la réserve un parc national valable.42

En janvier 1886, on envoyait en Arkansas le secrétaire du ministère, John R. Hall, pour qu'il y observe la gestion des sources thermales devenues une réserve aux mains du gouvernement des États-Unis depuis 1832. Selon une entente préalable, Hall pouvait examiner le rendement des concessions accordées à l'entreprise privée par le ministère américain de l'Intérieur. Son impression là-dessus n'a pas été favorable. Dans son rapport au sous-ministre, il signalait le laisser-aller dans la gestion des concessions, la mauvaise qualité de la plomberie et des installations et le manque de mesures d'hygiène dans l'admission des clients aux bains. Hall précisait également que le surintendant en place sur la réserve, le général Field, avait souligné au secrétaire de l'Intérieur le besoin d'améliorer l'administration et la gestion des piscines exploitées par l'entreprise privée.

Après l'étude du rapport de Hall, publiée d'ailleurs dans le rapport annuel du ministère, le gouverneur en conseil autorisait le ministre de l'Intérieur à procéder à la location annuelle de lieux propices à l'installation de bains. L'approvisionnement en eau proviendrait des sources thermales et le loyer annuel serait basé sur le nombre de bains. L'arrêté en conseil autorisait également le ministre à réglementer de façon générale les affaires dans le domaine des bains et à assurer la qualité des plans d'architecture et de l'équipement. On a passé outre à une autre recommandation qui souhaitait que la construction et le fonctionnement des stations thermales soient confiés à une équipe de spécialistes dirigée par un médecin, probablement en raison du coût élevé qui en aurait découlé.

Au début de l'année 1886, le sous-ministre de l'Intérieur A.M. Burgess faisait publier une affiche pour la région de Banff, qu'il expédiait au commissaire des terres à Winnipeg. On y interdisait de coloniser les terres de la section 35 du canton 25, rang 12, à l'ouest du 5e méridien (la surface comprenait les lieux où l'on devait établir plus tard le lotissement urbain de Banff), de s'y installer temporairement ou d'y entrer sans autorisation. L'interdiction touchait également le reste du canton et les parties des cantons ou des endroits avoisinants où l'on pourrait aménager plus tard un parc forestier.

Premier arpentage du parc

L'arpentage de la réserve des sources thermales par George A. Stewart, arpenteur des terres fédérales venant de Winnipeg, constituait un pas en avant dans l'aménagement du parc. Peu après son arrivée à Banff en février 1886, Stewart attirait l'attention des agents ministériels à Ottawa sur le fait qu'une grande étendue à l'extérieur de la réserve était d'une beauté exceptionnelle et convenait parfaitement à l'établissement d'un parc national. On lui enjoignait en conséquence d'élargir le champ de ses travaux de manière à englober un plus vaste espace où entrerait tout élément intéressant à l'intérieur de limites raisonnables.44

Le 8 mai, l'arpenteur en chef demandait à Stewart d'inclure la zone située plus à l'est jusqu'à l'ouest du lac Devils (lac Minnewanka) et jusqu'au confluent des rivières Spray et Bow. Toutefois, des modifications ultérieures ont mené à l'arpentage d'une portion oblongue de terrain de 42 km sur 16, d'une surface de 673 km2, englobant la majeure partie de la vallée de la rivière Bow autour de Banff, le lac Minnewanka, le mont Sulphur et d'autres pics élevés au sud et à l'est du lac.

Une fois le chemin de fer du Canadien Pacifique terminé, le nombre de passagers n'a cessé de s'accroître, sans doute en raison de la renommée grandissante des sources thermales qui intéressaient de nombreux invalides. Un petit établissement prenait forme sur la rive nord de la rivière Bow, rive qui n'avait pas été incluse dans la réserve originale des sources. Un grand intérêt se manifeste chez les nouveaux venus désireux d'ouvrir des commerces, des sanatoriums et des hôtels. L'arpentage effectué par Stewart prévoyait l'aménagement d'un lotissement urbain où se dresseraient des habitations et des maisons de commerce. La Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique, quant à elle, aimerait construire une grande auberge à Banff. Enfin, des particuliers veulent obtenir le permis de construire des stations thermales à la source supérieure. Bien que la nomination officielle de George Stewart au poste de directeur du nouveau parc ne remonte qu'au 1er janvier 1887, il remplissait déjà depuis l'année précédente, en plus de ses fonctions d'arpenteur, celles de planificateur et de responsable de l'aménagement. Sa première entreprise importante, en plus de l'arpentage, consiste à construire une route de la gare de Banff (voie 29) jusqu'à la source supérieure. Achevée en juillet 1886, la route, qui n'est guère plus qu'une voie rudimentaire permettant le passage des voitures à cheval, présente néanmoins une nette amélioration par rapport aux sentiers de montagne que devaient emprunter jusqu'alors les visiteurs. En attendant l'achèvement d'un pont permanent, un pont flottant retenu aux extrémités par des câbles pourvoit à la traversée de la rivière Bow. Vers la mi-juillet 1886, un chemin carrossable entre le pont et les sources thermales Cave et Basin est ouvert au public. En outre, pour répondre aux demandes d'utilisation de l'eau chaude provenant de la source supérieure, on construit un petit réservoir muni d'un conduit.

Accès à la grotte

Au cours de l'hiver 1886-1887, on améliore l'accès à la source Cave, l'une des principales attractions touristiques, en perçant un tunnel dans le roc le long d'un couloir naturel servant à l'écoulement des eaux. Grâce à ce tunnel, les visiteurs peuvent pénétrer à l'intérieur de la grotte au niveau du sol au lieu d'y parvenir en descendant une échelle rudimentaire accrochée à l'ouverture dans la voûte de la caverne. Chose curieuse, cette amélioration n'a pas plu au maire et aux citoyens de la ville embryonnaire de Calgary qui ont fait part de leur mécontentement au ministre de l'Intérieur en lui envoyant une pétition préconisant la construction d'un escalier en spirale partant de l'ouverture par laquelle les découvreurs étaient entrés dans la grotte remplie de vapeur. Deux agents de Calgary, celui des forêts de la Couronne et celui des terres fédérales, avaient aussi signé la pétition. Lorsque le sous-ministre a pris connaissance du fait, il a réprimandé officiellement ses fonctionnaires en attirant leur attention sur l'inconvenance qu'il y a pour des fonctionnaires à s'opposer à une politique du ministre. En fait, la réprimande était assez brutale et se terminait par cette mise en demeure : « Quand un agent du ministère s'oppose à une politique du ministre, il ne me semble pas qu'il puisse faire autre chose que démissionner ».45 Il va sans dire que les agents en faute ont adressé des lettres pleines de regrets. L'agrandissement de la réserve initiale de 26 km2 par l'addition de la superbe région montagneuse avoisinante permettait de concrétiser à merveille l'idée de parc national. Cette idée à double volet, conservation et aménagement sans altération des resources naturelles, était nouvelle pour les Canadiens de l'époque. On avait évidemment prévu le développement des régions desservies par le chemin de fer et la vente de terrains avait commencé sur le versant oriental des Rocheuses. Le long de la voie, on avait vendu de vastes secteurs à l'industrie forestière par adjudication publique et le ministère de l'Intérieur avait vendu des terrains houillers. Par conséquent, la transformation d'une région de plusieurs centaines de kilomètres carrés en réserve pour une utilisation à l'état naturel constituait vraiment une innovation dans la gestion des ressources.


Élaboration de lois relatives aux parcs

Au début de 1887, le ministre de l'Intérieur prend les mesures législatives nécessaires à la création du premier parc national du Canada et les fonctionnaires du ministère s'appuient sur l'exemple du parc national Yellowstone aux États-Unis. Cette région extraordinaire, d'origine volcanique, renommée pour ses phénomènes naturels, sources thermales, geysers, forêts pétrifiées, lacs, gorges et chutes, était déjà l'objet d'un grand intérêt. En général, les descriptions de la région par les premiers visiteurs, notamment John Colter, Joseph Meek et James Bridger, n'avaient pas tellement convaincu les gens. Ce n'est qu'à la suite de la publication de rapports d'expéditions entreprises en 1869 et 1870 que le public crut à l'existence dans la région de phénomènes remarquables. En septembre 1870, alors que les membres de l'expédition Washburn, Langford et Doane discutent de leurs aventures autour du feu, l'un d'eux, Cornélius Hedges (qui deviendra plus tard juge), fait à ses camarades la proposition saisissante d'abandonner les projets d'appropriation et d'exploitation privée de la région pour la préserver dans sa totalité en créant un grand parc national.46 D'autres membres de l'expédition, écartant tout objectif de profit personnel, adoptent l'idée et se dévouent à la réaliser. Leurs efforts sont couronnés de succès en décembre 1871 lors de la présentation d'un projet de loi aux deux chambres du Congrès préconisant la création du parc national Yellowstone. La loi à cet égard est adoptée le 1er mars 1872.47 En vertu de la loi sur le parc national Yellowstone, la région est « mise à part en tant que parc ou lieu de détente public et dédiée au bénéfice et à l'agrément du peuple ». La loi prévoit également l'adoption par le secrétaire de l'Intérieur de règlements visant à assurer « la sauvegarde contre tout dommage ou pillage, des forêts, gisements de minerais, curiosités et merveilles naturelles qui se trouvent à l'intérieur dudit parc, et leur conservation à l'état naturel ».48

Le 22 avril 1887, on présente à la Chambre des communes un projet de loi visant à créer le parc national de Banff. L'honorable Thomas White, ministre de l'Intérieur et député de Cardwell, est responsable de l'adoption de la loi. Les débats en deuxième lecture et en comité suscitent un intérêt inhabituel. En 1886, la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique invitait sénateurs et députés à essayer, sans frais de leur part, la nouvelle ligne transcontinentale jusqu'à la côte du Pacifique et plusieurs avaient accepté l'offre.49 Certains d'entre eux avaient profité d'un arrêt à Banff pour visiter les sources thermales et descendre l'échelle rudimentaire jusqu'à la source Cave. En juillet 1886, le premier ministre Sir John A. Macdonald en compagnie de Lady Macdonald s'était rendu à la côte du Pacifique et avait traversé une partie des montagnes arc-bouté au chasse-neige ou « chasse-bestiaux » de la locomotive.

Le premier ministre animait les débats en louant les beautés de la région. Il prophétisait que le nouveau parc aurait une renommée internationale et permettrait au gouvernement de récupérer de bien des façons les dépenses courantes. Le Hansard rapporte ses propos comme suit :

Je ne crois pas qu'on puisse trouver ailleurs sur le globe un endroit qui rassemble une telle diversité d'attraits et promette autant au Dominion, non seulement du point de vue financier, mais aussi par le prestige qu'il apportera au pays en attirant des visiteurs non seulement du continent, mais aussi d'Europe. L'endroit a toutes les qualités requises pour devenir un grand centre de villégiature. Le paysage est magnifique, il y a des eaux médicinales, le climat est agréable, on peut pratiquer les sports de prairie et les sports de montagne; et je suis certain que l'endroit deviendra une importante station thermale.50

Le député de Montréal-ouest, Donald Smith, ne tarit pas d'éloge concernant le nouveau parc. Voici un extrait de sa participation aux débats :

Quiconque est allé à Banff et depuis le plateau sur lequel sera construit le nouvel hôtel, a contemplé les chutes à ses pieds, une cascade de 80 pieds ou davantage avec son grand débit; quiconque a vu l'étendue de la rivière Bow, a pu contempler les montagnes s'élevant dans l'azur, et n'a pas été émerveillé et fier de savoir que tout ceci fait partie du Dominion, ne peut être un vrai Canadien !

Débats à la Chambre des communes

Le projet de loi est en général bien accueilli. Certains députés de l'opposition qui avaient visité les lieux l'appuient sans réserve, notamment James Trow, député de Perth-sud, qui avait vu les sources deux ans auparavant et avait par la suite encouragé le ministre à établir une grande réserve dans la région. Le projet recevait aussi l'appui de l'honorable P. Mitchell, député de Northumberland, qui avait également visité les sources de Banff et à son retour avait envoyé au premier ministre une lettre où il proposait de protéger les sources par la création d'un parc public.

Les critiques de l'opposition se concentraient sur le fait que le gouvernement avait, pendant l'année en cours et l'année précédente, dépensé environ 46 000 $ pour l'aménagement du futur parc en vertu d'ordonnances du gouverneur général. White justifiait les dépenses en soulignant leur nécessité pour permettre le plus tôt possible aux visiteurs d'accéder aux sources et aux autres attractions naturelles. L'arpentage avait coûté une forte somme et le reste des frais avait couvert la construction de routes et d'un pont sur la rivière Bow pour permettre d'aller aux sources. Le premier ministre ajoutait qu'au cours de son séjour à Banff l'été précédent, il avait constaté que les visiteurs utilisant les sources devaient loger dans des tentes qu'ils avaient apportées avec eux, et estimait en conséquence qu'il fallait construire la ville le plus tôt possible.

Certains députés, dont G.E. Casey, représentant le comté d'Elgin, se préoccupent du fait qu'une fois la loi adoptée, une importante partie des Territoires du Nord-Ouest ne relèvera plus de la Loi des terres fédérales et que le ministre sera désormais autorisé à accorder des concessions pour l'exploitation des ressources forestières et minières situées dans le parc. À la demande de Sir Richard Cartwright, le ministre de l'Intérieur accepte de dresser une liste de personnes possédant des concessions dans le parc, liste indiquant le genre de propriété qui leur a été cédée. Au cours d'une séance du comité, White expliquait qu'avant la création de la réserve des sources thermales, on avait mis à la disposition du meilleur offrant certaines concessions forestières dans la région où l'on se proposait maintenant de créer un parc. Ces terrains couvrant 254 km2 avaient été vendus à la société Eau Claire and Bow River Lumber et à l'honorable J.G. Ross. En outre, 472 ha de terrains à l'intérieur du secteur houiller Cascade, établi en 1884, avaient également été concédées. Le ministre admettait que l'une des coupes de bois couvrait presque la superficie de la réserve des sources thermales, mais il ajoutait que ces terres étant exploitées en vertu de permis annuels, il serait possible de récupérer les terrains nécessaires à la préservation des forêts du parc. White commentait ensuite la situation ainsi :

Tout ce que je suis en mesure de dire à mes honorables collègues, c'est que les gens ont déboursé 14 000 $ pour 1100 acres de terrains houillers au moment où seul le charbon comptait et où il n'était aucunement question de faire de la région un parc national. Je ne parviens pas très bien à saisir comment mon honorable collègue peut se réconcilier avec ses amis qui s'opposent à toute espèce de dépenses pour le parc national, alors qu'il propose que nous entamions des négociations avec les personnes qui ont acheté les terres pour des sommes considérables et les considèrent évidemment précieuses. Ces gens y ont consacré des sommes, dont j'ignore le montant, mais en ont extrait du charbon et il pense que nous devrions entrer en négociation pour leur racheter leurs terrains houillers. Le projet de loi nous autorise peut-être à exercer un contrôle sur l'exploitation minière, pour protéger le paysage environnant et toutes les choses du genre, mais entreprendre de racheter ces terrains serait une mesure très grave. Quant aux concessions forestières, je peux dire ce que j'ai dit cet après-midi, s'il est possible d'échanger leurs limites pour d'autres, ou de soulager le parc de leur présence d'une autre manière, il faudrait à l'avenir s'en tenir à une telle politique.51

Le projet de loi prévoyait également l'élaboration de règlements pour la surveillance et l'aménagement du parc par le gouverneur général en conseil. Une clause habilitant le ministre à céder des terres du parc par bail pour la construction d'édifices d'habitation, de commerce et d'industrie, s'attira une critique de Sir Richard Cartwright, député de l'opposition, qui proposait de fixer un terme à ces baux. Le premier ministre répondit que l'on espérait encourager les concessionnaires et autres intéressés à construire des immeubles attrayants dans le parc, et que l'attribution de baux de 21 ans n'inciterait pas les investisseurs et résidants à construire de belles maisons. Sir John A. Macdonald ajoutait même que si l'on fixait un terme, il faudrait aussi accorder le droit de renouveler le bail. Les règlements établis par la suite fixent un terme de 42 ans aux baux, mais permettent également le renouvellement à perpétuité, aux conditions stipulées par le bail. Cette disposition s'est avérée par la suite une source d'embarras pour les ministres responsables de la gestion des parcs.

Création officielle du parc national

La troisième lecture du projet de loi a lieu le 6 mai, et la loi, désignée depuis sous le nom de Loi sur le parc des Montagnes-Rocheuses, reçoit la sanction royale britannique le 23 juin 1887.

Après la désignation légale du parc des Montagnes-Rocheuses, la délimitation exacte de sa superficie et la définition de l'autorité responsable de sa gestion, les fonctionnaires du ministère de l'Intérieur peuvent entreprendre l'aménagement du parc sans trop de complications. La conception future du parc, son rôle et ses objectifs sont contenus dans la clause de dédicace de la nouvelle loi :

2. La dite parcelle de terre est par la présente mise à part comme parc public et lieu de détente et dédiée au peuple canadien pour son bénéfice, son avantage et son agrément, sous réserve des dispositions de la présente loi et des règlements mentionnés ci-après, et portera le nom de « parc des Montagnes-Rocheuses du Canada ».52

Il est intéressant de noter que la teneur de la dédicace ressemble beaucoup à celle de la loi sur le parc Yellowstone, ce qui révèle que les auteurs se sont inspirés de la loi américaine. D'ailleurs, comme le constatait William Pearce, même les premiers règlements établis en vertu de la loi étaient en grande partie fondés sur les règlements régissant les sources thermales de l'Arkansas.53 Toutefois, contrairement au parc Yellowstone qui devint propriété publique au bout de six ans, le parc des Montagnes-Rocheuses est dès le départ une affaire bien engagée.


Premières installations

Même si les règlements de 1889 assuraient la protection des forêts et du gibier, la surveillance de la construction et de l'exploitation privées et l'intégrité des phénomènes naturels, les premiers aménagements du parc visaient surtout à créer un centre de villégiature. Comme on pouvait s'y attendre, l'usage des sources thermales de Cave et Basin et leur aménagement ont pris la vedette. En 1887, le bassin situé dans la grotte, que l'on pouvait déjà gagner facilement grâce au tunnel, est débarrassé des pierres et des débris qui l'encombrent. On l'entoure d'un mur muni de conduites d'eau et de soupapes pour régulariser le courant et le niveau de l'eau dans la grotte. On nettoie aussi le second bassin, on l'agrandit et un ouvrage de pierre solidifie les parois de roc poreux. Des vestiaires convenables, de « style alpin », selon le rapport du ministère, sont construits aux deux endroits pour les hommes et les femmes qui vont se baigner. On peut également utiliser l'endroit l'hiver grâce à des poêles à bois.

L'aménagement des sources supérieures est retardé pendant 17 ans par le ministère, mais les concessionnaires peuvent se servir de l'eau chaude moyennant une somme fixe déterminée par les règlements. En 1886, le Dr R.G. Brett et Whitman McNulty construisent près des sources supérieures deux établissements abritant des installations de bain et d'hébergement. L'établissement du Dr Brett, qui porte le nom de « Grandview Villa », comprend une piscine en rondins dont les fentes sont remplies d'étoupe. Le Dr Brett, auparavant chirurgien en chef de la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique, demande avec beaucoup d'à-propos un emplacement situé immédiatement au sud du pont sur la rivière Bow à Banff. Il l'obtient et y construit un immeuble servant à la fois d'hôtel et d'hôpital. D'abord appelle « Sanitarium » puis Bretton Hall Hôtel, l'endroit est alimenté en eau chaude de la source thermale supérieure à l'aide d'un conduit. La forte pression produite par une dénivellation de plus de 183 m était contrôlée par l'intermédiaire d'un réservoir de fer à mi-pente.

En 1887, le Canadien Pacifique entreprend la construction d'un ensemble qui portera le nom de Banff Springs Hôtel (hôtel des sources de Banff). L'emplacement, magnifique terrain surplombant la rencontre des rivières Spray et Bow, avait été choisi par W.C. Van Horne, le vice-président de la compagnie, à l'instigation de Tom Wilson, guide qui avait découvert le lac Louise et le lac Emerald. Lors de son ouverture en 1888, un bel édifice de cinq étages devenait le meilleur hôtel du parc. Le bain public adjacent abritait deux piscines et dix baignoires alimentées à l'eau chaude provenant des sources thermales supérieures.

Le lotissement urbain de Banff prend forme

L'arpentage effectué en 1886 par George Stewart avait permis de planifier la création d'un quartier résidentiel au sud de la rivière Bow à l'intérieur de la première réserve des sources thermales et d'un lotissement urbain au nord. La région devait alors se composer de deux îlots résidentiels le long de la rivière et de quatres îlots moins grands donnant aujourd'hui sur l'avenue Banff et les rues Bear, Beaver, Muskrat et Otter. Un autre arpentage élargit ensuite la portée du plan provisoire et prévoit la formation d'autres îlots et d'une voie vers une nouvelle gare. Le premier directeur du parc tenait bureau dans une tente près de la voie de garage 29 de l'ancienne gare, à côté d'une cabane élevée sur la propriété des frères Woodworth, au pied du mont Cascade. En prévision de l'hiver 1886, Stewart déménageait ses quartiers dans une maison neuve en rondins sur la rue Bear. L'endroit servit de bureau jusqu'en 1904. Le bâtiment ne sera démoli qu'en 1947.

On avait d'abord pensé louer les plus grands lots ou lots « villas », qui donnaient sur la rivière et seraient situés dans le centre urbain au nord de la rivière Bow, à des fins de construction résidentielle, et vendre les plus petits à des fins d'exploitation commerciale. En tant que directeur intérimaire, George Stewart avait reçu des demandes de bail et des acomptes sur les lots avant l'approbation du projet d'arpentage et l'émission de titres de propriété. Bien que la seule pièce à l'appui du titre de locataire ou de propriétaire ne soit que provisoire, on se lance dans la construction sur un certain nombre de lots. Stewart avait agi trop vite en cédant les lots car il n'existait pas encore de dossiers adéquats ni de règlements sur l'utilisation du parc. William Pearce devait par la suite souligner ces lacunes au premier ministre.

Entre-temps, le Canadien Pacifique avisait le ministère de son intention de déplacer sa gare de triage de Canmore à Banff et, comme on ignorait les besoins de la compagnie à cet effet, Stewart est prié de ne plus accepter d'autres demandes. Au début de mai 1887, une législation nouvelle sur le parc était soumise au Parlement et on expédie à Stewart un télégramme l'avertissant que les lots situés à l'intérieur du parc et du lotissement urbain doivent être loués et non vendus. Toutefois, lorsque le télégramme parvient à Stewart, on y lit « loués ou vendus », la compagnie télégraphique ayant mal compris le message. La Canadian Pacific Telegraph reconnaît par la suite son erreur et fait parvenir une copie corrigée du message à Stewart. Celui-ci est alors chargé d'expliquer la situation aux personnes qui pensaient avoir donné un acompte sur un achat et non sur une location de terrains, de les rembourser et de révoquer les reçus provisoires. À peu d'exceptions près, tous les propriétaires ont accepté de devenir locataires, mais la vente prématurée de lots devait mettre fin à la carrière de Stewart au sein de la fonction publique. Le 31 décembre 1887, un total de 180 lots urbains sont loués, et six hôtels, neuf magasins, deux églises, une école et un bureau de poste sont ouverts au public.54 Avant la fin de l'année, les fonctionnaires du ministère à Ottawa se rendaient compte de l'importance et de la diversité des tâches qui incombaient à Stewart en tant que directeur du parc et en novembre, E.A. Wash, agent des terres fédérales à Battleford, est muté à Banff, où il assume toutes les fonctions liées à la répartition des lots de terrains à bâtir ou autres à l'intérieur du parc.

Accès à des régions pittoresques

L'établissement de lotissements au nord et au sud de la rivière Bow permit à Stewart d'intensifier ses travaux d'aménagement et d'ouvrir à un plus large public un parc agrandi. Un chemin carrossable mène au lac Devils, nommé par la suite lac Minnewanka, considéré alors depuis des années comme l'endroit idéal pour la pêche. Les routes vers les sources thermales Cave et Basin, à flanc de montagne, sont améliorées, et le chemin longeant la rivière Bow est prolongé au delà des chutes Bow jusqu'au confluent des rivières Bow et Spray. En 1887, un solide pont en fer reposant sur piliers de pierre remplace l'ancien pont flottant sur la Bow, et la construction d'un autre pont sur la Spray en aval du Banff Springs Hôtel permet l'aménagement de la boucle, dont le parcours est encore populaire 60 ans plus tard. Le réseau routier irradiant de Banff s'agrandit et comprend un chemin autour du mont Tunnel et allant au-delà des cheminées de fées, étranges colonnes de pierre formées par l'érosion de dépôts glaciaires sur les berges escarpées de la rivière Bow. Un prolongement de cette route menait à la ville minière d'Anthracite. On assure aussi l'accès au cañon Sun Dance et à la vallée de la rivière Spray. La voiture à cheval constitue l'unique moyen de transport sur ces nouvelles routes et c'est la diligence, élégante voiture découverte tirée par quatre chevaux attelés deux à deux, qui est le plus populaire. Les premiers modèles comportaient quatre banquettes sur lesquelles trois des passagers regardaient vers l'avant, le quatrième regardant vers l'arrière. Plus tard, on comptait six banquettes y compris celle du cocher.

Les paysages du parc n'attirent pas seulement des personnes voyageant à cheval ou dans des voitures tirées par des chevaux. Dès le début, on affectionne les promenades en bateau sur le lac Minnewanka et la rivière Bow. Le premier concessionnaire à louer des embarcations s'installe sur les radeaux du pont provisoire de Banff. Par la suite, on trouve les bateaux un peu plus en amont sur la rivière, là où on les loue encore aujourd'hui. Le premier à louer des petits bateaux amassa les fonds nécessaires pour l'achat de Mountain Belle, premier gros navire de plaisance à circuler sur la rivière Bow aux alentours du parc. En 1888, un bateau à vapeur est mis en service sur le lac Minnewanka, où, grâce à la pêche, il avait été possible d'exploiter une entreprise de location de bateaux au cours des années précédentes.

À la suite de la première vague d'expansion qui a accompagné et suivi la création du parc, le rythme de la construction ralentit et les nouveaux travaux et aménagements se poursuivent très lentement. Les crédits votés chaque année sont très modestes et le personnel d'exploitation peu nombreux. Malgré la nomination peu après la création du parc d'un garde forestier en la personne de John Connor, il reste encore à organiser un service pour combattre les incendies. Les feux qui faisaient rage dans les montagnes et le long de la voie ferrée étaient fréquents et catastrophiques. Au cours des quelques mois d'été les habitants de la petite communauté de Banff vivaient dans l'espoir que les incendies les épargneraient. En cas d'urgence, le directeur du parc devait envoyer son personnel combattre et maîtriser le fléau.

Mesures de conservation

Certains travaux de conservation commencent quand même. Peu après la création de la réserve des sources thermales, le ministre de l'Intérieur autorise une étude de la faune du futur parc. La recherche est confiée à W.F. Whitcher, auparavant commissaire des pêcheries du Canada. Le rapport, inclus en tant qu'annexe dans le rapport annuel du ministère de 1886, examine à fond l'état de la faune indigène de la région. On y recommande de remplacer le gibier exterminé à la suite des expéditions de chasse des travailleurs de passage à l'époque de la construction du chemin de fer. On y propose d'autres mesures de conservation, notamment la culture du riz sauvage dans des lacs peu profonds et des terrains marécageux afin d'encourager la multiplication des oiseaux aquatiques migrateurs, l'établissement d'une pépinière afin de faciliter le reboisement après les feux de forêts et la taille de coupe-feu pour empêcher la propagation des incendies provenant de l'ouest du parc. Ces propositions n'ont pas été vaines, mais ce n'est qu'en 1909 que l'on prendra des mesures vraiment efficaces pour mettre sur pied un service valable de protection du gibier et des forêts.

Attraits du parc national

Au cours des années 1890, le parc national de Banff est un centre axé sur les loisirs. L'arrivée et le départ par train de visiteurs canadiens et américains animent la ville. Comme il n'existe encore à l'époque aucun bureau d'information touristique provincial ou fédéral, c'est une campagne de publicité lancée par le Canadien Pacifique qui incite surtout les gens à entreprendre de longs voyages. La forte concentration de touristes, surtout pendant les fins de semaine, sera une caractéristique de l'avenir, bien que le directeur du parc indique dans son rapport annuel en 1900 que l'arrivée d'un groupe de 1500 personnes de Calgary avait entraîné un accroissement considérable du total annuel de visiteurs. Cette arrivée massive pour l'époque semble toutefois avoir été une exception, puisque la population des centres à l'extérieur du parc, Calgary compris, n'était pas encore très élevée. Presque tous les visiteurs qui ne séjournent pas chez des amis, logent à l'hôtel, le Banff Springs et le Sanitarium attirant la clientèle. Dans son rapport pour l'année 1887, Stewart estime le nombre total de visiteurs à 3000. En 1891, ce chiffre atteint 7250 mais se stabilise à environ 5000 au cours des années suivantes. Entre 1899 et 1901, le nombre de visiteurs passe de 7387 à 8156.

Les sources thermales restent le principal attrait du parc en dépit du caractère rudimentaire des installations aux hautes sources. Ce n'est qu'en janvier 1905 que la direction remédie à la situation en y ouvrant une nouvelle piscine avec vestiaires pour hommes et pour femmes. Bon nombre aiment toutefois les montagnes simplement pour les paysages superbes et l'air pur des sommets. L'équitation, la pêche et l'alpinisme ont leurs adeptes et les plus aventureux pouvaient aller à l'intérieur des régions sauvages des montagnes, grâce aux chevaux, aux guides, à la nourriture et au matériel que leur founissaient des pourvoyeurs. C'est à ces explorateurs que la direction du parc devait la découverte dans les Rocheuses d'un grand nombre d'endroits et de curiosités naturelles célèbres par la suite. Les guides empruntaient d'anciens sentiers ou pistes de chasse des Indiens qui sillonnaient la plupart des vallées. Très souvent, les excursionnistes accusaient du retard : ils avaient dû se frayer un passage parmi des arbres abattus par le vent ou par le feu. Les premiers visiteurs qui ont publié des récits de leurs voyages, comme Norman Collie, Walter D. Wilcox, Sir James Outram, Mme Charles Schàffer, A.P. Coleman et Hugh Stutfield, ont largement contribué à faire connaître les montagnes et concouru à l'élaboration d'une politique relative au parc national.

Les attraits culturels du parc sont peu nombreux bien qu'un ministre de l'Intérieur se soit déjà intéressé à l'établissement d'un musée. Le premier musée du parc devait s'ouvrir en 1895 pour accueillir 661 personnes.

Un enclos d'animaux sauvages qui, lors de ses débuts en 1890, ne comprenait qu'un petit troupeau de wapitis est une attraction qui a survécu au cours des années. En 1897, trois bisons du Texas, donnés par un citoyen généreux de Toronto, viennent s'y ajouter. L'année suivante, le ministère de l'Intérieur achète 13 autres bisons élevés en troupeau à Silver Heights au Manitoba par Lord Strathcona, haut commissaire du Canada en Grande-Bretagne.

Le premier parc national du Canada franchit donc le tournant du siècle. L'ambiance qui règne à l'époque apparaît dans un message publicitaire du Crag and Canyon, journal de Banff. En voici le contenu :

Parc national du Canada. Station thermale naturelle et centre de villégiature. Soixante-quinze milles de bonnes routes et de sentiers d'équitation. Pour de plus amples renseignements, écrire au directeur du parc, parc national de Banff, Territoires du Nord-Ouest.


Changements administratifs

Vers la fin du siècle, en 1897, le premier directeur du parc George Stewart est relevé de ses fonctions. Il y a consacré 11 années de sa vie. La mesure résulte d'un important remaniement ministériel. À la suite des élections générales de 1896, le gouvernement conservateur est remplacé par un gouvernement libéral dirigé par Wilfrid Laurier. En novembre, l'honorable Clifford Sifton est nommé ministre de l'Intérieur. Homme de principe aux idées progressistes, il se désole de l'état dans lequel il trouve le ministère. La nonchalance qui imprégnait la jeune fonction publique à l'époque se manifeste particulièrement au ministère de l'Intérieur où Sifton trouve une liasse de dossiers sur les questions foncières dont l'examen exigera un travail de deux ans.55 Comme le fait remarquer l'auteur de sa biographie, John W. Dafoe, Sifton avait une piètre opinion de son nouveau poste.

Les principaux griefs contre le ministère portaient sur sa lenteur et son verbiage, sur l'impossibilité d'y accomplir un travail quelconque et sur l'état d'épuisement des personnes qui essayaient d'y conclure des affaires.56

L'une des premières mesures prises par Sifton consiste à remplacer le sous-ministre A.M. Burgess par James A. Smart, de Brandon au Manitoba. Smart, un collègue de Sifton au gouvernement provincial, avait occupé le poste de ministre des Travaux publics du Manitoba de 1888 à 1892 et était renommé pour son discernement en affaires. Burgess devient alors commissaire des terres fédérales, poste que Sifton transporte de Winnipeg à Ottawa.57

Scandale des lots de Banff

Le congédiement de Stewart résulte d'une enquête menée à Banff en mars 1897 par un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les enquêtes. Selon l'arrêté en conseil C.P. 975 du 21 avril 1897, l'enquête porte sur la vente par Stewart, alors directeur intérimaire du parc, de lots urbains à Banff à l'automne 1886. Stewart avait vendu à Donald Blackwood, représentant de membres de sa famille, un total de 18 lots contre un acompte de 120 $ pour le prix d'achat de 1800 $. Certains de ces lots ont été par la suite vendus par les Blackwood avec un faible profit, à des acheteurs qui y ont construit des immeubles. La plupart des personnes qui avaient versé des acomptes sur l'achat de lots ont accepté des baux, à la suite des changements apportés à la politique du ministère. L'enquête révélait que Stewart n'avait pas conclu d'entente semblable pour certains lots. Après l'enquête, le ministère a repris possession de toutes les terres en cause et indemnisé les personnes qui y avaient apporté des améliorations parce qu'elles croyaient en être propriétaires. Blackwood a reçu lui aussi un remboursement de son versement initial. La raison pour laquelle Stewart avait accepté des acomptes sur la vente d'un nombre aussi considérable de lots à un seul particulier est demeurée cachée. Le dossier du ministère indique que Stewart avait écrit au sous-ministre pour l'informer des ventes de lots, et que celui-ci lui avait répondu que les prix demandés étaient raisonnables. Au printemps suivant, la politique du ministère change et la Loi sur le parc des Montagnes-Rocheuses n'autorise que la location des lots.

Le 22 août 1887, le ministre écrit à Stewart :

Je vous prie d'obtenir de chacune des personnes détenant un lot urbain une demande de bail précisant le prix ainsi qu'une déclaration d'intention de se conformer aux règlements que pourrait édicter le gouverneur en conseil ou le ministre de l'Intérieur. Demandez ensuite le loyer d'un an, disons à compter du 1er juillet de l'an dernier.58

Le 29 août, Stewart répond :

J'ai déjà réussi à obtenir un certain nombre de signatures pour une entente de location et je n'éprouve aucune difficulté à les obtenir, sauf dans le cas de Blackwood qui s'est procuré des lots dans le premier lotissement. Il ne reste à Blackwood que quelques lots et j'espère les faire passer en totalité entre les mains de personnes disposées à accepter les baux. C'est la façon la plus simple de se débarrasser de Blackwood et je compte y arriver. L'autre jour, j'ai rencontré Rowe (agent des terres) à Calgary. Il m'a dit qu'il avait reçu l'ordre de remettre les acomptes. Je lui ai demandé d'attendre de vos nouvelles, je lui ai dit que je vous écrirais pour vous prier de lui dire de ne pas rembourser les acomptes puisque certaines personnes, dont Blackwood, les ont vendus avec leur lot et n'ont donc plus rien à réclamer. La question ne peut être réglée que sur place et à condition que vous demandiez à Rowe d'oublier un moment les acomptes et de travailler avec moi au règlement de cette affaire. Je crois que je peux très bien m'en tirer. La seule difficulté qui reste, c'est de découvrir les adresses des personnes qui ont acquis les lots et j'y parviens peu à peu.

Il semble que Stewart ait été lent dans la négociation des baux avec les occupants des lots puisqu'au bout de dix ans, il n'avait pas encore éclairci la situation. Il est possible qu'il y ait eu des circonstances concomitantes. Dans l'avant-propos du rapport annuel du ministère pour l'année 1897, le sous-ministre commente ainsi l'incident :

Dans ce cas, on s'est plaint de ce que la gestion du parc suscitait en général beaucoup de mécontentement parmi les personnes qui se rendent souvent au parc et, plus particulièrement, parmi celles qui doivent traiter de questions foncières ou autres au bureau du directeur. Par conséquent, M. E.F. Stephenson de Winnipeg, vérificateur des terres, a été chargé de mener une enquête approfondie sur la question. À la suite de son examen, il a paru désirable d'apporter certains changements dans la conduite des affaires là-bas et de remplacer M. Stewart par un homme plus jeune qui serait davantage en mesure de diriger les affaires du parc et de remédier à la situation.59

Stewart fut-il le jouet de machinations politiques ou tout simplement victime du remaniement ministériel? On ne le saura probablement jamais. Quoi qu'il en soit, ce fut une triste fin de carrière pour un fonctionnaire qui avait joué un rôle primordial dans l'élargissement des limites initiales du parc, était en grande partie responsable de sa planification et avait dirigé les débuts de son aménagement. L'enquête sur la gestion de Stewart s'inscrit dans une série de trois menées « à la suite de certaines plaintes adressées au ministère au début du printemps de 1897 ». Selon le rapport du sous-ministre, les deux autres enquêtes se soldaient par le congédiement de l'agent des terres fédérales à New Westminster (C.-B.) et du fonctionnaire à l'immigration à Halifax.

Nomination d'un nouveau directeur

En septembre 1897, Howard Douglas, de Calgary, remplace Stewart au poste de directeur du parc. Douglas connaît bien la région des montagnes Rocheuses car il a travaillé pour le Canadien Pacifique en tant que préposé à l'approvisionnement sur le tronçon partant de Brandon au Manitoba et se prolongeant jusqu'à Revelstoke en Colombie-Britannique. Après l'achèvement du chemin de fer, il met sur pied un commerce de transport et de charbon à Calgary. Au cours des 15 années qui ont suivi sa nomination, Douglas s'est révélé un directeur énergique et dynamique. Le nombre accru des locations qui suit l'agrandissement du parc en 1902 permet d'élargir la portée du programme d'aménagement et d'offrir aux visiteurs plusieurs commodités et services nouveaux.


Réserve du lac Louise

Même si le lac Louise, situé à environ 53 km au nord-ouest de Banff, est connu pour sa splendeur depuis sa découverte en 1882 par Tom Wilson, ce n'est qu'en 1892 que la région comprenant le lac et une superficie de 132 km2 de terres environnantes est transformée en réserve forestière. En 1881 et 1882, Wilson avait servi de porteur au major A.B. Rogers lors des explorations effectuées pour le Canadien Pacifique. Au cours de l'année 1882, alors qu'il campe avec un convoi de bêtes de somme à l'embouchure de la rivière Pipestone, Wilson reçoit la visite de quelques Indiens Stoney qui s'installent ensuite dans les environs. Un grondement se fait entendre dans les montagnes et l'un des Indiens, Edwin, informe Wilson que le bruit provient de la montagne enneigée qui surplombe le « lac des petits poissons ». Accompagné de l'Indien, Wilson traverse la forêt dense jusqu'au lac, où il constate que les grondements distincts qu'il entendait dans la vallée provenaient des avalanches s'écrasant contre les parois glacées des montagnes.60 L'Indien lui décrit également deux petits lacs situés plus haut sur le flanc de la montagne, qui sont appelés aujourd'hui lac Mirror et lac Agnès. Wilson, qui est le premier Blanc à voir le lac, le baptise lac Emerald, mais il est nommé lac Louise en 1884 en mémoire de la visite dans l'Ouest canadien de la princesse Louise, épouse du gouverneur général, le marquis de Lorne (1878-1883). C'est en 1882 que Wilson, à la recherche de chevaux de bât égarés, découvre le lac que l'on connaît actuellement sous le nom de lac Emerald.

La Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique se rend compte des possibilités qu'offre le lac Louise en tant que centre de villégiature et en 1890, elle construit un petit chalet sur sa rive est. L'année suivante, elle améliore les voies d'accès au lac et au chalet en construisant une route carrossable à partir de la gare de Laggan. À mesure que s'étend la renommée de cette magnifique région montagneuse, des visiteurs de plus en plus nombreux s'y rendent. Au grand plaisir des hôtes du chalet, la compagnie construit des pistes pour cavaliers sur les rives du lac et sur les versants de la montagne en direction des « lacs dans les nuages ». Le premier chalet est détruit par un incendie en 1892 mais remplacé par un autre l'année suivante, et les possibilités d'hébergement sont considérablement accrues entre 1903 et 1913. Le guide de la région du lac Louise, publié par Walter D. Wilcox, de Washington D.C., mentionne que le nombre de signatures au registre du chalet était passé de 50 en 1893 à plus de 5700 en 1908.61

Les cimes enneigées des pics majestueux surplombant le lac (qui dans certains cas forment la ligne de partage des eaux) lancent un défi auquel ne peuvent résister les alpinistes. Pour encourager l'escalade, la compagnie fait venir des guides de Suisse, construit spécialement pour eux une auberge au lac Louise et offre leurs services aux visiteurs moyennant rétribution. En 1902, la région entourant le lac Louise est intégrée dans le parc des Montagnes-Rocheuses lors de son agrandissement vers l'ouest jusqu'à la ligne de partage des eaux.


Augmentation du nombre de réserves

On n'ignorait pas la possibilité de créer des réserves audelà des cimes des montagnes Rocheuses. L'établissement d'une réserve publique aux sources thermales de Banff en novembre 1885 avait éveillé l'intérêt non seulement des agents du chemin de fer Canadien Pacifique mais également des députés. Le 22 mars 1886, A. W. Ross, député de Lisgar au Manitoba, demande au ministre de l'Intérieur à la Chambre des communes si le gouvernement a l'intention de créer un ou plusieurs parcs le long de la voie ferrée du Canadien Pacifique dans les Territoires du Nord-Ouest ou en Colombie-Britannique, et, le cas échéant, quelle sera l'étendue de ces parcs. Le ministre White lui répond que le gouvernement a effectivement l'intention de créer de nouvelles réserves mais qu'il n'en pas encore déterminé le lieu.62 Ross écrit ensuite au ministre une lettre en date du 31 mars 1886, dans laquelle il recommande que des parcs soient créés à Banff et à Laggan dans les Territoires du Nord-Ouest, ainsi qu'au pied du mont Stephen, au sommet des monts Selkirk, au lac des Trois Vallées et au lac Shuswap en Colombie-Britannique. Une copie de cette lettre est envoyée à William Pearce, commissaire des mines à Winnipeg, afin qu'il donne ses impressions. Pearce répond par une note de service dans laquelle il attire l'attention sur la réserve existant à Banff et approuve la création de nouvelles réserves à Laggan et le long de la voie ferrée à partir du lac Kicking Horse (nommé aujourd'hui lac Wapta) jusqu'à un endroit situé à 1,6 km à l'ouest du mont Stephen. Il appuie également la création de réserves au sommet des monts Selkirk, aux lacs des Trois Vallées ainsi que dans le col Eagle, et il propose en outre d'en établir une dans le cañon Albert.

Réserves de Yoho et des Glaciers

Le ministre envoie des copies de la lettre de Ross et de la note de service de Pearce à W.C. Van Horne, vice-président du chemin de fer Canadien Pacifique. Dans sa réponse, Van Horne approuve les propositions de Pearce et ajoute que Henry Abbott, directeur général de la division du Pacifique, se rendra dans l'Ouest dans quelques jours et qu'il s'occupera alors de la question des parcs. Le 10 janvier, Van Horne fait parvenir à White une lettre d'Abbott dans laquelle celui-ci propose d'établir des réserves formant un carré de 16 km de côté à Banff et au mont Stephen, de 32 km de côté à proximité du pic Syndicat (mont Sir Douglas) dans les monts Selkirk, et de créer également une réserve qui engloberait les lacs Trois Vallées et Griffin dans la région du col Eagle. Le sous-ministre Burgess transmet la lettre d'Abbott au ministre à Calgary en lui proposant que les limites des futures réserves soient établies de façon à assurer leur protection. Il semble que le ministre ait préféré accepter la proposition d'Abbott puisque le 10 octobre 1886, l'arrêté en conseil C.P. 1880 qui prévoit l'établissement de réserves en régions montagneuses à quatre endroits est adopté. Ces endroits comprennent une région formant un carré de 16 km de côté entourant la base du mont Stephen à proximité de Field, une région constituant un carré de 32 km de côté près du mont Syndicat, une réserve représentant un carré de 24 km de côté dans le col Eagle et une région formant un carré ne pouvant avoir plus de 16 km de côté englobant l'amphithéâtre situé au sommet des monts Selkirk. Des copies de l'arrêté en conseil sont envoyées au secrétaire du chemin de fer Canadien Pacifique, à l'agent des forêts fédérales à Winnipeg et au commissaire des terres, également à Winnipeg. Sans tarder, William Pearce écrit de Winnipeg au secrétaire du ministre afin de lui demander si on n'a pas commis d'erreur dans la définition de la superficie des réserves en confondant les « carrés de x milles de côté » avec les « milles carrés ». Le sous-ministre lui répond qu'il a déjà attiré l'attention du ministre sur les dimensions énormes des futures réserves mais que les mesures indiquées dans l'arrêté en conseil correspondent exactement à celles qu'avait proposées Abbott. On repense néanmoins à la question et, à la suite d'une réunion tenue dans le bureau du ministre à laquelle assistent Pearce et le sous-ministre Burgess, ce dernier écrit à Abbott pour lui proposer d'adopter la plus petite des deux superficies, qui serait à son avis suffisante. Abbott défend sa proposition antérieure en assurant que les dimensions préconisées assureraient une meilleure protection contre les incendies. Il s'attire une réponse hâtive de Pearce qui lui demande pourquoi, s'il juge bon de protéger les terres boisées du troisième secteur, le chemin de fer Canadien Pacifique y exploite une scierie où l'on coupe du bois pour la construction de hangars. Dans sa note de service, Pearce fait également remarquer au sous-ministre que la superficie de réserves de ce genre ne devrait pas dépasser les possibilités de protection et de surveillance des voies d'accès. En définitive, l'opinion de Pearce et du sous-ministre l'emporte, et le 8 décembre 1887, la superficie initiale des réserves est modifiée par l'arrêté en conseil C.P. 2441 qui remplace les « carrés de x milles de côtés » par des « milles carrés ».

Une dernière mesure s'impose pour confirmer l'établissement de ces réserves, étant donné que les divers arrêtés en conseil ne renferment aucune description précise des terres en question. On consulte une fois de plus Pearce qui envoie au secrétaire du ministère de l'Intérieur, le 5 avril 1888, des plans sommaires et une carte des terres que devrait comprendre, à son avis, chaque réserve. Avec l'aide de l'arpenteur en chef, on prépare une description des terrains par section ou sous-section, qui est adoptée par l'arrêté en conseil C.P. 2169 du 11 octobre 1888. La création de ces réserves est à l'origine des parcs nationaux de Yoho et des Glaciers. Le 14 octobre 1902, la réserve des terres entourant les lacs Trois Vallées et Griffin est annulée à la suite d'observations faites au ministre de l'Intérieur selon lesquelles cette région ne convient pas à l'établissement d'un parc. Les réserves du lac Louise, de Field, et des monts Selkirk sont pendant bien des années privées de services administratifs sur place, et seul l'intérêt et les fonds que leur accorde la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique les empêchent de sombrer dans l'oubli. La construction d'un chalet au lac Louise entraîne un accroissement lent mais progressif du nombre de visiteurs dans la région, qui arrivent presque tous par chemin de fer. Une petite colonie s'établit à proximité de Field, où les travaux d'entretien du chemin de fer et l'exploitation d'une mine de peu d'importance, la mine Monarch, située dans les environs, constituent les principales sources d'emploi. Avant la mise en service de wagons-restaurants, le Canadien Pacifique avait construit des restaurants aux gares de Field et de Glacier, où les trains s'arrêtaient afin que les passagers puissent prendre leurs repas. Ces restaurants se sont transformés en hôtels renommés, le Mount Stephen House et le Glacier House, qui sont rapidement devenus des lieux de villégiature. D'autres initiatives, notamment l'extension de la superficie initiale du parc, encouragent l'expansion et l'amélioration des installations et, en fin de compte, permettent à un public plus large de profiter davantage de la vie sauvage des montagnes et de ses nombreux attraits.

Le parc forestier des lacs Waterton

Avant la fin du XIXe siècle, une autre réserve est créée à l'intérieur d'une des régions les plus pittoresques des Rocheuses canadiennes. Dans son rapport annuel de 1886, William Pearce, surintendant des mines, constate la popularité croissante des sources thermales de Banff et déclare en outre :

Il existe de nombreuses autres régions dans les montagnes Rocheuses où il conviendrait d'établir des réserves dans un proche avenir, notamment la région entourant les lacs qui atteignent presque le 49e parallèle et se déversent dans la rivière Belly en passant par la rivière Waterton.64

Les fonctionnaires du ministère ont négligé ou oublié cette proposition et ce n'est qu'en 1893 que les avantages d'établir une réserve publique autour des lacs Kootenay et Waterton éveillent l'intérêt du gouvernement. Au cours du mois de septembre de cette même année, F. W. Godsal, propriétaire d'une ferme d'élevage située dans le secteur Cowley au nord des lacs, écrit à Pearce à Calgary pour lui recommander de créer un parc autour des lacs. Godsal rappelait spécifiquement la recommandation faite par Pearce dans un « rapport officiel », et précise que les lacs, qui constituent depuis un certain nombre d'années un centre de villégiature pour les habitants des régions environnantes, qui vont y camper et y passer leurs vacances, devraient être réservés à la création d'un parc public avant que le peuplement, intensifié par la construction d'un chemin de fer à travers le col du N id de corbeau, ne détériore la région.

Premier habitant de Waterton

Godsal s'intéressait depuis longtemps au mouvement en faveur de la création de parcs nationaux et il figurait parmi les signataires de la pétition envoyée en 1887 au ministre de l'Intérieur afin de protester contre la construction du tunnel menant à la source Cave à Banff. Il avait effectivement prophétisé en constatant le besoin de créer un lieu de délassement au sein de cette région où il en existait si peu. Moins d'une décennie auparavant, la région entourant les lacs Waterton était un endroit relativement sauvage dont le premier habitant permanent, John George « Kootenai » Brown, s'était établi sur les rives du lac Waterton Sud. Brown avait connu une vie extraordinaire d'aventures avant de s'établir en tant que guide, chasseur et pêcheur. Nommé enseigne de l'armée britannique en 1857, il sert pendant trois ans aux Indes avant de donner sa démission. Il s'embarque en Angleterre à destination de Panama, traverse l'isthme à pied, navigue vers le nord à destination de San Francisco et de Victoria, participe à la ruée vers l'or de Caribou, en 1865, et traverse les Rocheuses en empruntant le col Kootenay Sud. Au cours des années qui ont suivi, Brown est à tour de rôle chasseur, courrier de poste, éclaireur de l'armée, guide et interprète. En 1869, il épouse une Métisse à Pembina. Huit années plus tard il est mêlé à une rixe avec un commerçant qu'il blesse mortellement à coups de poignard. Brown est jugé pour meurtre et acquitté. L'année suivante, il revient aux lacs qu'il avait vus pour la première fois en 1865 et y établit un magasin. Ce nouveau mode de vie de commerçant, de chasseur et de pêcheur est interrompu par l'exercice d'autres fonctions, notamment celles d'éclaireur des Chasseurs des montagnes Rocheuses lors de la rébellion de 1885, et par la suite de guide et de porteur pour la police à cheval du Nord-Ouest à Fort MacLeod.65 Dans cette région isolée mais superbe située à six kilomètres au nord de la frontière, Brown va assister en quelques années à des changements extraordinaires. Au cours des années 1889-1890, on découvre du pétrole dans la vallée du ruisseau Cameron en amont et à l'ouest des lacs Waterton Nord. Cette découverte donne lieu au premier boom pétrolier en Alberta, mais malgré le jalonnement intensif de concessions et la création d'une société d'exploitation, l'essor est de courte durée. Un habitant de la région, William Aldridge, puise du pétrole brut et le vend aux autres habitants et éleveurs des environs, mais il semble que les exploitants se soient rapidement désintéressés de l'affaire. À la suite de l'accroissement de la population, qui s'accompagne d'une réduction progressive du gibier et du poisson, les premiers habitants, notamment Brown et Godsal, se rendent compte que la région se transforme rapidement et que les qualités qui en faisaient un paradis pour les sportifs sont en voie de disparition.

La recommandation faite par Godsal en septembre 1893 qui visait à transformer la région des lacs Waterton en parc national, exprime aussi sans aucun doute, l'opinion des autres habitants des environs. Pearce transmet rapidement la lettre de Godsal aux autorités supérieures en recommandant la création de la réserve et en soulignant que les terres en question ne conviennent pas à la culture et n'ont que peu de valeur pour l'élevage.66 Cette proposition est accueillie avec très peu d'enthousiasme par le ministère de l'Intérieur. On ignore si les fonctionnaires faisaient ainsi preuve de prudence ou s'ils s'opposaient nettement à la création de nouvelles réserves. Quoi qu'il en soit, le dossier portant sur cette question fait état de l'attitude sceptique du secrétaire du ministère John Hall qui dans une courte note de service adressée au sous-ministre lui pose la question suivante :« N'estimez-vous pas que l'on accorde trop d'importance à cette question des réserves ? » Le sous-ministre A. M. Burgess transmet le dossier au ministre, l'honorable T. Mayne Daly, avec le commentaire suivant :

Je vous présente une carte indiquant la région qui, selon la proposition de Godsal, devrait être interdite au peuplement et transformée en parc national, puisqu'elle constitue un endroit de villégiature. L'accroissement du nombre de réserves peut finir par entraîner leur inutilité. Je crains que si les réserves continuent à se multiplier le public ne les trouve plus aussi sacrées. Il serait de loin préférable de ne créer qu'un ou deux parcs dans les régions les plus importantes afin d'être en mesure de les protéger convenablement et de leur garder la faveur du public.67

Création du parc

Le fait qu'une année entière s'écoule avant qu'on ne prenne position sur les idées de Burgess reflète la lenteur des délibérations au sein du ministère à l'époque. Toutefois, Daly choisit de ne pas tenir compte de l'opinion de son sous-ministre, ce dont on doit lui être éternellement reconnaissant, et envisage une décision à long terme. Dans une note de service manuscrite datée du 19 novembre 1894, il prend une responsabilité qui aura des répercussions considérables sur l'avenir.

En raison de l'appui qu'a manifesté M. Pearce à la proposition de M. Godsal, j'approuve la constitution de ces terres en réserve pour la création d'un parc. La postérité nous en sera reconnaissante. Veuillez inclure les propos de M. Pearce traitant de la valeur des terres dans la lettre destinée au Conseil.68

Le 30 mai 1895, certains secteurs des cantons 1 et 2 des rangs 29 et 30 à l'ouest du quatrième méridien sont consacrés à la création d'un parc forestier en vertu de l'article 78 de la Loi des terres fédérales. Le parc s'étend sur une superficie totale de 140 km2 et englobe la partie du lac Kootenay ou Waterton située au nord de la frontière, ainsi que les lacs plus au sud et intermédiaires. Cette décision est des plus importantes car le rejet de la proposition de Godsal au début d'un nouveau siècle aurait sans aucun doute nuit aux propositions ultérieures de création de parcs nationaux. Bien qu'un grand nombre d'années s'écoulent avant la nomination d'un garde permanent et l'aménagement touristique de la réserve, les lacs Waterton et leurs multiples attraits sont dès lors à l'abri de la vente et mis à la disposition du public pour son bénéfice et son agrément.


Consécration de l'idée de parc national

Ainsi, lorsque le Canada pénètre dans le XXe siècle, l'idée de parc national s'est fermement implantée. Le parc des Montagnes-Rocheuses existe depuis presque 13 ans et cinq autres réserves sont établies ailleurs dans les montagnes Rocheuses et les monts Selkirk. La beauté incomparable du lac Louise est sauvée de l'exploitation, le noyau des parcs qui comprendront les merveilles de la vallée Yoho et les cimes enneigées des monts Selkirk est constitué, et la partie canadienne du parc international de la Paix Waterton-Glacier est préservée pour les générations futures. Les Canadiens peuvent envisager avec bonheur l'expansion d'un patrimoine national qui permettra au cours des années à venir à des millions de personnes de jouir de la vie en plein air et de divertissements salutaires dans une région d'une extraordinaire beauté naturelle.


Références

1. Encyclopaedia Britannica, première édition, Édimbourg 1771.

2. Morton, A.S., A History of the Canadian West to 1870-71, Nelson, Toronto, 1939, pp. 414 à 418.

3. McGillivray, Duncan, Journal of Macmillan, Toronto, 1929, Annexe p. 9.

4. Morton, A.S., p. 482.

5. Bridgeland, M.P. et Douglas, R., A Guide to Jasper Park, ministère de l'Intérieur, Ottawa, 1917, p. 15.

6. Simpson, George, Narrative of a Journey Around the World, H. Colburn, Londres, 1847, vol. 1, p. 120.

7. Ibid.

8. de Smet, P.-J., Orégon Missions, E, Dunigan, New York, 1847, p. 204.

9. Rundle, R.T., Extracts from the Journal of Robert T. Rundle, Bibliothèque du ministère de l'Environnement, Ottawa.

10. Palliser, Captain John, Journals, Detailed Reports and Observations relative to Captain John Palliser's Expédition in British North America, Queen's Printer, Londres, 1843, p. 4.

11. Ibid., p. 5.

12. Ibid., p. 100.

13. Ibid., p. 106.

14. Ibid., p. 111.

15. Palliser Journals, p. 16.

16. Glacier House Register, 1897-1910, Archives de la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique, Montréal.

17. Morton, p. 731.

18. Ibid., p. 753.

19. Ibid., p. 769.

20. Gibbon, J.M., Steel of Empire, Bobbs-Merrill, New York 1935, p. 157.

21. Ibid., p. 188.

22. Innis, H.A., History of the Canadian Pacific Railway, McClelland and Stewart, Toronto, 1923, p. 96.

23. Ibid., p. 98.

24. Rogers, A.B., Letter to W.C. Van Horne (Lettre adressée à M. W.C. Van Horne), Archives de la Compagnie de chemins de fer du Canadien Pacifique, Montréal.

25. Wheeler, A.O., The Selkirk Range, Imprimerie du gouvernement, Ottawa, 1905, pp. 156 à 157.

26. Ibid., pp. 159 à 170.

27. Gibbon, J.M., p. 255.

28. Innis, H.A., p. 128.

29. Crag and Canyon, journal de Banff, 16 juillet 1933.

30. Rapport annuel du ministère de l'Intérieur, 1885, partie II, p. 18.

31. Transcription de témoignages recueillis lors de l'enquête sur les sources thermales de Banff, 7 et 8 juillet 1886, ministère de l'Intérieur, dossier n° 86776.

32. Ibid.

33. Ibid.

34. Ibid.

35. Hansard, 29 avril 1887.

36. Dossier n° 86776 du ministère de l'Intérieur.

37. Ibid.

38. Pearce, William, Report on Investigation of Claims to the Hot Springs at Banff (Rapport de l'enquête concernant les titres de propriété des sources thermales de Banff), ministère de l'Intérieur, dossier n° 86776, juillet 1886.

39. Transcription de témoignages, enquête sur les sources thermales de Banff, juillet 1886.

40. Dossier n° 86776 du ministère de l'Intérieur.

41. Pearce, William, Establishment of the National Parks in the Rocky and Selkirk Mountains (L'établissement des parcs nationaux dans les montagnes Rocheuses et les monts Selkirk), Document présenté à la société historique de Calgary, 16 décembre 1924, Calgary Herald, 27 décembre 1924.

42. Rapport annuel du ministère de l'Intérieur, 1886, p. XX.

43. Ibid., pp. 80 à 83, partiel.

44. Ibid., p. 9, partie I.

45. Dossier n° 139450 du ministère de l'Intérieur.

46. Cramton, Louis C, Early History of Yellowstone National Park and its Relation to National Park Policies, U.S. Govt. Printing Office, 1932, p. 19.

47. Ibid., p. 28.

48. Laws relating to National Parks Service, United States Govt. Printing Office, 1933, p. 26.

49. Gibbon, J.M., p. 309.

50. Hansard, 3 mai 1887.

51. Ibid.

52. Statuts du Canada, 50-51, Victoria, chapitre 32.

53. Pearce, William, Document publié dans le Calgary Herald, 27 décembre 1924.

54. Rapport annuel du ministère de l'Intérieur, 1887, partie VI, p. 11.

55. J.W. Dafoe, Clifford Sifton in Relation to his Times, Macmillans, Toronto, 1931, p. 134.

56. Ibid., p. 105.

57. Rapport annuel du ministère de l'Intérieur, 1897, partie I, p. 3.

58. Dossier R-21 du Service des parcs nationaux.

59. Rapport annuel du ministère de l'Intérieur, 1897, p. 4.

60. Wilcox, Walter, The Rockies of Canada, Putnam's, New York, 1909, p. 12.

61. Wilcox, Walter, Guide to the Lake Louise Région, Judd et Detweiler, Washington, 1909, p. 7.

62. Hansard, 22 mars 1886.

63. Dossier n° 559260 du ministère de l'Intérieur, 4 novembre 1887.

64. Rapport annuel du ministère de l'Intérieur, 1886, partie I, p. 24.

65. Rodney, William, Kootenay Brown, his Life and Times, Gray's Publishing Ltd., Sidney, C.-B., 1969.

66. Dossier n° 559260 du ministère de l'Intérieur, 23 septembre 1893.

67. Ibid., 18 novembre 1893.

68. Ibid., 19 novembre 1894.



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